ilboursa arabic version ilboursa

La BCT doit-elle baisser son taux directeur ?

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
La bourse de Tunis Ouvre dans 4h51min

Le conseil d'administration de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) devrait se réunir aujourd'hui, le 26 mars 2025, pour décider de réviser ou pas son taux directeur.

 

 

Par Moez HADIDANE

TERA FINANCES

 

Le taux directeur de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) enchaîne son 27ᵉ mois consécutif au niveau de 8 %. La dernière fois que la Banque centrale a révisé son taux directeur remonte au mois de décembre 2022, en le rehaussant de 0,75 % avec date d'effet le 2 janvier 2023.

Ce resserrement de la politique monétaire de la BCT intervient au regard de l'amplification du rythme haussier de l'inflation atteignant un pic de 10,4 % en février 2023.

La BCT a maintenu inchangé son taux à ce jour et l'inflation a été ramenée à 5,7 % au mois de février 2024, soit le même taux que l'inflation sous-jacente, elle-même, dans un trend baissier. Le conseil d'administration de la banque devrait se réunir aujourd'hui, le 26 mars 2025, pour décider de réviser ou pas le taux d'intérêt minimum de ses crédits aux banques.

 

 

Quelle réflexion doit adopter la banque centrale par rapport à une telle décision: les arguments et les contre-arguments.

Le contexte actuel plaide pour une baisse du taux directeur, mais avec prudence et réserves. Le taux d'inflation sous-jacente est sur une tendance baissière : 5,7 % en février 2025 contre un pic de 8,1 % en janvier 2023. En parallèle, la croissance économique du pays est anémique : 0,04 % en 2023 et 1,4 % en 2024 contre une moyenne de 3,2 % durant les deux décennies allant de 2000 à 2019.

Le taux de chômage moyen des trois premiers trimestres 2024 est de 16,1 % contre 15 % en 2001 : au troisième trimestre de l'année 2024, le nombre de chômeurs est estimé à 667,2 mille en dépit du phénomène de migration d'une certaine catégorie des compétences tunisiennes. Le taux d'investissement est à ses plus bas historiques : 15,7 % en 2024 contre 26,2 % en 2001.

Malgré un taux d'intérêt élevé, le taux national de l'épargne est à ses plus bas : 4,6 % en 2024 contre 23,2 % en 2001, témoignant de l'effet restrictif de l'inflation sur le taux de rémunération réel de l'épargne. Le repli de l'inflation a permis de faire ressortir le taux d'intérêt réel en territoire positif pour le 14ᵉ mois consécutif (de janvier 2024 à février 2025), de quoi ramener le taux réel à 2,3 % actuellement.

Toute chose étant égale par ailleurs, une dépréciation du dinar comme celle de 2018 est peu probable, le dinar reflète mieux sa juste valeur. Les déficits courants de la Tunisie ont atteint des niveaux historiquement bas d'environ 2 % du PIB en 2023 et 2024, bien inférieurs à la moyenne d'environ 8 % du PIB enregistrée entre 2011 et 2022.

La croissance modérée mais continue des recettes touristiques et des transferts de fonds, ainsi que l'amélioration des termes de l'échange, ont soutenu le compte courant.

 

 

D'un autre côté, la masse monétaire au sens de M3 évolue plus rapidement que le PIB nominal, encore plus que le PIB aux prix constants. Cette tendance devrait se poursuivre en 2025 au fur et à mesure des tirages qu'aura effectués le trésor des facilités de caisses de la BCT autorisées par la loi de finances 2025.

La nouvelle réglementation des chèques n'aura pas d'impact significatif sur l'inflation, puisqu'une partie de la monnaie (scripturale) sera transformée en une autre forme de monnaie (fiduciaire). D'ailleurs la valeur des billets et monnaie en circulation n'a pas augmenté par rapport à la taille de M3 ni par rapport à la taille du PIB nominal.

Selon le dernier rapport de Moody's, l'agence de notation prévoit un élargissement modéré du déficit courant à 3-4 % du PIB cette année et l'année prochaine, grâce à la reprise des importations et à une modeste reprise de la croissance économique, les besoins de financement extérieur resteront inférieurs à ceux du passé.

Selon le même rapport de Moody's, les contraintes pesant sur l'accès du gouvernement aux financements extérieurs persisteront, ce qui le rendra dépendant des sources nationales. Cela comprend le recours récurrent au financement direct de la BCT en 2024 et 2025 – pour 7 milliards de dinars tunisiens (environ 4 % du PIB) chaque année –, ce qui accroît les risques pour l'efficacité de la politique monétaire et de la discipline budgétaire. La révision de la loi organique de la Banque centrale va davantage dans ce sens.

Au niveau mondial, les prix des matières premières sont relativement calmes. Le Brent cote à 73,2 dollars, en baisse de 2,3% depuis le début de l'année. Le blé s'échange 4 % de plus que son prix de début d'année.

Toutefois, un durcissement éventuel des tarifs douaniers peut provoquer une hausse des prix des biens industriels et un ralentissement des échanges commerciaux dont sera impactée la compétitivité des entreprises tunisiennes, d'où la nécessité d'une décontraction des taux d'intérêts de la BCT. 

En conclusion, les arguments plaidant pour une baisse du taux directeur l'emportent par rapport au scénario de maintien dudit taux, surtout que la politique monétaire de la BCT ne sera pas aussi efficace dans un contexte d'une indépendance amoindrie.

Dans tous les scénarios, la masse monétaire, besoin de financement de l'État oblige, devrait augmenter plus rapidement que l'économie réelle. Il est plus judicieux, équitable et rationnel que la baisse des taux profite à tous les acteurs économiques : administration, entreprises, professionnels et particuliers.

 

Publié le 26/03/25 11:21

SOYEZ LE PREMIER A REAGIR A CET ARTICLE

Pour poster un commentaire, merci de vous identifier.

pgrpg2L-VDQiEXHlztAmihQ_4jsXu2ONXz9RDBU62tA False