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Le Trésor échoue à lever des fonds par émission de BTA pour le deuxième mois consécutif

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Par Moez HADIDANE

Tera Finances

Le Trésor a annoncé que l'adjudication des BTA du mois de septembre 2021, à travers laquelle il espérait lever 150 millions de dinars, est déclarée infructueuse. C'est la deuxième adjudication successive déclarée infructueuse après celle du 3 août 2021.

N'ayant pas beaucoup d'autres choix, le Trésor vient d'annoncer qu'il lancera demain mardi 14 septembre 2021, une adjudication bimensuelle (pour le mois de septembre) avec l'intention de lever 120 millions de dinars. Cette adjudication portera encore sur les même lignes annoncées lors des deux précédentes déclarées infructueuses à savoir : BTA 7,5% Décembre 2028, BTA 8% Novembre 2030 et BTA 8% Mars 2033

Dans l'attente de l'annonce des résultats prévus pour le 15 septembre 2021, il sied de rappeler que la dernière sortie sur ces lignes remonte à l'adjudication de juillet (d'ailleurs, c'est la plus récente adjudication de BTA déclarée fructueuse). L'argentier de l'État a levé à cette occasion 112,5 millions de dinars mais à des taux dont la tendance est clairement à la hausse.

L'analyse de la courbe des taux de la place ne dévoile pas cette pression à la hausse des taux des émissions du marché primaire du Trésor, surtout que les données de la courbe sont déterminées à partir de séries d'observations mobiles et intègrent des transactions sur les marchés secondaires y compris les transactions de gré à gré et en intra. À titre indicatif, entre le 15 juin 2021 et le 10 septembre 2021, la courbe dévoile une baisse des taux de très longs terme (maturités de plus de 9 ans), contrairement à la tendance effective observée sur le marché primaire.

En même temps, la courbe dévoile une hausse, durant la période précitée, des taux des maturités allant de 8 mois à 7 ans contre une baisse des taux de très court terme (moins de huit mois), sous l'influence de la compétitivité du taux de l'appel d'offres de la BCT par rapport aux taux des BTC.

Mais la montée rapide de l'inflation, qui passe même à 6,4% (au-dessus du taux moyen du marché monétaire (6,29%) au mois de juillet 2021), ne plaide pas pour un desserrement par la BCT du taux directeur, surtout que le volume de refinancement des banques auprès de la BCT a atteint 12 milliards de dinars au 10 septembre 2021, contre 8,4 milliards au 15 juin 2021 témoignant du retour du tarissement de la liquidité des banques.

Il semble que l'effort titanesque entrepris par la BCT durant les années 2018 et 2019 conduisant à atténuer le volume de refinancement depuis son pic de 16,9 milliards de dinars le 7 mars 2019 commence à se vaporiser sous l'effet restrictif exercé par l'État sur la liquidité bancaire.

L'élargissement du volume global de refinancement des banques auprès de la BCT reflète le recours ascendant de l'autorité monétaire aux opérations d'achats fermes dans le cadre de l'Open Market, mais également à la reprise des opérations d'injection directe de la liquidité dans l'économie. En effet, après les injections directes de liquidité réalisées début janvier 2021, la BCT a renouvelé ces opérations en juillet et août alimentant, in fine, à la hausse l'encours de l'appel d'offres, de l'Open Market et des swaps de change.

À ce titre, le Périodique de Conjoncture de la BCT (N°132 – Juillet 2021) évoque une légère hausse des besoins des banques en liquidité au cours du deuxième trimestre de 2021. Le prochain Périodique de conjoncture de la BCT au titre du 3ème trimestre 2021 devrait constater une exacerbation des besoins de liquidité des banques sous l'impact des facteurs restrictifs sur la liquidité des banques, notamment les achats de Bons du Trésor et les d'achat par les banques de devises auprès de la Banque Centrale.

Contrairement à la période post révolution où la raréfaction de la liquidité bancaire est provoquée principalement par la forte hausse des billets et monnaies en circulation (BMC) hors circuit bancaire, le retour à l'assèchement de nouveau de la liquidité bancaire est provoqué par l'État. Aux mois de juillet et août, la Tunisie s'est acquittée de 2.810 millions de dinars au titre du remboursement des deux emprunts obligataires assortis de la garantie des Etats-Unis d'Amérique pour des montants en principal égaux de 500 millions dollars chacun, soit l'équivalent de 1.413 millions de dinars le 23 juillet 2021 et 1.397 millions de dinars le 3 août 2021.

Ces remboursements honorés grâce, en grande partie, à des levées de fonds en dinars, puis swapés en devises, combinés à tant d'autres besoins du budget, ont empressé le Trésor à s'endetter sur des échéances très courtes auprès du système bancaire assisté, sans vraiment le vouloir, par la BCT. Cet empressement ne tardera pas, à moins d'une manne étrangère largement supérieure à notre part en DTS à recevoir du FMI, d'amplifier la précipitation du Trésor dans les mois à venir.

