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Antoine Sallé de Chou : La BERD s’inquiète du décrochage de l’investissement en Tunisie et appelle à un changement du modèle économique

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Alors que les discussions sur les politiques publiques et les urgences, notamment d'un point de vue réformes structurelles, battent leur plein, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) veut participer à ces débats d'idées, en sa qualité de bailleur de fonds de premier plan en Tunisie, et contribuer à la mise en place des priorités de réformes du gouvernement et sur lesquelles la BERD se dit prête à appuyer. Et c'est le Chef de bureau de la banque en Tunisie, Antoine Sallé de Chou, qui nous parlera du sujet des déboursements des projets financés par sa banque, par rapport auquel la BERD exprime sa déception. Interview.

Quel bilan pour les activités de la BERD en 2019 en Tunisie ?

 

Antoine Sallé de Chou :  2019 a été une excellente année pour la BERD. C'était notre deuxième meilleure année depuis que nous avons commencé notre activité en Tunisie, que ce soit en termes de volume d'investissement ou en nombre de projets. L'année dernière nous avons financé 12 projets pour 180 millions d'euros, dont 72% dédiés aux projets environnementaux, un record pour la BERD.

L'année 2019 a été à l'image de nos forces. La grande majorité de nos projets étaient dans le secteur privé (10), le focus principal de la BERD. Ces investissements ont concerné en particulier les secteurs de l'huile d'olive, de l'industrie pharmaceutique, du leasing, de la microfinance ... La plupart de ces financements ont été fait en dinar tunisien : c'est aussi la marque de fabrique de la BERD, pour s'assurer que nos clients ne prennent pas le risque de change, avec des tickets commençant à 1 million d'euros. Nous pensons avoir des outils vraiment adaptés au tissu industriel tunisien et aux PME en particulier.

Dans le secteur public, nous avons financé en 2019 deux grands projets d'infrastructure. Le premier avec l'ONAS pour 75 millions d'euros pour la réhabilitation du réseau d'assainissement dans 33 petites communes de moins de 10.000 habitants et ce, en cofinancement avec la BAD. Le deuxième financement, de 45 millions d'euros, a bénéficié à la Transtu pour le renouvellement des rames du TGM. C'est un beau projet qui va permettre de réduire de 8,000 tonnes les émissions du CO2 et de renforcer la gouvernance de cette entreprise publique.

2019 a été également une très bonne année sur la partie conseils aux PME et assistance technique. Sur ce volet, nous avons battu un nouveau record avec 270 PME soutenues, soit plus de PME qu'en Turquie, en Egypte ou en Ukraine, des marchés pourtant beaucoup plus gros que celui de la Tunisie, et ce, grâce à un financement généreux de l'Union Européenne pour ce programme, mais aussi grâce à la qualité du tissu des PME tunisiennes.

 

Pensez-vous que cette tendance se poursuivra en 2020 surtout au niveau des énergies renouvelables ?

 

Antoine Sallé de Chou :  Les énergies renouvelables est un des dossiers qui progresse bien en Tunisie. Cela prouve qu'avec la volonté politique et le bon leadership de projet, la Tunisie peut avancer sur des dossiers qui sont pourtant compliqués et qui nécessitent un véritable changement de mentalité. Parce qu'ouvrir le secteur de la production de l'électricité au secteur privé n'était pas acquis il y a trois ans. Aujourd'hui, ce que la Tunisie a accompli en juillet 2019 par l'appel d'offres pour la production de 500 mégawatts d'électricité solaire est historique, et va aider à accélérer l'engagement du secteur privé dans l'infrastructure.

Et nous sommes fiers à la BERD d'y avoir contribué via le travail que nous avons fait avec le Ministère de l'Industrie sur l'élaboration du cadre d'investissement du programme renouvelable, qui a permis de donner aux développeurs et aux investisseurs la confiance nécessaire pour investir en Tunisie sur un horizon de 20 ans, une confiance qu'ils ont reflété dans des primes de risque extrêmement basses : ces développeurs privés ont ainsi proposé de vendre leur électricité en Tunisie aux tarifs les plus bas de tout le continent africain (au moment de l'ouverture des plis en juillet 2019) !

