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S&P : Quels sont les risques d'un défaut souverain pour le secteur bancaire tunisien ?

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L'agence de notation américaine, Standard & Poor's (S&P), a dégradé les notes d'émetteur à long terme de trois banques tunisiennes de "B-" à "CCC+", ce qui signifie un risque élevé. Les institutions dont il est question sont l'Arab Tunisian Bank (ATB), la Banque de Tunisie et des Émirats (BTE) et la BH Bank.

Ce passage à la catégorie "C" remet en question la solvabilité du secteur bancaire tunisien étant donné qu'une prochaine dégradation rendra le défaut de paiement un scénario plausible sur les douze prochains mois, d'où la nécessité d'étudier l'impact de cette éventualité sur le secteur bancaire tunisien.

Néanmoins, S&P soutient qu'il n'y a pas de défaut souverain pour la Tunisie en se fondant sur plusieurs hypothèses. Selon le directeur principal des services financiers de S&P, Mohamed Damak, qui s'est exprimé ce matin sur les ondes de la radio Express Fm, l'État continue de bénéficier du support des institutions multilatérales comme le FMI et d'autres bailleurs de fonds. " Quand on se penche sur la structure de la dette publique on remarque qu'il s'agit d'une dette principalement dominée par la dette multilatérale ou la dette bilatérale en plus d'une petite contribution de la dette commerciale ".

L'instabilité macroéconomique, locomotive de l'altération de la notation

La dégradation de la note des trois banques tunisiennes s'est faite en fonction de trois facteurs. Le premier est lié à l'environnement économique. Ainsi, l'agence a pris en compte les chiffres publiés par le Fonds Monétaire Internationale (FMI), la récession de 8,8% du PIB en 2020, en plus d'un endettement de l'État qui atteint un niveau très élevé, détaille Mohamed Damak avant d'ajouter qu'il y a des besoins de financements extérieurs pour cette année de plus de 5 milliards de dollars, selon une loi de finances 2021 qui prend en compte une hypothèse du prix du baril de pétrole à 45 dollars alors qu'il est actuellement à 68 dollars.

Le deuxième point moteur de la baisse de la note renvoie à une crise politique entre les trois pouvoirs associée à une absence de visibilité sur le plan de la mise en place de réformes ou de relance. En dernier lieu, le directeur principal des services financiers de S&P, indique que les perspectives établies par le FMI ont motivé la décision d'abaisser les notes des trois banques. " Le FMI s'attend à une croissance molle cette année. Au-delà de cela, la reprise sur les cinq années à venir portera sur une croissance moyenne faible de 2,4%, selon les prévisions de l'institution ".

Les banques verront-elles leur solvabilité menacée ?

M. Damak tient à préciser qu'un émetteur noté "CCC+" est un émetteur qui est vulnérable et dépendant des conditions opérationnelles favorables pour qu'il puisse faire face à ses engagements financiers. Ceux-ci semblent être non-soutenables mais on ne s'attend pas à ce que l'émetteur soit confronté à une crise de paiement ou à un défaut sur les douze prochains mois.

Néanmoins, la solvabilité des banques est remise en question dans le cas où leur notation sera abaissée à "CCC" ou à "CCC-". Dans ce cas, le défaut de paiement devient un scénario plausible sur douze mois. Et si la note descend à CC, le défaut devient quasiment certain, explicite Mohamed Damak. " Lorsque nous arrivons à la catégorie "CCC", les investisseurs commencent à se poser des questions sur les répercussions d'un défaut de paiement ".

Les scénarios de l'étude d'impact sur le secteur bancaire national

La première hypothèse considère 40% de pertes sur les expositions souveraines en plus de 5% de pertes sur les crédits. Le premier ratio a été calibré en fonction de l'expérience des défauts souverains survenus entre 1999 et 2010 et la moyenne des pertes engendrées sur ces défauts. Sur cette période, il y a eu 17 défauts au total et la moyenne des pertes a été de 42% avec un minimum de 4% pour la république dominicaine et un maximum de 89% pour l'Irak en 2003.

Le coût total estimé pour le secteur bancaire tunisien dans le cas d'un défaut souverain s'élèverait à 11,4 milliards de dinars, soit 4,3 milliards de dollars, ce qui matérialise 55% du total de la capitalisation du système bancaire tunisien et 9,3% du PIB anticipé par le FMI pour 2021.

S&P a également établi un scénario pessimiste afin de voir la résistance du système bancaire national. " Dans la deuxième hypothèse, nous avons porté les expositions souveraines à 70% et les pertes sur les crédits à 10%. Nous définissons ce scénario comme étant une crise politique qui se poursuit ou dans le cas d'une absence de soutien des institutions multilatérales. Dans ce cas de figure, le coût total atteindrait 21,1 milliards de dinars, équivalant à 7,9 milliards de dollars, soit 102% de la capitalisation du système bancaire nationale et 17,3% du PIB anticipé par le FMI pour cette année ".

En utilisant les données de la Banque centrale présentées dans son dernier bulletin des statistiques financières dont les chiffres sont arrêtés à fin novembre 2020, S&P lève le voile sur la situation rachitique d'une économie tunisienne en déclin. " Pour l'exposition des banques à la dette souveraine, nous avons pris en compte les créances sur l'État et les crédits liés à l'administration publique, ce qui nous a donné un coût du défaut de la dette souveraine tunisienne de 7,9 milliards de dollars à fin novembre 2020 ". 

D'après Mohamed Damak, cette exposition a été multipliée par 5,8 fois sur les cinq dernières années. " En 2020, cette exposition s'est élevée à 2,9 milliards de dinars. Son total représente 13,6% du total des actifs du système bancaire à fin novembre 2020, contre 5,1% à fin décembre 2010 ", a-t-il conclu.

Meriem Ben Yahia

Publié le 12/05/21 14:12

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