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Mohamed AGREBI : Entre soutien des entreprises et préservation de la solidité financière, l'enjeu est de taille

ISIN : TN0001800457 - Ticker : BIAT
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Face à l'adage très fréquent en cas de crise -cette fois c'est différent-, le directeur Général de la BIAT, Monsieur Mohamed AGREBI, analyse ce que pourrait entraîner la crise du Coronavirus sur l'économie tunisienne ainsi que les conséquences supportées par le secteur bancaire tunisien. Interview.

 

Comment évaluez-vous l'impact de la crise sanitaire sur l'économie mondiale et tunisienne ?

La crise sanitaire Covid-19 a engendré une situation inédite : une grande partie des ressources productives s'est retrouvée à l'arrêt ou dans les meilleurs des cas travaillant à un régime nettement inférieur aux capacités de production habituelles pendant plusieurs semaines. Les chaines de valeurs mondiales et régionales ont été mises à rude épreuve : étant devenues complexes et mondialisées, elles ont subi de plein fouet les répercussions des restrictions aux déplacements d'où un impact immédiat sur la création de richesse. Mais l'épisode central (pandémie mondiale) était précédé par une première onde de choc économique (janvier-février) liée à la Chine qui est un maillon principal de la chaîne de valeur mondiale, et a été suivi par une reprise progressive de l'activité (à partir de juin) caractérisée par l'adoption de mesures de distanciation sociale qui vont continuer à peser sur le rythme de production et de consommation. Les moteurs de croissance ne vont pas renouer avec leur potentiel d'avant Covid-19 de sitôt.

La contraction du PIB à l'échelle mondiale serait, selon les dernières prévisions du FMI de l'ordre de 4,9%. Comme exposé précédemment, cette récession économique sera en grande partie le résultat d'une forte contraction du commerce mondial (-11,9% du volume prévu en 2020). En réalité, cette projection consolidée occulte des disparités dans la mesure où la Chine serait la seule puissance économique à afficher une croissance en 2020 alors que les principaux partenaires économiques de la Tunisie (au niveau des exportations) vont subir une contraction sévère du PIB (la contraction du PIB de la zone Euro serait de 10%).

Concernant l'économie tunisienne, si la gestion de la situation sanitaire a permis d'éviter des scénarios similaires à la majorité des pays grâce à la proactivité du gouvernement et la compétence et le dévouement du personnel médical, il n'en demeure pas moins que le degré d'ouverture de l'économie tunisienne (taux d'intensité commerciale 110%) accentue sa vulnérabilité sachant qu'elle a enregistré un faible taux de croissance en 2019 (+1% uniquement).

La contraction projetée du PIB en Tunisie serait dans une fourchette de 4,5% à 6%. Ce repli de la croissance sera d'autant plus fort que la crise sanitaire continuerait de sévir dans le monde entraînant des perturbations dans les voyages et les échanges commerciaux et une limitation des contacts sociaux.

 

Les mesures qui ont été prises par le gouvernement et la Banque centrale sont-elles suffisantes pour atténuer les effets de cette crise sur le tissu économique tunisien ?

Les mesures prises par le Gouvernement et par la Banque Centrale de Tunisie pour atténuer les répercussions de la pandémie du Coronavirus (COVID - 19) sont exceptionnelles et très importantes de par leur contenu et les moyens financiers mis sur la table. Pour ce qui est de la Banque Centrale, il s'agit essentiellement de la baisse du taux directeur de 100 pbs, du report des échéances de remboursement de crédit et aussi de l'assouplissement des règles de refinancement afin de donner les moyens au secteur bancaire pour financer les entreprises.

Ces mesures devront certainement contribuer à la réduction des retombées économiques et sociales de la propagation de la pandémie.

Cependant, ces mesures gagneraient à être accompagnées par d'autres initiatives permettant d'injecter plus de liquidité dans le secteur bancaire afin qu'il puisse accroître ses concours à l'économie et par des mesures à même d'inciter les banques à prendre plus de risque dans le cadre de leur activité de financement des projets d'investissement et des cycles d'exploitation des entreprises et notamment les PME.

