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Open Startup Tunisia ou comment préparer les Business Leaders de demain

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Open Startup Tunisia (OST) est né en 2016. Aujourd'hui, l'organisation a créé des programmes dédiés aux jeunes entrepreneur.e.s ainsi qu'aux écosystèmes qui gravitent autour d'eux/elles. Ce programme de pré-incubation offre la possibilité à ces jeunes de teste leurs idées dans un cadre bienveillant, leur permettant d'avancer sur leurs idées de projet.

Les projets accompagnés par OST, en plus d'être créatifs et de favoriser le développement économique de la Tunisie, servent à accélérer le " go to market ", de comprendre le client et ses besoins, d'apprendre à gérer une équipe, à planifier un budget, la production ou encore les ventes. La co-fondatrice d'OST, Houda Ghozzi détaille à la rédaction d'ilBoursa le parcours ainsi que les ambitions de la structure. Interview.

 

Quelles ont été les étapes les plus importantes depuis la création d'OST, six ans auparavant ?

Il y a eu trois étapes importantes. La première était la création d'OST. Sur les trois premières années, il était question d'une équipe de volontaires qui gérait une grande compétition nationale jusqu'au moment où nous avons fait notre étude d'impact, en 2018. Celle-ci représente le grand tournant d'OST car elle nous a permis de nous rendre compte de l'étendue de l'impact d'OST sur la culture entrepreneuriale dans les universités.

A cette période, 21 Startups avaient déjà été créées en trois ans, démontrant qu'OST n'était pas juste une compétition. Nous avons développé notre Disruptive Strategy en cherchant à nous faire financer pour institutionnaliser notre structure afin d'agrandir et de scaler l'impact. Nous avons créé deux grands programmes : OSTX, qui est devenu une compétition se tenant au niveau de tous les rectorats en Tunisie et qui permettrait de tester des centaines d'idées qui pourraient éventuellement constituer un " Pipe " pour alimenter l'écosystème incluant notamment notre pré-incubateur.

OSTX est devenu la compétition à l'échelle nationale qui crée une dynamique dans l'université et forme le corps enseignant en plus des étudiant.e.s. Nous avons accompagné près de 200 Startups avec OSTX et nous avons formé plus de 200 professeurs sur tout le territoire tunisien en étant présent à Gabes, Gafsa, Seliana, Beja, Jendouba ou encore au Grand Tunis.

Le deuxième grand programme d'OST est le pré-incubateur. C'est même son programme flagship. La structure choisit des Startups un peu plus avancées, disposant d'un Proof of Concept. Il permet d'aider les jeunes pousses à créer un Minimum Viable Product (MVP), à créer leur structure légale, à obtenir un label et à construire ce " pipe " de Startups sur le territoire tunisien mais pas que. C'est pour ces raisons que nous parlons de transformation puisque nous avons levé des fonds qui nous ont permis de cconsolider une véritable équipe, qui n'était soudain plus composée de bénévoles et de volontaires mais plutôt de salarié.e.s. Et c'est là que le programme a commencé à muter vers sa forme actuelle.

La deuxième grande transformation a eu lieu en 2021. Nous avons étendu notre activité en dehors du seul territoire tunisien, promettant à des jeunes entrepreneur.e.s de les accompagner. Nous sommes dans l'obligation d'élargir les horizons de la jeunesse entrepreneuriale en leur ouvrant la voie à l'international. C'est à partir de ce constat que nous nous sommes dit qu'OST devait être le premier programme régional.

Nous espérons qu'OST deviendra un acteur régional au cours des cinq prochaines années. Même si notre structure a été créée en Tunisie, nous espérons qu'elle pourra opérer dans des pays du grand Maghreb, du Moyen-Orient et de l'Afrique (MEA) parce que c'est comme cela que nous arriverons à instaurer une plateforme au sein de laquelle les jeunes pourront collaborer au vu de leur appartenance à une grande famille régionale, et non pas uniquement à une famille tuniso-tunisienne.

OST propose un programme d'incubation pour les jeunes entrepreneurs, quelles sont les disciplines sur lesquelles OST se focalise le plus ?