Donc aujourd'hui, nous avons la confirmation que l'on peut produire de l'électricité propre par le privé qui coûte moins chère qu'en brulant le gaz, et moins chère que le coût de revient de la STEG. Cela ne veut pas dire que la STEG n'a plus son rôle dans le secteur. Bien au contraire, notamment elle doit évidemment garder son rôle national sur le transport de l'électricité. D'où l'importance d'avoir une STEG forte et en bonne santé financière.

Cette ouverture montre donc que quand on fait appel aux privés dans un secteur dominé précédemment par une entreprise publique, on peut soutenir la compétitivité de l'industrie tunisienne grâce à des coûts de facteurs plus faibles, accélérer la réduction des subventions énergétiques et accompagner le retour aux équilibres macroéconomiques. Demain, en 2030, on aura une Tunisie qui pourra être exportatrice nette de l'électricité ce qui aura un impact important sur le dinar et sur la balance des paiements.

 

Comment évaluez-vous le positionnement de la BERD en Tunisie depuis son arrivée en 2012 et comment se passe la mise en œuvre de vos projets ?

 

Antoine Sallé de Chou :  En cumulé, nous nous approchons du milliard d'euros d'investissement depuis 2012 et nous avons déjà dépassé en fin de l'année dernière la millième PME soutenue via nos activités d'assistance technique avec l'UE. Deux caps très importants passés à quelques mois d'intervalle et qui nous positionne comme un bailleur de référence sur le secteur privé en Tunisie.

Par rapport à son PIB et à la taille de la population, la Tunisie bénéficie clairement d'un niveau de financements bien au-delà de la plupart des autres pays d'opérations de la BERD. Et c'est le cas pour la plupart des bailleurs de fonds. Il faut donc comprendre qu'aujourd'hui, la Tunisie jouit d'un soutien exceptionnel de la communauté internationale, qui est lié à la situation exceptionnelle que le pays traverse. Ce qui est en train de se passer en Tunisie, en termes de transition politique, a une résonnance mondiale. Ceci explique pourquoi la communauté internationale se mobilise autant. Mais qui dit situation exceptionnelle, dit situation qui ne va pas durer éternellement : il faut donc utiliser au maximum cette fenêtre d'opportunité et valoriser au mieux cette assistance de la communauté internationale qui ne lui veut que du bien ! Une chose sur laquelle nous n'avons pas toujours l'impression d'être écoutés.

Au niveau de la mise en œuvre des projets et des réformes, nous avons des déceptions. Ainsi, concernant la mise en œuvre de nos investissements, il va falloir vraiment accélérer, entre autres, le déboursement des projets. En effet, on signe de nouveaux grands projets d'infrastructure au bénéfice des Tunisiens mais qui n'avancent pas, très souvent en lien avec des blocages administratifs et institutionnels, notamment au niveau des passations de marché. Une des raisons, à mon sens, c'est une culture encore très répondue dans certaines parties du secteur public où toute décision est vue comme un risque. Résultat : on préfère souvent ne pas prendre de décisions, ou la repousser, ou en déléguer la responsabilité à une autorité. Et avec une architecture institutionnelle souvent très compliquée vous allez trouver sur un même projet trois ou quatre ministères, différentes agences d'exécution, le Conseil supérieur des marchés et parfois le premier ministère qui sont tous impliqués.