 

Les banques sont-elles capables d'accompagner l'ensemble des entreprises sinistrées ?

Aujourd'hui, quand nous regardons rétrospectivement l'ensemble des réformes qui ont été réalisées dans le secteur bancaire sous l'égide de la BCT, nous saisissons leur pertinence et nous en sommes particulièrement fiers. En effet, ces réformes multidimensionnelles ont permis de consolider les fondamentaux financiers des banques et ont amélioré sensiblement leur gouvernance. Le système bancaire se trouve ainsi dans une posture résiliente lui donnant les moyens d'accompagner l'ensemble du tissu économique. La suspension de distribution des dividendes en 2020 va encore consolider les fonds propres des banques leur donnant encore plus de surface financière pour répondre aux défis qui se présentent.

Evidemment, la gestion des risques constitue un enjeu majeur pour éviter une dégradation de la qualité du portefeuille. Dans ce sens, pour ce qui est des entreprises opérant dans des secteurs sinistrés ou fortement exposés aux retombées de la crise sanitaire, tels que le tourisme et le transport aérien et maritime, elles gagneraient â être soutenues par un dispositif qui leur sera propre où l'Etat jouera un rôle fondamental. Cela pourrait se traduire par la mise en place de projets de restructuration ou de recapitalisation ou bénéficier de l'appui d'un bailleur de fonds étranger, à travers la mise en place d'un dispositif financier spécifique et adéquat (fonds spécial ou ligne dédiée).

En définitive, nous sommes persuadés que l'état d'esprit qui règne dans le secteur et la collaboration avec la BCT ne peuvent que donner une assurance quant à la capacité du système bancaire à atteindre l'équilibre entre soutien des entreprises et préservation de la solidité financière.

 

Quels seront les impacts des reports des échéances sur le secteur bancaire ?

Le report des échéances de remboursement des crédits, entre mars et septembre 2020, pourrait avoir un impact important sur le secteur bancaire. Etant privées d'une partie des remboursements de crédits, les banques pourraient faire face à un besoin supplémentaire de liquidité et à un accroissement du recours au refinancement de la BCT.

 

Au niveau de la clientèle de la BIAT, quels sont les produits/ services qui ont été lancés pour accompagner vos clients ?

A la BIAT, nous entrons dans cette crise avec la solidité et la résilience de notre bilan. Il s'agit pour nous d'arriver à mettre à la disposition des professionnels et entreprises la trésorerie et les financements dont ils ont besoin pour affronter le manque de visibilité et la baisse du chiffre d'affaires. Le rôle des banques est très important pour éviter que la crise sanitaire ne se transforme en crise de liquidité.

C'est pour cela que nous avons lancé dès le début de la crise une initiative que nous avons baptisé Moltazimoun, en référence à notre signature institutionnelle Engagés avec vous, et qui consiste en l'allocation d'une enveloppe de crédit de 500 millions de dinars en faveurs des professionnels et entreprises, clients de la banque, pour les aider à pallier les tensions de trésorerie et continuer à exercer leur activité tout en préservant les postes d'emplois. Le processus d'octroi de ce crédit a également été simplifié dans le sens d'un déblocage de fonds rapide.

Aussi, à l'initiative de la Banque Centrale de Tunisie, nous avons décalé les échéances de remboursement des prêts à toutes les entreprises clientes qui en ont fait la demande. Les clients particuliers ont bénéficié systématiquement du report des remboursements de leurs crédits en plus de diverses gratuités liées aux cartes bancaires et à leurs utilisations.

Cette initiative est portée par l'ensemble de la force commerciale de la BIAT. Toutes les agences sont restées ouvertes tout au long de la crise pour apporter les meilleurs soutien et disponibilité à nos clients. De même, le Centre de Relations Clients de la BIAT a largement contribué à la prise en charge des clients que ce soit pour répondre à leurs diverses demandes ou pour leur apporter l'assistance requise pendant cette période critique.

Propos recueillis par Omar El Oudi 

Publié le 09/09/20 10:10

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