Au cours des six dernières années, nous avons accompagné un total de 250 Startups en incluant celles que nous accompagnons au Maroc. OST pré-incubateur a accompagné 22 jeunes pousses en 2021 contre 24 en 2020. En ce qui concerne OSTX, une trentaine de Startups ont été soutenues juste l'année dernière.

Notre structure profite de ses liens internationaux au vu de ses partenariats stratégiques de renom. En effet, notre relation avec Columbia University nous permet d'asseoir notre positionnement dans la région MEA mais également de trouver notre place aux États-Unis. Nous espérons que d'ici cinq ans, des couloirs de collaborations supplémentaires verront le jour. Cela fait deux ans que nous opérons au Maroc. Nous intégrons également aujourd'hui la Jordanie et le Sénégal. Nous avançons petit à petit pour créer une plateforme de jeunesse, d'espoir, d'innovation sur la région.

En termes d'apprentissage, il faut voir OST comme a Journey ou un voyage qui commence par l'identification du problème sur le marché. En d'autres termes, il est question de créer une solution innovante pour répondre à une problématique ou encore de savoir comment faire du Customer discovery. OST utilise la méthode de Columbia University, qui et celle de la National Science Foundation (NSF).

Nous avons repris ce curriculum certifié NSF et nous l'avons adapté à nos besoins, nos spécificités, et cela, l'équipe le fait en écoutant les porteur.se.s de projets mais aussi avec l'appui, d'Africinvest, un fonds d'investissement opérant en Afrique et notre partenaire initiateur. Un partenaire de choix qui a toujours joué un rôle stratégique et qui nous permet de consolider notre support sur la partie financière.

Nous sommes également de plus en plus orientés sur la technologie, le marketing digital mais aussi le Pitching, et l'accompagnement sur la dynamique d'équipe car la première raison pour laquelle les entreprises échouent. En effet, ce sont bien souvent des problématiques d'équipes que celles du marché. OST, c'est plus d'une vingtaine de formations qui ont été améliorées en six ans tout en étant évaluées, développées, transformées avec les startups, l'équipe et les partenaires.

OST est une couveuse et même une pépinière d'entreprise. Quelles sont les conditions d'éligibilité de cette structure ?

OST est plutôt une couveuse d'une jeunesse positive qui prépare les Business leaders de demain. Nous leur fournissons également des passerelles vers l'employabilité en organisant des Jobs fairs ainsi que des formations en fonction de leurs besoins. Nous faisons des Focus groupes tous les ans et nous leur demandons ce dont ils ont besoin.

Une des grande demande de l'année dernière était celle du travail en Freelance. Nous avons donc organisé la semaine du Freelance en ramenant des travailleurs indépendants tunisiens et de internationaux. Le but était de répondre aux questions traitant de l'élaboration d'un portefolio, de la mise en place d'un contrat ou encore de la sécurité sociale en tant que freelancer.

Notre travail est expérimental puisque nous étudions notre communauté et nous lui répondons en fonction de ses besoins. Nous espérons que les leaders de demain : directeurs.rices de banques, de grandes institutions, les ministres, les gouverneurs de la banque centrale ou les chefs du gouvernement de demain soient des entrepreneurs parce que nous considérons l'entrepreneuriat comme une voie créant des décideur.se.s pertinent.e.s, courageux.ses et autonomes.

L'aboutissement escompté n'est pas seulement la création de Startups mais de former des jeunes avec une tête bien faite qui respectent certaines valeurs éthiques se rapportant à l'équité, la justice et la fiabilité. Nous avons formé 1.200 personnes jusqu'à présent et nous espérons qu'ils conduiront la Tunisie de demain.

En ce qui concerne OSTX, le taux de sélection est de 50%. Les critères les plus importants à respecter sont la motivation mais également l'envie sincère et réelle de créer un projet entrepreneurial.

Dans le cas du pré-incubateur, le taux de sélection est plus bas avec des taux ne dépassant pas les 20%. Nous sélectionnons deux types de profils, à savoir des personnes qui ont déjà fondé des Startups mais nous recrutons aussi des talents que nous appelons nos " solo-talents ". En effet, nous avons deux Tracks, celui des Startups et celui des talents.

