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Banques participatives : Comment CIH BANK a pris de court le marché

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En ouvrant avant tout le monde les premières agences de sa filiale halal Umnia Bank, le groupe dirigé par Ahmed Rahhou a réalisé le meilleur time to market  de la place. Un joli coup qui lui a valu les reproches de la concurrence. Décryptage. 

L'effet de surprise aura été total. Lundi 22 mai, CIH Bank ouvrait les premières agences de sa nouvelle banque participative Umnia Bank, et lançait dans la foulée une campagne d'envergure pour faire connaître sa nouvelle marque. Les observateurs, qui jugeaient farfelue l'idée que les très attendues banques islamiques démarrent avant le mois de ramadan, sont désarçonnés. Tout comme les autres banques participatives, sur les rangs pour attaquer ce nouveau marché, qui ménageaient le suspense autour de leur lancement.

Umnia Bank, elle, a tranché dans le vif pour se frayer la première un chemin vers les clients, une démarche qui ne doit rien à l'improvisation. Le top management de la nouvelle banque, issue d'un partenariat entre CIH Bank, la CDG et Qatar International Islamic Bank, s'est engagé dès les toutes premières étapes dans une course contre la montre pour réussir en bout de parcours le meilleur time to market de la place.

Aux avant-postes

A peine le dossier de demande d'agrément de la banque déposé auprès de Bank Al-Maghrib, que les équipes projets en charge de constituer le nouvel établissement ont attaqué les préparatifs du lancement. "La filiale de CIH Bank était aux avant-postes pour défricher le terrain pour toute l'industrie. Elle était par exemple parmi les premières à échanger en coulisses avec la banque centrale pour progressivement constituer le cadre technique de ce nouveau secteur", reconnaît un professionnel.

Une fois que Bank Al-Maghrib a levé le voile début janvier sur les établissements qui ont reçu un avis favorable pour la création de leur banque participative, la filiale de CIH Bank a été la première à sortir au grand jour. Avec un sens de la mise en scène. C'était lors de la conférence de présentation des résultats de CIH Bank en février dernier. L'évènement tardait à démarrer quand Ahmed Rahhou, PDG de CIH Bank, a déboulé dans la salle accompagné de son état-major.

Le patron, habituellement d'humeur égale, semble enthousiaste. Il annonce triomphalement à l'assistance : "C'est fait, nous venons de boucler les ultimes réunions et formalités pour la constitution juridique de notre filiale participative". Pour acter cette naissance, la marque et l'identité visuelle de la nouvelle banque sont dévoilées, non moins théâtralement. Pour les journalistes et les analystes financiers présents, la finance participative, qui paraissait empêtrée dans d'interminables préparatifs, prend tout de suite une tournure concrète. Quelques semaines plus tard, c'est aussi sous la marque Umnia Bank que les banques participatives de CIH deviendront une réalité pour le grand public.

La concurrence agacée

C'est tout ce qu'a toujours souhaité le management du nouvel établissement : être la banque participative de référence au Maroc. Est-ce qu'elle parviendra à devenir la marque générique de cette nouvelle industrie ? Ce qui est sûr, c'est que l'établissement a suscité l'intérêt des clients. Quelques jours après son lancement officiel, tous les supports de l'information mis à disposition sur Internet par la banque avaient été vus ou téléchargés des dizaines de milliers de fois, selon Abdessamad Issami, président du directoire d'Umnia Bank. Un appétit qui a dépassé les espérances du management de la banque.

Un début prometteur, mais en voulant se positionner coûte que coûte comme pionnier, l'établissement est peut-être allé plus vite que la musique. Les autres établissements ont explicitement reproché à CIH Bank d'avoir cédé à la précipitation, au lendemain même du lancement de sa filiale participative, lors d'une réunion du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), selon des échos recoupés du secteur.

La banque a d'abord agacé la concurrence en affirmant haut et fort dans ses supports publicitaires être "la première banque participative au Maroc". "Faux, crie  un concurrent, le Bulletin Officiel où a été publié la décision d'agrément autorise aussi officiellement trois autres banques participatives". Le management d'Umnia Bank persiste : la décision d'agrément de la banque a été la première à être élaborée, le 6 mars dernier. Najmah (de la BMCI) aurait pu lui faire de l'ombre puisque son agrément était lui aussi prêt à cette date… A ceci près qu'il s'agit d'une fenêtre participative. Au sens strict, Umnia Bank est bien la première banque participative au Maroc. CQFD.

Occuper le terrain

Mais ce qu'on reproche avant tout à l'établissement, c'est de s'être lancé alors même que beaucoup d'éléments du cadre institutionnel et réglementaire de la nouvelle industrie manquent pour offrir un service complet au client. Le modèle de convention de compte que les banques doivent habituellement faire signer aux clients pour toute ouverture de compte, dans les dernières étapes avant sa validation par le Conseil supérieur des oulémas, n'est pas encore disponible. Les contrats-types qui doivent régir les financements proposés ne sont toujours pas prêts, eux non plus.

Le management de la banque dit pour sa part mettre l'accent, pour l'heure, au niveau des agences sur le conseil et la vulgarisation du fonctionnement de ce nouveau secteur, plutôt que sur le placement de produits. Umnia Bank a cependant commencé à collecter les dépôts de la clientèle même en l'absence d'un modèle de convention de compte, ainsi qu'on a pu s'en assurer en agence. "La convention de compte se limite simplement à gérer les rapports entre l'établissement et les détenteurs de compte. Rien ne nous empêche de recevoir les dépôts de la clientèle", justifie Abdessamad Issami.

Pas d'arrangements en revanche avec les financements. "Nous ne signons actuellement aucun contrat", assure le président. Les agents commerciaux du nouvel établissement annoncent cependant aux clients que des offres seront disponibles dans quelques jours. Hors de question de laisser filer le prospect d'ici là. La banque commence déjà à constituer des dossiers de demande pour la clientèle intéressée. Pas question de relâcher le rythme.  

Finance islamique. Le chemin est encore long

Si les banques participatives et avec elles Bank Al-Maghrib sont au taquet pour mettre en place au plus vite un secteur bancaire islamique, on ne peut pas en dire autant des autres acteurs appelés à œuvrer dans cette nouvelle industrie. Le programme est chargé puisque du côté de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), il s'agit encore d'élaborer et faire adopter les dispositions pratiques de l'assurance participative sans laquelle il sera difficile d'écouler des financements islamiques.

L' ACAPS promet de remettre sa copie d'ici la fin de l'année. De même, il faudra bien se décider à lancer l'indice boursier Charia Compliant, qui aiguillera les opérateurs participatifs dans leurs investissements sur le marché actions. Surtout, il faut encore ficeler l'émission des bons du Trésor halal, les sukuks, qui serviront entre autres de matelas de liquidités pour les banques participatives.

De tout ce qui reste à mettre en place, c'est visiblement ce dernier chantier qui avance le plus lentement. Initialement calée pour la fin de ce premier semestre, cette opération devrait au mieux être lancée à la rentrée, selon les professionnels impliqués dans le chantier.

Par Najat Lasri

Publié le 27/11/17 15:49

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