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Plus de deux ans après la promulgation de la loi bancaire de 2016 (loi 2016-48 du 11 juillet 2016), la circulaire relative aux règles régissant l'activité et le fonctionnement des établissements de paiement a, enfin, vu le jour.
Il s'agit de la circulaire de la BCT numéro 2018-16 ayant pour objet de fixer les conditions d'application des articles 20 et 21 de la loi n°2016-48 relative aux banques et aux établissements financiers. Cette loi a créé une nouvelle catégorie d'établissements financiers : les établissements de paiement. L'article 20 de ladite loi stipule que les conditions d'application seront fixées par circulaire de la Banque Centrale de Tunisie.
Nous vous présentons ici les principales dispositions de la nouvelle circulaire mais aussi ses ambiguïtés et difficultés d'application.
La nouvelle circulaire de la BCT est largement inspirée des deux circulaires de Bank Al-Maghrib n° 6/W/2016 relative aux établissements de paiement et n°7/W/2016 relative aux modalités d'exercice des services de paiement. La nouvelle circulaire reprend ainsi certaines dispositions desdites circulaires de la banque centrale marocaine.
Conditions d'exercice de l'activité d'établissement de paiement
Les établissements de paiement sont des établissements financiers et doivent, de ce fait, respecter les dispositions de la loi n° 2016-48 relative aux banques et aux établissements financiers. L'activité des établissements de paiement est soumise à un agrément préalable accordé par une décision de la commission d'agréments créée par la nouvelle loi bancaire.
Le capital des établissements de paiement ne doit pas être inférieur à 5 millions de dinars tunisiens. Ce capital doit être libéré en totalité lors de la création de l'établissement de paiement.
Les établissements de paiement sont autorisés à effectuer les services de paiement prévus par l'article 10 de la loi 2016-48 et ce pour le compte de leurs clientèles personnes physiques et personnes morales. Il s'agit des services suivants :
A titre principal :
- l'ouverture de comptes de paiement de niveaux 1, 2 et 3 définis par l'article 14 de la présente circulaire,
- les versements et les retraits en espèces,
- les prélèvements,
- les opérations de paiement en espèces,
- les opérations de transfert de fonds,
- la réalisation d'opérations de paiement par tout moyen de communication à distance, y compris les opérations de paiement électronique, et
- la commercialisation des moyens de monnaie électroniques prépayés, émis par les banques ou la poste tunisienne.
A titre accessoire, l'activité de change manuel conformément à la règlementation de change en vigueur précise l'article 2 de la nouvelle circulaire. Les services de paiement doivent être fournis exclusivement en dinar tunisien et à l'intérieur de la république tunisienne.
Par ailleurs, la nouvelle circulaire a précisé que les établissements de paiement doivent mettre en place une approche méthodologique de calcul de la police d'assurance ou de la garantie bancaire, prévues par les dispositions de l'alinéa 5 de l'article 21 de la loi 2016-48, et de soumettre cette approche à l'approbation préalable de la Banque Centrale de Tunisie.
En ce qui concerne la réception des fonds de l'étranger, l'article 4 de la circulaire précise que les établissements de paiement peuvent effectuer les opérations de réception de fonds en provenance de l'étranger par voie de virement, et leur mise à disposition au profit de leur clientèle après avoir obtenu la qualité d'intermédiaire agréé conformément à la réglementation des changes en vigueur. Il en découle, qu'en plus de l'agrément de la commission des agréments, l'établissement de paiement doit obtenir la qualité d'intermédiaire agréé pour pouvoir effectuer les opérations de réception de fonds en provenance de l'étranger.
Ce statut d'intermédiaire agréé est accordé par le Ministre des Finances et ce, conformément aux dispositions de l'article 3 du Code des changes et du commerce extérieur tel que promulgué par la loi n 76-18. Il est à remarquer que le nouveau décret 2018-417 relatif à la liste des activités soumis à autorisation n'a pas mentionné la procédure, documents requis, échéance et références légales pour l'obtention de la qualité d'intermédiaire agréé.
Les règles de Gouvernance
La nouvelle circulaire a consacré son Titre II aux règles de Gouvernance applicables aux établissements de paiement. Les dispositions et obligations de la circulaire tunisienne sont assez contraignantes par rapport à la réglementation marocaine. C'est ainsi que tandis que la circulaire n°6/W/16 de Bank Al-Maghrib se contente d'annoncer des principes généraux et de mettre à la charge de l'établissement de paiement de se doter de système de contrôle interne, d'un dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme ou de mécanismes de contrôle de la sécurité de leurs systèmes d'information adaptés à leurs activités, la circulaire tunisienne consacre 9 articles à ce sujet. Les établissements de paiement agréés doivent ainsi :
Les règles d'ouverture et de fonctionnement des comptes de paiement
Conformément aux dispositions de l'article 14 de la circulaire 2018-16, les établissements de paiement sont autorisés à ouvrir des comptes de paiement de trois niveaux « compte de niveau 1 », « compte de niveau 2 » et « compte de niveau 3 ». Chaque niveau de compte de paiement doit correspondre :
Ces limites et règles ont été fixées comme suit :
- Compte de paiement de niveau 1: Le solde de ce compte est plafonné à 500 dinars sans toutefois que le montant global des sorties de fonds à partir du compte de paiement ne dépasse 250 dinars par jour. L'ouverture dudit compte nécessite que le client dispose d'un numéro national de téléphone mobile et d'une copie d'un document d'identité officiel dudit client, valide et portant sa photographie, délivré par une autorité tunisienne habilitée ou une autorité étrangère reconnue.