Aujourd'hui, notre taux d'exécution des projets dans le public est extrêmement bas. Nous avons signé pour près de 350 millions d'euros de financements souverains pour l'infrastructure prioritaire au bénéfice des Tunisiens, dont nous n'avons déboursé que 10%. Cela veut dire que la Tunisie " se prive " de 300 millions d'euros qui sont signés mais qui sont " imaginaires " pour l'instant parce qu'ils ne sont pas déboursés. Certes notre portefeuille est encore jeune et certains de ces projets n'ont été conclus que récemment, mais d'autres ont été signés il y a quatre ans, et ne déboursent toujours pas. Nos taux d'exécution dans le secteur privé, qui représente la majorité de notre activité, sont en revanche proches de 100%.

La BERD souhaite garder un cap ambitieux en Tunisie mais nous regardons de plus en plus cet aspect sur nos financements publics : est-ce que c'est déboursable, est-ce que ça peut être mis en œuvre rapidement ? Je pense qu'il faut simplifier le nombre des institutions qui sont impliquées dans un même dossier, remettre le Ministère de la Coopération internationale au cœur et comme pilote du projet, et peut être même développer des " scorecards " communes entre le bailleur et le ministère. Il faut essayer ainsi de réaligner les objectifs et les intérêts. Le bailleur a aussi son rôle, et doit essayer de simplifier au maximum les conditions d'entrée en vigueur notamment.

Si dans les années qui viennent nous continuons de faire face à des taux de déboursement aussi bas, et des projets qui mettent autant de temps à avancer, nous devrons engager une réflexion sur notre positionnement dans le secteur public et serons forcé de devenir encore plus sélectifs sur les projets souverains que nous finançons. Et dans les cas extrêmes où les situations sont vraiment bloquées, les bailleurs se retrouvent parfois obligés d'annuler des projets, en concertation avec le gouvernement.

 

En tant que bailleur de premier plan en Tunisie, qu'est-ce que vous proposez pour remédier à ces barrières et quelles sont les priorités de réformes ?

 

Antoine Sallé de Chou :  Malheureusement, aujourd'hui en Tunisie il n'y a plus de " quick-win ". Ce qui va falloir faire c'est un changement en profondeur du modèle économique. Le malaise social et économique des dernières années n'est pas lié uniquement aux turbulences de la période post-révolution. Il est lié au modèle économique sur lequel la Tunisie s'est bâtie avec succès pendant des décennies, mais qui n'est plus adapté à la réalité d'aujourd'hui.

Pour le nouveau gouvernement, je pense qu'il y a vraiment une urgence autour de trois grandes priorités en particulier. La première, c'est la nécessité d'en finir avec les situations de rentes et de monopoles qui alimentent le sous-investissement dans les secteurs public et privé. La deuxième est de restructurer les entreprises publiques. Et la troisième priorité est d'ouvrir la porte de la cage de " l'oiseau Tunisie ", pour permettre au pays de s'ancrer aux chaînes de valeurs mondiales et ce, à travers une résolution rapide de la crise portuaire et logistique, et une réforme progressive du contrôle de capitaux.

Pour ce qui est de la première priorité, on constate que le taux d'investissement est en chute libre passant de 25% dans les années 2000 à 19% actuellement, bien en deçà de ce qu'on observe dans les pays de la région. C'est donc la Tunisie de la nouvelle génération que l'on hypothèque. Cette baisse est liée à notre sens à trois facteurs en particulier, à savoir la domination des entreprises publiques dans un grand nombre de secteurs alors qu'elles n'ont plus la capacité financière d'investir, des groupes privés qui sont trop confortables dans des secteurs protégés par des barrières réglementaires et donc n'ont pas d'incitations pour investir et innover, et enfin des institutions de contrôle de la concurrence qui n'ont pas les moyens matériels et institutionnels pour mettre en œuvre leur mandat.

On voit donc cette création de poches de rente qui sont le résultat de plusieurs décennies de barrières réglementaires. Ceci crée une frustration pour les nouveaux entrepreneurs qui veulent venir challenger les acteurs déjà existants. Résultats, aujourd'hui, on est encore dans une économie où il faut être autorisé pour concourir. