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L'intermédiaire en Bourse MAC SA vient de publier son Billet économique du mois de décembre. L'auteur du document, Ghazi Boulila, Professeur en Sciences Economiques à l'Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis, est revenu sur le classement PISA 2015 sur la qualité des systèmes scolaires réalisé par l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) qui classe la Tunisie à la 65ème place sur 70 pays participants. Analyse.
Le constat
Le classement PISA 2015 sur la qualité des systèmes scolaires réalisé par l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) a été publié récemment. Il a montré que la Tunisie garde toujours le bas de l'échelle en régressant d'une place par rapport au classement antérieur de 2013. Elle se retrouve à la 65ème place sur 70 pays participants, occupant le même rang que celui du Liban. Les pays comme Malte (41ème place), l'Uruguay (47ème place) et l'Albanie (51ème place) font mieux que notre pays et seuls l'Erym, le Kosovo, l'Algérie et la République dominicaine font pire que nous. Au niveau des pays Arabes, les meilleurs résultats sont obtenus par les Emirats Arabes Unis (46ème), le Qatar (56ème) et la Jordanie (61ème), alors que l'Algérie vient derrière (69ème). La première place du classement revient à Singapour, suivie du Japon, de l'Estonie et Taipei chinois.
Ce rapport international nous indique que nos élèves accusent de graves déficiences en matière de sciences, des mathématiques et de la compréhension de l'écrit et une grande proportion ne parvient pas selon PISA à « acquérir les compétences élémentaires en compréhension de l'écrit qui leur permettront de continuer à apprendre et de participer à la vie des sociétés fondées sur le savoir ».
Compétence en sciences :
En sciences, Singapour devance tous les pays participants. En moyenne, 24.2% des élèves sont très performants ayant des niveaux 6 (5.6%) et 5 (18.6%) contre environ 7.8% pour les pays de l'OCDE. Les élèves du niveau 6 réussissent les questions les plus difficiles de l'évaluation scientifique PISA. Ils sont capables d'utiliser des connaissances accumulées dans les cours et ailleurs pour l'interprétation des données et d'établir une distinction entre les informations pertinentes et les informations non pertinentes. Les élèves du niveau 5 sont légèrement moins performants, ils peuvent utiliser des idées ou des concepts scientifiques abstraits pour expliquer des phénomènes et des événements moins familiers et plus complexes.
Au Singapour, seulement 2.2% des élèves ont un niveau inférieur à 1a. La situation s'inverse pour la Tunisie.
Les élèves tops 5 et 6 sont absents et 21,6% des élèves ont un niveau inférieur à 1a. La majorité de nos élèves (environ 44.2%) se situent dans le niveau 1a. A ce niveau, les élèves sont capables d'entreprendre des expériences scientifiques en tenant en compte au maximum de deux variables en recourant à l'aide. Ils peuvent identifier des relations de causalité simples des données graphiques qui requièrent un faible niveau de capacité cognitive. Seulement les Émirats arabes unis et le Qatar parmi les pays MENA qui disposent des élèves appartenant au niveau 6.
Bien que dans la majorité des pays MENA, la performance en sciences aux épreuves PISA se soit légèrement améliorée depuis 2006, la situation de la Tunisie s'est dégradée. Durant la période 2006- 2015, le pourcentage d'élèves atteignant le niveau 5 et 6 devient nul et le score a diminué passant de 400 points environ à 386, alors que le pourcentage d'élèves sous le seuil de compétence (niveau 2) a augmenté en passant de 62.8% en 2006 à 65,9% en 2015.
Compréhension de l'écrit
Selon le classement PISA, comprendre l'écrit signifie comprendre et utiliser des textes écrits et aussi réfléchir sur le contenu. Comme le montre le tableau ci-dessous, Singapour est le pays le plus performant en compréhension de l'écrit. Le score moyen s'établit à 535 points soit 174 points de plus que celui de la Tunisie et 42 points de plus que celui de la moyenne des pays l'OCDE.
A part les Emirats, le Qatar et le Liban, aucun pays de la région MENA ne dispose d'élèves très excellents de niveau 6. Les élèves les plus brillants appartenant à ce niveau sont capables de bien comprendre un ou plusieurs textes en profondeur et d'intégrer des informations provenant de plusieurs textes. Les élèves Tunisiens sont dominés par les niveaux 1b, 1a et 2. Ces niveaux peu élevés impliquent que les élèves sont peu performants et ont des difficultés pour extraire l'idée principale à partir d'un texte. Une proportion importante de 37.7% des élèves appartient au niveau faible de 1b.
