Fitch Ratings : Dans un scénario de non-réforme, la Tunisie nécessitera un traitement par le Club de Paris

L'agence américaine de notation, Fitch Ratings, a publié hier jeudi 8 juillet 2021 son commentaire sur sa dernière action de notation relative à la Tunisie suite à laquelle l'agence a dégradé la note souveraine de notre pays de " B " à " B- " avec perspectives négatives. Le document dresse un état des lieux inquiétant sur la situation économique et financière de la Tunisie.

Alors que le FMI a estimé, en février dernier, que la dette de la Tunisie deviendrait insoutenable à moins qu'un programme de réforme solide et crédible ne soit adopté avec un large soutien, l'agence de notation américaine affirme que dans un scénario de non-réforme, " la Tunisie pourrait finalement être considérée comme nécessitant un traitement par le Club de Paris avant d'être éligible à un financement supplémentaire du FMI, avec des implications pour les créanciers du secteur privé ".

Selon Fitch Ratings, les autorités tunisiennes s'appuient de plus en plus sur le financement intérieur, car la Tunisie peine à reconduire les échéances extérieures. " La Tunisie a compensé un financement extérieur net quasi nul en 2020 en levant un montant net record de 7,3 % du PIB auprès de sources intérieures. À titre de comparaison, l'encours total de la dette intérieure était de 21 % du PIB fin 2019, dont la moitié était détenue par le secteur bancaire ".

L'agence rappelle que la Tunisie a eu recours au financement monétaire direct de la Banque centrale pour la première fois, l'année dernière, malgré les objections de cette dernière, mettant en évidence les tensions de financement.

Un accès aux marchés internationaux de plus en plus compliqué

Fitch Ratings souligne que l'accès prévu aux marchés internationaux (2,2 % du PIB en 2021) serait compliqué en l'absence d'un programme avec le FMI. " Deux obligations de 500 millions de dollars chacune, garanties par le gouvernement américain, arriveront à échéance fin juillet et début août 2021. Une nouvelle garantie américaine pour les émissions internationales est en cours de discussion, mais, selon nous, il est peu probable qu'elle se concrétise avant le quatrième trimestre 2021 et elle pourrait être liée à la réussite des négociations avec le FMI ", estime Fitch.

Selon l'agence américaine, l'incapacité à trouver un accord avec le FMI et à accéder aux marchés financiers internationaux, qui se traduirait par une forte dépendance continue à l'égard du financement national, exercerait une pression sur le remboursement de la dette externe. " Ceci dans un contexte de remboursement de la dette publique extérieure de 4 % du PIB par an en moyenne sur 2021-23, de déficit important de la balance courante de 8 % par an et d'entrées nettes d'IDE modestes ".

Creusement du déficit courant en 2021

Fitch prévoit que le déficit du compte courant de la Tunisie se creuserait en 2021 pour atteindre près de 8 % du PIB et resterait à ce niveau à moyen terme, contre 6,8 % en 2020. " Nous prévoyons que la balance des services sera proche de zéro en 2021, car la vague actuelle d'infections décourage le tourisme international pendant la haute saison. Nous prévoyons que la dette extérieure nette passera à 83 % du PIB en 2023, contre 77 % en 2021, sous l'effet de la reprise des emprunts extérieurs publics ".

Compte tenu des déficits budgétaires élevés, indique Fitch, la dette des administrations publiques passera de 72 % du PIB en 2019 à 89 % en 2021, et continuera à augmenter pour atteindre 93 % en 2023, ce qui est bien supérieur à la médiane de 70 % prévue dans la catégorie "B".

La dette des entreprises publiques garantie par l'Etat s'élève à 16% du PIB

Toujours selon le document de Fitch, d'importants passifs éventuels provenant d'entreprises publiques et du secteur bancaire font peser des risques à la hausse sur la trajectoire de la dette. " La dette des entreprises publiques garantie par l'Etat s'élève à 16 % du PIB, dont la moitié concerne la STEG, en difficulté ", note l'agence.

Et d'ajouter que les transferts aux entreprises publiques en difficulté pèsent sur le budget de l'Etat. " Le gouvernement prévoit d'avancer la restructuration d'un grand nombre d'entreprises publiques, mais cela n'est pas pris en compte dans nos projections budgétaires. La transparence sur les paramètres de santé financière des entreprises publiques est faible ", explique Fitch.

Une croissance économique de 3,4% en 2021

Fitch prévoit une croissance de l'économie tunisienne de 3,4 % en 2021 après une contraction de 8,8 % en 2020 et en dessous de la médiane 'B' de 4,2%. " Cela reflète une faible production agricole due à des conditions météorologiques défavorables, un rebond des exportations de marchandises vers l'Europe et une hausse modérée du tourisme fin 2021 ".

Néanmoins, Fitch Ratings estime que la récente flambée du nombre de contaminations et les mesures d'endiguement qui y sont associées font peser des risques à la baisse sur les prévisions de croissance et pourraient également avoir un impact négatif sur les finances publiques et extérieures. " Après un rebond à 4 % en 2022, nous prévoyons que la croissance en 2023 se normalise à un taux plus proche de la tendance, à environ 2 % ",

Des banques publiques sous-capitalisées

Concernant les banques publiques, qui représentent un tiers des actifs du secteur bancaire, Fitch Ratings indique qu'elles ont des métriques de qualité d'actifs et de capitalisation plus faibles que leurs homologues du secteur privé et pourraient nécessiter des augmentations de capital de la part de l'État à moyen terme.

" Les indicateurs de santé du secteur bancaire au sens large sont inférieurs à la médiane "B", avec une forte proportion de prêts non productifs (13,6 % du total des prêts à la fin de 2020). La qualité des actifs devrait se détériorer avec l'expiration des mesures d'urgence ", estime Fitch Ratings.

Omar El Oudi

Publié le 09/07/21 10:01