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Le sujet est épineux. Le débat était lancé depuis 2011, mais rien n'a changé et la contribution de la Bourse dans le financement de l'économie tunisienne est restée faible. Et pour causes, une conjoncture socio-économique défavorable, une instabilité politique et une absence de visibilité à moyen et long terme. Mais ce n'est pas tout.
L'Association AlumnIHEC a invité Khaled Zribi, Président du Conseil d'administration de la Bourse de Tunis, Ahmed Ben Jemâa, Directeur Général de SMART Finance, et Mehdi Ben Mustapha, chargé de la communication auprès du Conseil du marché financier (CMF), en remplacement de son président Salah Sayel en raison d'un empêchement de dernière minute, pour ré-initier le débat dans l'espoir de sortir avec quelques recommandations pour relancer la Bourse de Tunis.
Marché boursier tunisien : Rôle dérisoire dans le financement de l'économie
Donnant le ton de la matinale avec son franc -parler coutumier, Khaled Zribi a affirmé que la réforme du marché boursier passe notamment par la révision des procédures de gestion en termes de volume et de liquidité, le développement des mesures de transparence et partage de l'information et enfin l'examen du processus de communication financière.
Et d'ajouter que le faible taux de financement des investissements par la Bourse, qui ne dépasse pas le seuil de 8%, et l'absence de représentativité de plusieurs secteurs clefs de l'économie Tunisienne sur la cote, à savoir les secteurs des télécommunications, transport, agriculture, tourisme, mines et énergie représentent les deux principaux défis à relever afin de développer et dynamiser le marché boursier
M.Zribi a rappelé l'importance du rôle des programmes de privatisation et de restructuration permettant de donner un coup de fouet aux investissements directs étrangers et renforcer l'intérêt que portent les investisseurs étrangers à l'économie Tunisienne. Il a ajouté que ces programmes ont permis la levée des barrières à travers la nouvelle loi sur l'investissement. M.Zribi a tout de même souligné le rôle de « lobbying » qui a poussé l'Etat à fournir des conditions favorables aux opérateurs privés.
Rôle du CMF dans la relance de la Bourse de Tunis
De son coté, Mehdi Ben Mustapha a confirmé que "le marasme" du marché boursier tunisien n'est que le reflet de la conjoncture économique nationale difficile depuis 2011 et la concurrence bancaire accrue impliquant un drainage de l'épargne nationale qui, depuis 2011, s'oriente de plus en plus vers des placements bancaires au détriment du marché financier.
"L'absence des investisseurs institutionnels sur le marché alternatif, dominé actuellement par les petits porteurs qui s'apparentent plus à des opérations capital-investissement, présente l'une des causes du déficit sectoriel de la Bourse de Tunis", a-t-il expliqué tout en précisant que le CMF pense à repositionner ce marché vers les institutionnels et les investisseurs avertis.
Avant de présenter le rôle du CMF dans la promotion de la Bourse de Tunis, M. Ben Mustapha a tenu a préciser que le CMF n'intervient pas dans la gestion des affaires du marché boursier ni dans la décision d'admission des sociétés sur la cote. "Le CMF se limite à son rôle de gendarme et d'autorité de contrôle. Il assure la protection de l'épargne investi sur le marché en fournissant l'information la plus complète et la plus cohérente permettant aux investisseurs de prendre des décisions d'investissement d'une manière réfléchie et ce dans un cadre légal régit par la loi 94-117, qui porte sur la réorganisation du marché financier", a-t-il rappelé.
Précisant que le taux de satisfaction en matière de divulgation des états financiers annuels et des rapports financiers est aux alentours de 90%, M. Ben Mustapha a signalé qu'il reste du travail à faire au niveau des rapports financiers semestriels dont l'indice de divulgation ne dépasse pas 60%. Il a expliqué qu'en absence d'un arsenal coercitif modulé suivant les infractions, une réforme de la loi 94 s'avère indispensable permettant au CMF de se moyenner d'outils microscopiques à travers lesquels il pourrait obliger les entreprises à mettre en place dès le début de l'année un planning clair de leurs publications trimestrielles, semestrielles et annuelles.
"Le CMF veille aussi au bon fonctionnement du marché financier à travers la supervision de l'application de la réglementation dans l'optique d'assurer une information équitable permettant ainsi de renforcer la confiance des investisseurs nationaux et étrangers", a-t-il souligné.
M. Ben Mustapha a corroboré qu'en 2016, la participation étrangère (essentiellement des grands fonds d'investissement) représente 25% de l'ensemble du marché reflétant un climat de transparence et de confiance.
La révision de la Loi 94 et la démutualisation de la Bourse de Tunis pourraient donner une dimension régionale à la Bourse de Tunis
Dans son intervention, M. Ben Jemaa a affirmé que l'efficience du marché boursier est généralement évaluée à travers trois facteurs cruciaux : la taille, la liquidité et la gouvernance.
M. Ben Jemaa a précisé que le marché boursier tunisien souffre de plusieurs défaillances au niveau de ces trois déterminants. S'agissant de la taille, la capitalisation boursière ne dépasse pas les 20 milliards de dinars représentant uniquement 25% du PIB, alors que ce taux s'élève à 50% dans d'autres pays similaires à la Tunisie, et un nombre de transactions qui s'élève à 400 mille transactions annuellement avec une faible fréquence (1 transaction chaque 15 minutes).
En termes de gouvernance, poursuit le DG de SMART Finance, la BVMT est exclusivement contrôlée par les intermédiaires en Bourse de la place tant dis que plusieurs autres pays, notamment le Maroc, ont démutualisé leurs marchés boursiers à d'autres investisseurs tels que les caisses de dépôts, les banques, les assurances ou à des investisseurs étrangers. Ce problème de gouvernance s'étend également au CMF, dont le collège est majoritairement composé de juges qui n'ont pas de réelles connaissances du fonctionnement du marché.
Et d'ajouter que l'absence de mobilisation de liquidité sur le marché secondaire pénalisé par un effet d'éviction du marché primaire.
Khaled Zribi, a corroboré que la démutualisation de la Bourse est une étape nécessaire afin de permettre l'ouverture de son capital à d'autres institutions et d'accompagner sa transformation en une Bourse à dimension régionale. "plusieurs institutions multilatérales ont déjà proposé d'accompagner la BVMT dans cette démarche", a-t-il indiqué.
Le Président du Conseil d'administration de la Bourse de Tunis a conclu en appelant à une refonte du cadre légal de la loi 94 en incitant sur l'importance de la participation des professionnels dans ce chantier afin d'éviter des défaillances au niveau du cadre juridique tel que s'est produit dans le cas du Marché Alternatif.
Marwa Souissi
Publié le 06/03/17 10:23
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