Échaudée par une conjoncture économique pénible s'étendant sur une décennie, la Tunisie voit son sort aggravé par une pandémie qui sévit depuis un an et frappant de plein fouet les populations déjà pauvres et vulnérables. En s'entretenant avec Wassim Ben Larbi sur les ondes d'Express fm, le vice-président du groupe de la Banque mondiale pour la région MENA, Farid Belhaj, a traité de l'aide financière institutionnelle de 300 millions de dollars qui sera fournie aux familles nécessiteuses.
Le devoir d'éviter une crise de forte magnitude
L'onde de choc de la crise sanitaire actuelle " a porté la part des Tunisiens vivant en-dessous du seuil de pauvreté à 21%, soit un taux inédit depuis l'indépendance du pays ", rappelle le vice-président de la Banque mondiale. En d'autres termes, cette portion vit avec moins de 4,6 dinars par jour, selon les normes de l'Institut National de la Statistique (INS) qui présente un seuil national plus élevé que celui fixé par les normes internationales à 1,6 dinar.
Farid Belhaj a également insisté sur un changement péremptoire du comportement attentiste des autorités du pays puisque les investisseurs étrangers assistent à une débâcle de la conjoncture économique tunisienne sans pour autant remarquer de prises d'initiatives. Dirigeant les activités de la Banque mondiale au Liban de 2012 à 2017, Farid Belhaj avertit que " la sonnette d'alarme doit être tirée au risque de subir un autre scénario libanais ".
Une mise en œuvre imminente
Farid Belhaj s'est entretenu avec le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Appui à l'investissement, Ali Kooli, afin de convenir d'un programme d'aide d'urgence de 400 millions de dollars. " Il s'agit d'un programme lourd financièrement et qui demande de l'ambition. En même temps, il faut qu'il soit déployé à l'échelle nationale, sans l'interférence des différends politiques ", insiste le vice-président de la Banque mondiale.
Et d'ajouter que " Nous élaborons ce programme depuis six à sept semaines. Hier soir, nous avons finalisé les négociations et nous nous sommes accordés sur tous les détails du projet avec le gouvernement ".
La mise en œuvre de ce plan d'aide d'urgence dépend de la décision du conseil des Administrateurs de la Banque mondiale qui l'examinera le 31 mars 2021. " J'espère que le programme sera effectif avant le mois de Ramadhan. A cet effet, je me suis adressé au président du Parlement tunisien, Rached Ghannouchi. J'ai insisté sur l'importance d'une validation rapide afin de susciter l'espoir des familles nécessiteuses ".
En effet, explique Farid Belhaj, un montant de 300 millions de dollars, soit 820 millions de dinars, sera injecté dans le circuit économique au profit d'un million de familles, représentant entre quatre et cinq millions de citoyens. " Cependant, il est nécessaire de pallier les risques d'impérities gouvernementales en entamant urgemment des réformes, au vu de l'effondrement économique du pays ", a-t-il appelé.
Le maniement du programme se fonde sur les données des autorités tunisiennes sur les ménages à faibles revenus. " Le système utilisé par le ministère des Affaires sociales, à savoir le programme Amen Social, a été testé et a fait ses preuves. Nous avons décidé de l'exploiter étant donné que l'audit réalisé l'année dernière par la Banque mondiale a montré que moins de 1% des transferts monétaires mensuels n'ont pas atteint leur cible ".
Toujours est-il que le vice-président de la Banque mondiale a assuré que les dirigeants politiques tunisiens avec lesquels il s'est entretenu sont conscients de l'ampleur de l'instabilité chronique de l'économie nationale et qu'ils sont disposés à entrer dans une logique de croissance à la hauteur des attentes de la population.
Myriam Ben Yahia
Publié le 19/03/21 16:36