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Bourse de Tunis : Perspectives 2018

Par Moez Hadidane, le 15/01/2018

Moez Hadidane

Bourse de Tunis, avec une volatilité élevée (il y avait des baisses même si l'année s'est terminée sur une note positive). Quid de 2018 ? Le nouvel environnement réglementaire et une probable poursuite des hausses des taux d’intérêts laissent présager un exercice difficile pour les opérateurs économiques.

Sur le plan règlementaire, l’année 2018 sera marquée par :

  • L’application d’une contribution conjoncturelle au profit du budget de l’Etat de 2018 et 2019 due par les banques, établissements financiers et les compagnies d’assurance et de réassurance au taux de 5% sur les bénéfices servant de base pour le calcul de l’IS déclaré en 2018 (et de 4% sur les bénéfices servant de base pour le calcul de l’IS déclaré en 2019).
  • L’augmentation du taux d’impôt sur les dividendes servis à partir du 1er janvier 2018 quelle que soit l’année à laquelle le bénéfice est rattaché de 5% à 10%.
  • Démarrage de la cotisation des banques au fonds de garantie des dépôts bancaires à hauteur de 0,3% de leur encours de dépôts constaté fin 2016 (toutefois et jusqu’au 30 septembre 2017, le fonds de garantie prévu par le décret gouvernemental N°2017‐268 du 1er février 2017 n’est pas encore constitué. Plusieurs banques n’ont pas constaté ni au 30 juin 2017 ni au 30 septembre 2017, la charge au prorata temporis à supporter sur le Fonds de Garantie des Dépôts qui est en cours de constitution).
  • L’application de la valorisation des BTA détenus par les banques au prix du marché par référence à la nouvelle courbe des taux. L’impact de cette mesure est peu significatif sur le résultat des banques, dans la mesure où il ne touche que leur portefeuille titres de placement.
  • Hausse significative des droits de consommations sur une longue liste de produits et une TVA de 13% sur l’acquisition de biens immeubles à usage d’habitation auprès des promoteurs immobiliers.

Dans cet environnement réglementaire, les sociétés devront évoluer dans une conjoncture économique caractérisée par un dinar faible, renchérissement du prix du pétrole, ajustement mécanique du coût de l’énergie par l’Etat et fort probablement une poursuite des hausses des taux d’intérêts (au moins les taux monétaires).

Les sociétés assez endettées et dont les flux de trésorerie du cycle d’exploitation couvre à peine les décaissements au titre des flux de financement seront confrontées au risque de hausse continue des taux d’intérêts.

L’année 2018, sera également difficile aux secteurs importateurs que ce soit des matières premières ou des produits finis et dont le chiffre d’affaires est réalisé sur le marché local.

Valeurs à suivre

Les Bancaires : BIAT et ATTIJARI BANK

En dépit d’une hausse de 19,46% de l’indice bancaire, le secteur affiche un PER 2017 de 9,5x contre 15,9 x pour le marché.

La hausse des taux, enregistrée en 2017 et celle qui peuvent survenir en 2018, va profiter aux banques. Les crédits étant indexés au TMM alors que le réajustement du coût des ressources se fait avec un temps de latence.

Ainsi, en plus des revenus dégagés de la gestion de leur portefeuille en BTA et servant de support au refinancement auprès de la BCT au taux de l’appel d’offres (autour de 5%), les banques vont cumuler une croissance sensible de leur marge sur Intérêts. Celles qui disposent d’une part importante des dépôts à vue profiteront le plus, à l’image de BIAT et ATTIJARI BANK.

Les exportatrices : SOTUVER, ONE TECH, TELNET, EURO-Cycles, SAH et New Body Line

En dépit d’une hausse importante de leurs cours en 2017, les sociétés exportatrices à forte valeur ajoutée technologique à l’image de ONE TECH HOLDING et TELNET ou à fortes intensité capitalistiques à l’image de de SOTUVER affichent toujours des multiples de bénéfices attrayants comparés à leurs perspectives de croissances. Aussi et étant orientées principalement à l’export, les valeurs EURO-Cycles, SAH, New Body Line profiteront d’une compétitivité prix qui peuvent leur ouvrir de nouveaux marchés.

Défensive et sous-évaluée : CEREALIS

Faisant partie du secteur de l’Industrie agro-alimentaire locale, CEREALIS détient aujourd’hui 65% de part de marché des Chips et 10% de part de marché sur les cakes. La structure du chiffre d’affaires du groupe est composée de 71% de ventes de snacks salés, 26% de snacks sucrés et 2% sous forme de revenus de distribution pour compte de tiers.

Les fondamentaux du groupe se sont nettement améliorés depuis 2016. La filiale Bolério s’approche de l’équilibre, son résultat net s’établit à -0,141 million de dinars en 2016 et devrait virer en territoire positif à partir de 2017.

Au niveau commercial, le groupe s’est récemment réorientée vers une politique de distribution directe auprès des détaillants à travers sa filiale INTERDIS (il est à rappeler à cet effet que CEREALIS avait à ses débuts commencé par de la vente directe mais avait ensuite progressivement migré vers le commerce en gros, moyen de distribution moins coûteux mais offrant en contrepartie moins de contrôle de placement).

Le RNPG du groupe est attendu, au scénario le plus défavorable, autour de 1,53 million de dinars en 2017, soit en hausse d’au moins 10%. L’action cote aujourd’hui à 4,200 dinars, soit 4,2 fois son EBITDA 2017 consolidé et 13 fois ses bénéfices 2017 contre un PER du marché de 15,9 fois. A moyen terme et compte tenu d’une valorisation avec la méthode des comparables (VILMORIN & CIE Paris, Lessieur Cristal Casa, Oulmes Casa, Unimer Casa) hors poids lourds de l’agro-alimentaire, l’action offre un Up-Side de 38% à 5,80 dinars.

Perspectives d’évolution des taux en 2018

Pour 2018, les hypothèses avancées dans le budget de l’Etat de l’année actuelle, tablent sur une croissance du PIB de 3%, un prix du baril de pétrole Brent de 54 dollars et une réduction du déficit budgétaire à 4,9%.

Le gouvernement compte limiter les emprunts (flux) extérieurs à 7,3 milliards de dinars en 2018 contre 8,3 en 2017 et maintenir quasiment au même niveau qu’en 2017 les emprunts intérieurs à hauteur de 2,2 milliards de dinars en bons de trésor. Une baisse que l’Etat compte compenser par les ressources fiscales appuyées par l’armada de mesures contenues dans la loi de finances 2018.

Mais, l’année 2017 a été généreuse en termes d’endettement extérieur, et ne gage en rien les flux extérieurs pour 2018. L’hypothèse de mobiliser 7,3 milliards de dinars d’emprunts extérieurs reste très aléatoire. La hausse récente du Brent à 66 dollar le baril et la dégradation du pouvoir d’achat affaibli par une inflation persistante (importée qu’on lui ajoute une inflation fiscale)  vont ressusciter les revendications sociales.

Cela peut créer des besoins supplémentaire de financement de l’ETAT, surtout si les ressources extérieures ne seront pas au rendez-vous, et par conséquent à un endettement intérieur plus prononcé que prévue et donc des impulsions à la hausse sur les taux longs.

D’un autre côté, la pression sur la liquidité bancaire, le maintien du TMM à un niveau très proche de la limite supérieur du Corridor (taux de facilité permanente de crédit) et la hausse du taux minimum de rémunération de l’épargne à 5%, face à une inflation de plus de 6%, sont autant de signaux qui laissent présager une nouvelle hausse du taux directeur de la BCT.

Moez Hadidane



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