L'ouverture de compte de paiement de niveau 1 ne nécessite qu'un numéro national de téléphonie mobile au Maroc et sont plafonnés à 200 Dirhams (l'équivalent de 20 Euros)
- Compte de paiement de niveau 2 : Le solde de ce compte est plafonné à 1.000 dinars sans toutefois que le montant global des sorties de fonds à partir du compte de paiement ne dépasse 500 dinars par jour. L'ouverture dudit compte nécessite l'établissement d'une fiche d'identification allégée conformément à une annexe à la circulaire comportant les informations d'identification du client appuyées par tout document d'identité officiel, valide et portant la photographie du client, délivré par une autorité tunisienne habilitée ou une autorité étrangère reconnue.
Les comptes de paiement de niveau 2 sont plafonnés à 5.000 Dirhams (500 Euros) au Maroc.
- Compte de paiement de niveau 3 : Le solde de ce compte est plafonné à 5.000 dinars sans toutefois que le montant global des sorties de fonds à partir du compte de paiement ne dépasse 1.000 dinars par jour. L'ouverture dudit compte requiert la présence physique du client et nécessite l'établissement d'une fiche d'identification détaillée comportant toutes les informations pertinentes pour l'identification du client appuyées par tout document d'identité officiel, valide et portant la photographie du client, délivré par une autorité tunisienne habilitée ou une autorité étrangère reconnue. Ces comptes sont plafonnés à 20.000 Dirhams (2.000 Euros) au Maroc.
Au niveau de la réception des fonds de l'étranger, ces limites sont-elles applicables à ces opérations ?
La circulaire ne fournit pas une réponse claire contrairement à la circulaire marocaine qui fixe, expressément, une limite de 80.000 Dirhams (8.000 Euros) par opération et par bénéficiaire pour les opérations de transfert de fonds.
Ainsi, les établissements de paiement tunisiens sont-ils autorisés à réaliser des opérations de réception des fonds sans l'ouverture de comptes de paiement, et donc sans respect des limites fixées ? Nous pensons que la réponse est fournie au niveau de l'alinéa premier de l'article 21 de la loi 2016-48 qui dispose que "Tout établissement de paiement doit ouvrir, sur ses livres, au nom de chaque utilisateur des services de paiement, un compte de paiement qui sera utilisé, à titre exclusif, pour effectuer des services de paiement autorisés conformément aux dispositions de l'article 20 de la présente loi".
Il s'en suit que les opérations de réception de fonds en provenance de l'étranger par voie de virement sont soumises aux limites et plafonds fixés par l'article 14 de la circulaire 2018-16.
L'article 19 de la circulaire précise qu'il est interdit aux établissements de paiement d'accorder des facilités de crédits sur le compte de paiement et/ou d'alimenter le solde d'un compte de paiement par des unités de recharge téléphoniques ou par toute autre monnaie autre qu'une monnaie centrale.
Les fonds inscrits sur les comptes de paiement doivent distinctement être identifiés dans la comptabilité des établissements de paiement et doivent être déposés sur un compte global unique ouvert par l'établissement de paiement auprès d'une banque habilitée à recevoir des dépôts et ce, au plus tard le jour ouvrable suivant lequel ils ont été reçus.
Autres dispositions
La circulaire 2018-16 donne la possibilité aux établissements de paiement de mandater des personnes morales ou des personnes physiques ayant la qualité de commerçant en vue d'offrir des services de paiement mais sous leur responsabilité. Ces établissements sont tenus de notifier à la Banque Centrale de Tunisie tout projet de mandat à conclure avec un agent de paiement.
Ces agents de paiement sont de deux catégories : des Agents de paiement principaux et des agents de paiement détaillants.
Le Titre V de la circulaire est consacré au dispositif de protection de la clientèle et de traitement des réclamations à mettre en place par les établissements de paiement. Ce dispositif est composé d'un ensemble de règles d'information des clients, de politiques et procédures de traitement des réclamations et de règles relatives à la politique de communication à adopter.
Enfin, l'article 39 de la circulaire 2018-16 stipule que les établissements de paiement sont tenus de disposer en permanence, sur une base individuelle et/ou consolidée, de fonds propres calculés selon les modalités qui seront déterminées par la Banque Centrale de Tunisie.
Sofiène WERIEMI
Expert-Comptable
Associé AdvAlliance Tunisie
Publié le 04/01/19 12:07
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