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Révision des taux d’intérêt excessifs : Le vrai du faux

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Par Sofiène WERIEMI

Expert-Comptable, Associé UCCA Audit & Advisory

L'information a été relayée par plusieurs médias ce week-end. Un décret-loi vient d'être signé par le président de la république et publié au JORT instaurant une nouvelle amende pour les banques qui accordent des crédits à un taux excessif : c'est faux, ou du moins imprécis.

En effet, les amendes sanctionnant l'absence de la mention du taux d'intérêt effectif global dans tout écrit constatant un contrat de prêt ainsi que celle sanctionnant les prêts accordés à des taux d'intérêt excessifs existent déjà au niveau des articles 3 et 5 de la loi numéro 99-64.

Cependant, le nouveau décret-loi n° 2022-67 du 19 octobre 2022 a apporté certaines modifications à la réglementation en vigueur. Ces modifications ont été déjà présentées au niveau d'une chronique publiée en 2017. Les amendements de la loi 99-64 relative aux taux d'intérêt excessifs portent sur :

  • La fixation de la marge (à appliquer aux Taux d'intérêt effectif moyen pour déterminer le Taux effectif global excessif) par décret et ce, selon les catégories des financements et des bénéficiaires;
  • La suppression de la peine privative de liberté et la révision à la hausse des amendes prévues par la réglementation actuelle et;
  • L'adaptation de certains termes utilisés aux spécificités de la finance islamique.

Réglementation en vigueur relative aux Taux d'intérêts excessifs 

Conformément aux dispositions de l'article premier de la loi numéro 99-64, constitue un prêt consenti à un taux d'intérêt excessif, tout prêt conventionnel consenti à un taux d'intérêt effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du cinquième (du tiers avant Aout 2008) le taux effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques et les établissements financiers pour des opérations de même nature.

Crédits concernés 

Les opérations qui obéissent au même taux d'intérêt effectif sont :

1- les crédits à court terme autres que le découvert,

2- les découverts mobilisés ou non mobilisés,

3- les crédits à la consommation,

4- les crédits à moyen terme,

5- les crédits à long terme,

6- les prêts pour le financement de l'habitat,

7- les prêts universitaires,

8- le leasing mobilier ou immobilier et,

9- le factoring (ou affacturage) à partir de 2013.

Détermination des taux d'intérêt effectifs globaux et des taux d'intérêt excessifs 

Pour chaque catégorie de concours, les banques ainsi que les établissements financiers doivent calculer un taux d'intérêt effectif global égal à la moyenne des taux d'intérêt effectifs globaux des crédits qui composent la catégorie, pondérée par l'encours desdits crédits.

Les banques et établissements financiers adressent à la BCT, cinq jours au plus tard après l'expiration du premier et deuxième semestre de chaque année, une déclaration du taux d'intérêt effectif global appliqué durant les cinq premiers mois du semestre considéré, et ce, par catégorie de concours.

Pour chaque catégorie de crédits accordés, la BCT détermine semestriellement le taux d'intérêt effectif moyen à partir de la moyenne arithmétique simple des taux d'intérêts effectifs globaux observés durant le même semestre. Ce taux ainsi déterminé est utilisé au cours du semestre suivant pour la détermination du taux d'intérêt excessif.

Les taux d'intérêt effectifs moyens ainsi que des seuils des taux d'intérêt excessifs correspondants qui serviront de référence pour le semestre suivant sont publiés par arrêté du ministre des finances au Journal Officiel de la République Tunisienne.

Sanctions prévues 

L'article 4 de la loi numéro 99-64 stipule qu'en cas d'application d'un taux d'intérêt excessif, les sommes que le prêteur a perçu indûment sont restituées à l'emprunteur en les majorant des intérêts calculés aux taux légal prévu par l'article 1100 du code des obligations et des contrats, et ce, à partir de la date de leur perception.

L'article 5 de la même loi punit d'un emprisonnement de 6 mois et d'une amende allant de 3000 à 10000 dinars ou de l'une de ces deux peines seulement les banques et établissements financiers qui accordent à leurs clients un prêt à un taux d'intérêt excessif.

Amendements apportés par le décret-loi numéro 2022-67

La première modification apportée par le nouveau décret-loi vise à apporter plus de souplesse pour la fixation des seuils par rapport aux taux d'intérêt effectifs moyens. Ces seuils sont actuellement prévus par une loi et fixés à 20% du taux effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent. Le projet propose que ces seuils soient fixés par décret. La révision de ces seuils, à la baisse ou à la hausse, ne nécessitera plus la promulgation d'une nouvelle loi.

Cette modification permettra également d'affiner les règles de fixation des seuils des taux d'intérêt excessifs. Ces taux sont aujourd'hui fixés par catégorie de concours. Cette stratification ne permet pas d'adapter le taux d'intérêt proposé au risque de crédit présenté par la contrepartie.

Désormais, ces seuils des taux d'intérêt excessif seront fixés par catégorie de crédit et par catégorie de contrepartie. Nous pourrons imaginer, par exemple, des TEG excessifs pour les TPE ou les PME différents de ceux fixés pour les Grandes entreprises pour la catégorie Crédits à long terme ou crédits à Moyen Terme. Ces TPE ou PME présentant un niveau de risque de crédit plus élevé que les Grandes entreprises en général.

Ces amendements vont rejoindre les principes et objectifs de la circulaire de la BCT numéro 2016-06 relative au système de Notation interne. Laquelle notation doit jouer un rôle principal dans le processus d'octroi des crédits ainsi que dans la politique de tarification appliquée aux clients.

Il est à rappeler que la revue des règles du Taux Effectif Global et du Taux d'Intérêt Excessif était l'un des points sur lequel la Tunisie s'est engagé au niveau de sa Lettre d'intention adressée au FMI le 2 Mai 2016.

La Banque Mondiale avait relevé plusieurs défaillances au niveau de l'ancien système du TEG excessif et avait recommandé, entre autres, de relever la marge progressivement de 20% à 33% pour les crédits accordés aux Personnes Physiques qui n'exercent pas une activité professionnelle. La même recommandation a été formulée pour les marges relatives aux crédits accordés aux professionnels et aux TPE. La BM recommande, aussi, de supprimer la notion de TEG excessif pour les crédits accordés aux PME et aux GE.

A titre de comparaison, en France le délit d'usure a été supprimé pour les prêts consentis aux entreprises commerciales, industrielles ou financières depuis 2003. Une sanction civile est prévue pour les découverts consentis à des taux supérieurs au taux d'usure. En 2005, cette suppression a été étendue aux personnes physiques agissant pour leurs besoins professionnels. Parallèlement la sanction civile prévue pour les découverts a été élargie afin d'inclure les découverts accordés aux professionnels Personnes Physiques.

La deuxième modification concerne les sanctions prévues au niveau de la réglementation en vigueur. Ainsi, le nouveau décret-loi a supprimé la peine privative de liberté et a révisé le montant de l'amende prévues par l'article 5 de la loi 99-64. Ainsi, et au lieu d'une amende allant de 3.000 à 10.000 dinars sanctionnant quiconque qui consent à autrui un prêt à un taux d'intérêt excessif, cette amende sera de 30.000 à 100.000 dinars.

Enfin, le décret-loi a ajouté expressément les opérations de financements bancaires islamiques au champ d'application du TEG excessif et a adapté la terminologie utilisée actuellement. Ainsi, le " taux de profit effectif global" des financements bancaires  islamiques ne devra pas dépasser le seuil fixé pour cette catégorie de financement.

 

Publié le 23/10/22 19:52

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