Pour le deuxième, nous cherchons des jeunes et des moins jeunes disposant d'un talent particulier en Marketing, en finance, en Design, en Coding, mais dont l'idée de projet n'a pas encore pu être formulée et qui sont motivés de rejoindre les porteur.se.s d'idées. En plus d'être un programme de formation, le pré-incubateur, est un programme qui match les jeunes pousses avec des talents et nous faisons en sorte que ce mariage fonctionne.

Quel est le rôle de l'État dans la dynamisation de la communauté des jeunes entrepreneurs ?

L'État a toujours été un facilitateur en plus d'être un partenaire à travers l'organisation d'évènements communs. Ce que nous attendons des pouvoirs publics reste la facilitation de notre intervention, de nous ouvrir leurs portes et de donner une certaine légitimité à OST. En effet, lorsque l'État devient un partenaire, les différents intervenants sont plus rassurés et l'impact est clairement plus fort.

Quelles sont les réussites phares du partenariat public-privé ?

Nous avons remarqué que le fait que l'État ait permis cette ouverture, notamment par l'intégration de professeur.e.s à nos programmes, a poussé plusieurs professeur.e.s à s'ouvrir à ce monde de l'innovation et des Startups. Beaucoup d'enseignant.e.s sont devenus des conseillers au sein de ministères mais ils ont également démontré une amélioration de leurs performances pédagogiques. C'est à travers une étude d'impact que nous nous sommes rendus compte que les professeurs ont également été transformés, s'ouvrant sur d'autres disciplines, s'impliquant d'avantage avec les startups..

J'ai l'ambition de croire qu'OST a instauré une bonne dynamique en servant d'exemple. Aujourd'hui, l'État a développé des programmes qui ressemblent à OST et nous en sommes très fiers parce que nous pensons que si nos programmes ont pu être des sources d'inspiration, nous avons scellé une réussite. C'est aussi et surtout cela le rôle de nos organisations à vocation sociale.

Nous fonctionnons depuis 6 ans à travers le PPP. L'État intervient dans le co-design de notre stratégie et nous voyons l'impact au niveau des professeurs mais également au niveau des étudiant.e.s.

Quelles sont les difficultés auxquelles OST est confronté ?

Lors de notre démarrage, les premières difficultés étaient d'ordre financières : comment obtenir des financements et comment bâtir la confiance de nos partenaires. Nous traitons avec Columbia University, l'Ambassade des États-Unis ou encore Africinvest, nous n'avons pas droit à l'erreur.

Ainsi, la difficulté était de convaincre ces différentes parties pour qu'ils aient confiance en nous. Une fois que nous avons dépassé cette situation, l'autre challenge était de lever un grand fonds pour stabiliser l'équipe. Une fois le fonds obtenu, l'idée était de maintenir la motivation, une bonne gestion d'une structure qui soit scalable, maintenir la motivation de l'équipe par ailleurs sollicitée par de plusieurs autres opportunités. Maintenir des jeunes brillants dans une association c'est une mission fort difficile.

Aujourd'hui, les obstacles s'illustrent dans les levées de fonds à l'international. Nous menons une conquête de confiance auprès d'acteurs internationaux qui ne nous connaissent pas. Il est également nécessaire de satisfaire tous les partenaires et que tout le monde autour de la table soit ravi. Concilier les intérêts de tous ainsi que les intérêts de l'équipe qui peuvent des fois avoir des visions différentes c'est souvent difficile.

Par analogie, je dirais que notre travail s'apparente à celui d'un funambule qui essaie d'assurer l'équilibre général malgré l'ensemble des pressions qui nous font basculer de toute part. Et il faut tenir le coup avec le sourire. Globalement, tout passe, excepté dans le cas d'une équipe démotivée puisque nous ne pouvons pas la substituer.

Le mot de la fin

Je voudrais que la Tunisie change le narratif de la jeunesse qui s'apparente trop souvent au chômage, au terrorisme, à l'immigration clandestine ou encore à la fuite de cerveaux. Elle considère que la Tunisie n'a pas d'autre capital que sa jeunesse qui reste sa force vive. Cette jeunesse doit avoir un droit à l'ouverture et notre rôle et de l'aider à découvrir pour éviter qu'elle nous échappe.

Propos recueillis par Mariem Ben Yahia

Publié le 18/03/22 12:14

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