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Fin de mandat à la tête de la BCT : Quel bilan pour Marouane EL ABASSI ?

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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En six ans de mandat, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), Marouane EL ABASSI, a mené de nombreuses actions dans un contexte économique et financier très particulier marqué par une concomitance de chocs internes et externes. Cette fin de mandat est l'occasion de revenir dessus.

 

Par Omar EL OUDI

 

Nommé en février 2018 à la tête de la BCT, l'ancien responsable et professeur d'économie de la Banque mondiale a réussi à imposer une politique monétaire restrictive dans un contexte marqué par une détérioration des déficits jumeaux, une accentuation des pressions sur la liquidité des banques, des réserves en devises à préserver, un taux de change du dinar à stabiliser et une inflation à maîtriser.

Premier challenge, éloigner l'économie tunisienne de la zone de danger

Au moment de la prise de ses fonctions en tant que Gouverneur de la BCT, le premier challenge de Marouane EL ABASSI consistait à prendre les décisions nécessaires permettant d'éloigner l'économie tunisienne de la zone de danger.

Il a ainsi mis en place un certain nombre de mesures de politique monétaire et macro-prudentielle pour essayer de ramener l'inflation à des niveaux acceptables, de reconstituer le stock des avoirs en devises et de stabiliser le taux de change du dinar. Indépendamment des doutes de certains observateurs sur l'utilité de ces mesures, notamment les hausses consécutives du taux directeur, Marouane EL ABASSI avait démontré une volonté de faire bien et mieux.

Il a ainsi relevé le taux directeur de la BCT, qui est passé de 5% à 5,75% en mars 2018, puis à 6,75% en juin 2018. Mais depuis lors, il avait résisté aux appels du FMI pour de nouvelles hausses de taux jusqu'au mois de février 2019 et avait défié de sombres prévisions en maintenant le taux d'inflation à 7,5%. Ce sont des réalisations importantes à l'époque puisque le gouverneur a bien réussi à contenir les choses au bout de quelques mois.

En février 2019, soit un an après la nomination de Marouane EL ABASSI à la tête de la BCT, le conseil d'administration de l'institution d'émission a approuvé le premier Plan stratégique triennal de la banque (2019-2021), l'objectif étant de faire de la BCT une institution moderne, efficiente et proactive à l'avant-garde des transformations économiques et financières. Prorogé à cause de la crise sanitaire Covid-19, ce premier Plan s'est achevé à la fin de l'année 2022.

Le choc externe de la crise sanitaire COVID-19

Avec l'avènement de la pandémie COVID-19, soit la crise sanitaire mondiale de notre époque et le plus grand défi auquel nous ayons été confrontés depuis la Seconde Guerre Mondiale, la BCT avait mis en place un ensemble de mesures exceptionnelles visant à soutenir l'effort national dans cette période de crise. Ces mesures avaient pour objectif de soutenir les entreprises et contribuer à préserver le tissu économique et à protéger les emplois.

Toutefois, pendant la pandémie, des politiciens et des commentateurs ont eu tendance à remettre en cause l'efficacité des mesures de soutien annoncées par la Banque centrale au profit des entreprises et des particuliers, en grande partie, en raison d'une économie en berne et d'entreprises qui connaissent déjà de grandes difficultés.

Les retombées de la crise sanitaire COVID-19 et des baisses successives de la notation souveraine de la Tunisie ont été davantage ressenties en 2022 et ce, suite au déclenchement du conflit Russo-Ukrainien.

Dans ces différentes phases délicates, la BCT s'est mobilisée pour accompagner l'action des autorités. Cela a été plus visible et perceptible dans le maintien de la stabilité des prix, la contribution à la préservation de la stabilité financière et l'appui de l'action du gouvernement.

Politique monétaire

L'efficacité de la politique monétaire est souvent appréciée par référence à des périodes d'excès persistant de l'inflation, comme ce fut le cas pour la Tunisie en 2017-2018. Le resserrement énergique de la politique monétaire, en 2018-2019, a induit une baisse de la demande de crédit de consommation et une atténuation des pressions sur le taux de change du dinar.