L'alternative des BTC, ou le provisoire qui dure

L'échec de lever des ressources longues par émission de BTA deux mois de suite reflète-t-il l'option du Trésor, en coordination avec la BCT, à l'alternative des émissions revolving de BTC souscrits par les banques, sous conditions de refinancement mécanique de la Banque centrale. Or, l'État fait face, dans le futur proche à des échéances importantes qu'il ne peut combler qu'avec des ressources longues et sans empiéter sur le financement de l'économie (effet d'éviction).

Il convient de rappeler que le Trésor a levé le 22 juillet dernier 1.400 millions de dinars par émission de BTC de maturité 90 jours (échéance 20 octobre 2021) au taux de 6,52%, soit juste un jour avant le remboursement de la première échéance de l'emprunt obligataire en dollars.

Rappelons aussi qu'à la date de remboursement du second emprunt obligataire en dollars, soit le 3 août 2021, le trésor a levé 406 millions de dinars par émission de BTC de maturité 3 mois (échéance 3 novembre 2021) au taux de 6,52%.

Quelques jours plus tard, le 12 août, le Trésor lève 1.002 millions de dinars par émission d'une ligne BTC de 3 mois échéant le 10 novembre 2021. Le taux afférent à cette émission s'est sensiblement augmenté à 6,95% par rapport aux deux précédentes (6,52%). Enfin, et tout récemment, l'État a mobilisé près de 468 millions de dinars en date du 24 août 2021 (date valeur 26 août) dans le cadre de l'émission de la deuxième tranche de l'emprunt national 2021.

Selon les statistiques de la BCT, et au cours des dix dernières années (du 30 juin 2011 au 30 juin 2021), l'encours des créances du système monétaire sur l'État a augmenté de 443% passant de 4,7 milliards de dinars à 25,7 milliards, alors que les concours du système monétaire à l'économie n'ont augmenté que de 120% passant de 44,5 milliards de dinars à 98 milliards. Les concours à l'économie du système monétaire sont constitués des crédits des banques sur leur ressources propres et leurs crédits sur ressources de refinancement auprès de la BCT.

Selon le dernier bulletin statistique de la BCT (juillet 2021), les créances du système monétaire sur l'État au mois de mai 2021 s'élèvent à 25,2 milliards de dinars dont 7 milliards de créances nettes de la BCT sur l'État et 16 milliards de créances des banques sur l'État. Les créances nettes de la BCT sur l'État ont plus que doublé entre fin 2018 (3 milliards de dinars) et mai 2021 (7 milliards), en relation avec les opérations de monétisation directes (injection de liquidité) autorisées par le parlement durant la période de décembre 2020-janvier 2021.

Pourquoi le Trésor déclare deux adjudications successives de BTA infructueuses

L'échec d'émettre des BTA durant deux mois de suite peut renvoyer, théoriquement, à plusieurs explications. La première, renvoi logiquement aux mécanismes propres du marché et de la loi de l'offre et de la demande. Les SVT tirent les prix vers le bas (donc les taux vers le haut) sur fonds d'anticipations de hausses tangibles des taux longs dans le futur proche, que le Trésor n'y adhère pas et anticipe au contraire une stabilité ou baisse future des taux. En l'absence de compromis, les deux parties reportent leur négociation au 14 septembre 2021 : Come-back tomorrow.

La deuxième explication possible renvoi à l'éventuel assèchement des ressources longues chez les banques qui préfèrent continuer le jeu juteux des BTC revolving. La troisième explication peut être éventuellement fondée sur la hausse de la prime de liquidité exigée et donc le désistement des banques à mobiliser et prêter des fonds sur le très long terme (puisque on parle de BTA 2028, 2030 et 2033), soit pour des raisons macroéconomiques liées au manque de visibilité ou pour des raisons liées aux risques de marché, principalement le risque de taux (anticipations forte de hausse des taux d'intérêts et de l'inflation). Il va sans dire que le marché est bel et bien saturé et ne peut plus absorber de nouvelles émissions de BTA.

En tout état de cause et en l'absence de levées de fonds de l'extérieur, le Trésor se trouve dos au mur et il sera contraint de renouveler d'ici la fin de l'année des échéances d'un montant de 5,3 milliards de dinars de bons de trésor dont 5 milliards de dinars en BTC et une ligne de BTA novembre 2021 d'un montant de 377 millions de dinars et ce, en plus des échéances de 2022, dont 808 millions de dinars de BTA Février 2022, une échéance d'un crédit syndiqué en avril 2022, 810 millions de dinars de BTA Mai 2022 et 895 millions de dinars de BTA Août 2022.

Pour les échéances de remboursement en monnaie étrangère, dont la transparence des délais des échéances est très peu transparente (pas de publications accessibles au public sur le détail des échéances de remboursement en devises), l'État exercera également un effet restrictif sur les réserves en devises du pays, mais à quel prix (épuisement des réserves et dépréciation du dinars) et jusqu'à quelle limite ? Notons que les réserves en devises couvrent 124 jours d'importation le 10 septembre 2021, contre 162 jours au 31 décembre 2020.

Let's wait until september 15, 2021

Publié le 13/09/21 12:43

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