Rafik Kanoun veut faire de Monoprix l’enseigne préférée des Tunisiens

Rendre Monoprix l'enseigne préférée des Tunisiens était son objectif ultime quand il a pris les rênes de la société en novembre 2017. Pour ce faire, Monsieur Rafik Kanoun, 57 ans, s'arme pour le futur et doit faire profiter la société de ses 32 années d'expérience. Le Directeur Général de Monoprix nous a parlé de ses réalisations au terme de sa première année à la tête de l'enseigne et durant laquelle un retournement de tendance est visiblement en train de s'opérer après deux années difficiles.

Lauréat du Baccalauréat tunisien de 1979, Rafik Kanoun, a bénéficié d'une bourse d'excellence pour poursuivre ses études en France. Après ses classes préparatoires aux grandes écoles à Versailles, il intègre l'Ecole Polytechnique de Paris puis l'Ecole Nationale Supérieure de Techniques Avancées (ENSTA).

En 1986, diplôme en poche, Rafik Kanoun décide de renvoyer l'ascenseur à son pays et de retourner en Tunisie pour débuter une carrière professionnelle riche incluant 13 années en tant que Directeur Général de Henkel Tunisie (dont trois ans en Algérie) et 10 années en tant que Directeur des opérations au sein du Groupe Sancella Tunisie et DG de ses filiales en Algérie. "Mon expérience professionnelle auprès des multinationales a contribué à développer mes compétences de Manager et de Leader", dit-il.

Réalisations du Groupe

La chaîne de supermarchés Monoprix, qui a fêté son 85ème anniversaire cette année, a vu ses résultats financiers se dégrader ces dernières années. Selon le DG de Monoprix, la dégradation du résultat financier de la société a commencé depuis 2014.

Cette dégringolade est due particulièrement à deux facteurs : à la baisse du chiffre d'affaires à périmètre constant à cause d'une concurrence accrue, de la croissance de l'économie parallèle et de la progression des charges à un rythme plus rapide que le chiffre d'affaires (charges de personnel, coût d'investissement, charges financières…), et à la baisse du pouvoir d'achat qui a poussé les Tunisiens soit à réduire leurs dépenses suite à la hausse des prix, soit à se retourner vers le marché parallèle où les prix sont nettement inférieurs.

Il existe, en outre, des facteurs endogènes comme la baisse de la qualité des services. "La direction générale de monoprix travaille sur ce point depuis 2016 afin d'améliorer la qualité de nos services et faire en sorte que les clients reviennent vers nous et apprécient faire leurs courses dans nos magasins", affirme le DG.

Un plan de redressement pour inverser la tendance de la profitabilité

Mis en place en 2016, le plan de redressement de Monoprix se poursuit jusqu'à présent et se base sur la satisfaction client. "On essaye d'offrir des prix plus compétitifs, de multiplier les offres promotionnelles et de présenter des produits frais de bonne qualité, d'améliorer la qualité de service…".

Dans le cadre de cette amélioration de la qualité des services de l'enseigne, la direction générale a lancé plusieurs programmes de formation et de coaching au profit de son personnel. "On vise un changement de culture par plus d'implication et plus de responsabilisation de la part de nos ressources humaines. Nous voulons que nos collaborateurs soient motivés et considérés pour qu'ils accueillent convenablement nos clients.».

Monoprix continue également le développement de son système d'information avec la mise en place, entre autre, d'un Data Warehouse (entrepôt de données) et d'un outil de business intelligence (informatique décisionnelle).

Pour inverser la tendance de la profitabilité, Monoprix continue ses efforts pour renforcer des relations win-win avec ses fournisseurs en termes de prix, de promotions … dans l'intérêt du consommateur par les prix et les promotions et afin de sauvegarder sa marge et développer de la valeur pour l'entreprise.

La société a également lancé un programme d'économies des charges, son deuxième programme d'économie d'énergie et un plan de chasse aux coûts particulièrement cachés et ce, afin d'améliorer la productivité de l'entreprise à tous les niveaux. "A titre indicatif, l'effectif de la société n'a pas augmenté depuis 2015 malgré l'ouverture de 15 nouveaux magasins et ce, en raison de la mise en place d'une organisation type et un déploiement adéquat des effectifs favorisant la promotion interne».

Le plan d'action de Monoprix est ambitieux et les résultats commencent à se voir. En termes d'évolution du chiffre d'affaires, on observe bel et bien une courbe ascendante d'un trimestre à l'autre en 2018. En effet, au premier trimestre de l'année en cours, la société a réalisé une croissance de 2,6% des revenus contre 3,45% au deuxième trimestre et 6,13% au troisième trimestre. "Sur le seul mois d'octobre, nous avons réalisé une croissance à deux chiffres et on table cette année sur une croissance de 5 à 6% au niveau du chiffre d'affaires", s'est-il félicité.

Monoprix innove

Monoprix a mis, à partir du mois d'octobre, à la disposition de ses clients un nouveau service, le MONOPRIX Click & Collect, entièrement gratuit qui permet à ses clients en un seul click de commander leurs courses en ligne. Ce service est lancé dans le magasin de Carthage pour le moment.

"Nos clients ont très bien apprécié ce nouveau service introduit pour la première fois en Tunisie par une enseigne de grande distribution, et demandent son installation dans d'autres magasins Monoprix. La prochaine étape, en plus de déploiement à d'autres magasins, est d'introduire le paiement en ligne et de s'associer à des professionnels de livraison pour nous aider à développer davantage ce nouveau produit", annonce le DG.

Le secteur de la grande distribution doit être soutenu afin de favoriser l'émergence du commerce structuré dans le pays

Le secteur de la grande distribution ne représente que 20 à 25% du paysage du commerce local en Tunisie. "Le secteur se développe très lentement. Depuis des années, le ministère du Commerce prévoyait que la part du secteur de la grande distribution dans le commerce du pays atteindrait 50% mais on est resté aux alentours de 20%", souligne M. Kanoun.

Et d'ajouter que plusieurs études ont démontré qu'en général les consommateurs visitent les épiceries tous les jours, les supermarchés une fois par semaine, et les hypermarchés une fois par mois. Le potentiel de développement du commerce structuré est donc très grand et pourrait se concrétiser si le secteur bénéficie de plus d'encouragement de la part des autorités. "En Tunisie, il n'y avait pas eu une vraie stratégie pour développer le secteur de la grande distribution, contrairement au Maroc où le secteur est très développé avec des dizaines d'hypermarchés".

Force est de constater qu'il n'y avait pas d'encouragement de la part des autorités au profit du secteur : "Quand le PLF propose un taux d'imposition de 35% au lieu de 25% sur les sociétés de la grande distribution ce n'est du tout un encouragement.", s'indigne le DG.

Le partenariat stratégique n'est pas d'actualité pour le moment

Le top management de la société affirme que les actionnaires de référence de Monoprix sont très confiants dans le plan de redressement mis en place par la Direction Générale. "Actuellement, nous sommes plus dans une optique de développement que de chercher un partenaire.", affirme M. Kanoun.

Propos recueillis par Ismail Ben Sassi

Publié le 20/11/18 20:11