Par conséquent, l'action de la BCT a réduit les comportements spéculatifs et a favorisé une décélération de l'inflation. Celle-ci s'est établie en-dessous de la barre des 5% au cours du premier trimestre 2021 et ce, pour la première fois depuis mi-2017.

Ce n'est que grâce à cette performance en matière d'inflation que la BCT s'est permis en 2020 un assouplissement de sa politique monétaire. Pour faire face aux retombées de la crise sanitaire COVID-19 sur l'économie nationale, la baisse du taux directeur de 150 points de base en 2020 n'aurait été possible sans le travail préventif et d'anticipation réalisé dès 2018 pour contenir l'inflation.

Dans une situation de crise inédite comme en 2020 ou imprévisible comme le conflit russo-ukrainien, la prise de décisions difficiles et impopulaires, mais nécessaires, par la Banque centrale s'est imposée malgré les critiques qui ont fusé à l'époque. Deux années après, l'histoire a donné raison à l'approche de la BCT, taxée de conservatisme à l'époque.

Crise russo-ukrainienne

Alors que notre pays n'est pas encore remis des effets de la crise sanitaire, il se trouve confronté à la crise russo-ukrainienne qui a vite fait propulser les prix internationaux des produits alimentaires de base et des matières premières vers des records historiques. Effet immédiat, le taux d'inflation a grimpé pour se situer à 7,8% en mai 2022, contre 5% et 6,6% en mai et décembre 2021, respectivement.

Ce trend haussier s'est poursuivi avec le maintien du cours des matières premières, surtout le pétrole, à des paliers historiquement élevés. En présence d'une tendance haussière de l'inflation à moyen-terme, la BCT se trouvait dans l'obligation de resserrer sa politique monétaire.

Comme le dit toujours Marouane EL ABASSI, il est nécessaire d'éviter l'installation d'une inflation forte et persistante dans l'économie, ce qui rend, par la suite difficile et très coûteux de la ramener vers sa moyenne de long terme. Cette situation l'a connu la Tunisie en 2022 ce qui a nécessité des réponses énergiques de la part de la Banque centrale en matière de taux d'intérêt, générant ainsi des coûts économiques plus élevés.

Par cette action de relèvement de son taux directeur, la BCT visait à freiner la tendance haussière de l'inflation sous-jacente avant de l'inscrire sur une trajectoire baissière dès 2023 étant donné que le délai de transmission des actions de la politique monétaire est de 6 à 8 trimestres pour atteindre l'inflation.

Encore une fois, presque deux ans après, l'histoire a donné raison à l'approche de la BCT. Depuis sa dernière décision de relever son taux directeur en décembre 2022, l'inflation a amorcé une tendance baissière en passant de 10,6% à 8,1% entre janvier et décembre 2023.

Le coût du resserrement de la politique monétaire

En ses six années de mandat, Marouane EL ABASSI a décidé de relever le taux directeur de la Banque centrale à six reprises et ce, aux mois de mars 2018 (75 points de base), juin 2018 (100 points), février 2019 (100 points), mai 2022 (75 points), octobre 2022 (25 points) et décembre 2022 (75 points), contre deux abaissements en mars 2020 (-100 points) et en septembre de la même année (-50 points).

Malgré ces deux baisses, le taux directeur de la BCT est passé de 5% à 8% en six ans. Ce resserrement de la politique monétaire a induit une baisse de la demande de crédit de consommation et une atténuation des pressions sur le taux de change du dinar qui s'est quasiment stabilisé durant les deux dernières années. Mais cela n'est pas sans conséquences pour les finances des entreprises et des particuliers.

Ce tour de vis monétaire s'est répercuté sur le taux auquel les banques se prêtent entre elles, et influencé le taux d'intérêt auquel elles prêtent aux Tunisiens. Par conséquent, ces augmentations des taux ont influencé les habitudes de consommation, d'investissement et d'épargne et donc l'économie tunisienne dans son ensemble.