Cette proportion (plus du tiers) qui ne peut que cerner une partie d'information disponible dans des textes courts où la syntaxe est simple.
L'évolution de la performance de notre système scolaire montre que la Tunisie n'a pas réussi en moyenne à amener les élèves à acquérir les connaissances et compétences pour atteindre des niveaux supérieurs. La proportion des élèves moins performants ayant des niveaux inférieurs à 2 ne cesse d'augmenter passant de 50.2% en 2009 à 71.6% en 2015. Le score diminue aussi, il passe de 404 à 361 points. Dans ce contexte, la majorité de nos élèves ont des difficultés pour extraire l'idée d'un texte et rédiger une phrase correcte.
Compétence en mathématique
Ce test cherche à mesurer la capacité des élèves à formuler, utiliser et interpréter les mathématiques selon plusieurs situations. Concrètement, ce test tente de dégager la culture mathématique chez l'élève qui l'aide à comprendre le rôle que les mathématiques jouent dans la science et dans la vie quotidienne.
Encore une fois, la Tunisie a un score faible de 367 points inférieur à celui du Liban et presque 200 points d'écart par rapport à Singapour. Cependant, une proportion de 0.1% de nos élèves est au top niveau 6 c'est-à-dire elle est capable de produire une réflexion et un raisonnement mathématiques avancé.
La proportion d'élèves de niveau faible est importante. Plus de 70% de nos élèves ne sont pas capables de calculer le prix d'un bien dans une devise étrangère, ni d'apprécier la distance à parcourir selon deux directions différentes. En effet, 74.8% des élèves ont un niveau 1b et 1, ce qui veut dire que 3 sur 4 élèves tunisiens sont très faibles en mathématique.
Ils ne peuvent répondre qu'aux questions connues et simple dont la résolution ne demande pas de réflexion et des informations implicites. Ce résultat est surprenant du fait que les tunisiens sont reconnus dans le passé par leur niveau élevé en math. Le niveau 2 est considéré comme le niveau de compétence minimal ou le seuil à atteindre pour participer à l'évolution de la société du savoir. Plus de 92 % des élèves atteignent au moins ce niveau de référence à Singapour, 76.5% aux pays de l'OCDE contre 25% seulement en Tunisie.
Singapour est imbattable dans les 3 tests. Encore une fois, en mathématique, il arrive en première place et plus d'un élève sur quatre est très performant. En effet, 13.1% des jeunes ont un niveau top de 6. Ces élèves sont capables d'établir des relations entre différentes sources d'information et surtout de passer à un niveau de réflexion élevé pour décrire et résoudre des situations complexes.
L'évolution du score et de la proportion des élèves au dessous du niveau 2 durant 2003 à 2015 montrent que la Tunisie n'a pas pu améliorer ses performances en mathématique. Une proportion importante de nos élèves reste dans le niveau inférieur à 2 qui ne peut interpréter et reconnaitre des situations que d'une manière directes et qui ne peut puiser des informations pertinentes que dans une seule source d'information disponible. La Tunisie dispose seulement 0.5% des élèves ayant un niveau supérieur à 5.
Conclusion :
En dépit des efforts quantitatifs, le système éducatif tunisien souffre de défaillances qualitatives majeures qui persistent. Le ministère a pratiqué une politique laxiste de passage d'une classe à une autre dans le primaire sans tenir compte des exigences de possession des compétences des élèves, ce qui a augmenté artificiellement le rendement interne de l'enseignement. Cette augmentation n'était pas le fruit d'un effort pédagogique de la part du ministère mais suite à une décision administrative. Le ministère devra revoir les méthodes et programmes d'enseignement, la formation des enseignants, la pédagogie, les cours de soutien, l'enseignement préscolaire etc. dans le cadre d'une réforme globale dans l'objectif d'améliorer la qualité de l'enseignement.
Télécharger l'intégralité de l'étude
Par Ghazi Boulila - Professeur en Sciences Economiques à l'Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales de Tunis
- Administrateur à la Société Tunisienne de Banque (STB)
- Directeur de l'Unité de recherche: Développement Financier et Innovation (DEFI)
- Membre du bureau de l'ASECTU - Membre de l'Association des Anciens de l'Institut de Défense Nationale (AAIDN)
- Président de l'Association pour la Réflexion sur le Développement Economique et Social» (ARDES)
Publié le 30/12/16 10:18
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