Marouane EL ABASSI a avoué que la prise de décision a été toujours difficile et elle engendre des conséquences. Donc elle a inéluctablement un coût. " Mais le tribut, aussi coûteux soit-il, reste en deçà de celui de la non-action ou la non-prise de décisions ".

La BCT et l'ouverture sur son écosystème

En dépit de son rôle principal de combattre l'inflation et d'assurer la stabilité financière, la BCT a essayé de s'ouvrir sur son écosystème à travers quelques actions dans l'objectif de garantir une bonne synchronisation entre la sphère économique et l'avancement technologique.

Dans ce sens, la BCT s'est dotée d'un site dédié aux Fintechs, d'une Sandbox réglementaire et de son BCT-LAB. Le but est de garantir aux Startups les moyens de leurs ambitions, mais aussi d'amorcer les travaux d'inclusion financière. La BCT a également ouvert la porte en 2019 à la parution de nouveaux acteurs financiers, à savoir les établissements de paiements.

Ce nouveau front porteur de risques avait été ouvert par la BCT alors que la Tunisie était en pleins chantiers réglementaires et stratégiques visant à se faire sortir de la liste du GAFI des pays sous surveillance pour manque de conformité aux recommandations internationales de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme (BA/FT).

Refonte du Code de change, un chantier inachevé

A peine quelques mois depuis le début de son mandat, Marouane EL ABASSI a mis en place un Comité Consultatif sur la Règlementation des Changes au sein de la BCT auquel toutes les parties prenantes ont été associées. Ce comité a pour mission la refonte de la réglementation des changes dans une situation macro-économique difficile et l'obligation de lutter contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme incombant aux banques.

Cependant, Marouane EL ABASSI a fait savoir à maintes reprises que la BCT ne peut pas conduire toute seule cette refonte eu égard à ses prérogatives. C'est pour cela qu'elle avait commencé à étudier les mesures d'assouplissement relevant de ses prérogatives et répondant aux préoccupations des opérateurs. Mais l'avènement de la crise sanitaire qui a causé la dégradation de la situation des finances publiques et l'aggravation des déficits jumeaux a poussé la BCT, ainsi que les gouvernements qui se sont succédé depuis, à reporter l'achèvement de ce grand chantier.

Annoncé initialement pour juillet 2022, le nouveau Code des changes n'a pas vu le jour jusqu'à présent. Longuement attendu, ce document annoncera l'engagement ferme d'une levée des restrictions restantes aux opérations de change. Cette mesure longuement souhaitée par les opérateurs, permettra aux opérateurs de développer leur activité à l'international tout en restant en adéquation avec les équilibres marcro-économiques.

Quelles sont les pistes pour remplacer Marouane EL ABASSI ?

Avant que l'annonce soit officielle, plusieurs noms circulent concernant le successeur de Marouane EL ABASSI à la tête de la Banque centrale. Même si, avec Kais SAIED, il peut toujours y avoir une énorme surprise. Cela fait partie des scénarios possibles. À savoir : la nomination d'une personne qui n'aurait, jusqu'ici, pas encore été évoquée.

Il faut se souvenir que, jusque-là, dans les nominations des deux derniers gouverneurs les fuites n'étaient pas nombreuses, que ce soit pour feu Chedli AYARI ou Marouane EL ABASSI. Pour ce dernier, jusqu'au bout, les doutes étaient intenses puisque d'autres personnalités étaient en concurrence pour devenir Gouverneur. On peut donc toujours avoir une surprise.

Publié le 17/01/24 14:02

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airoud123


18/01/24 07:56

d'après les dernières info , c'est le gouverneur de ben arous qui en pôle position pour remplacer abassi :):;):):):):)

bourse123


18/01/24 10:03
selon l'article bech trodouhoulna Bill Gates hhhhhhh On dirait qu'on vivait dans un autre pays.
KITAR-M


18/01/24 10:09

au point où on en est, il n'y a pas mieux qu'un expérimé pour nous tirer d'affaires

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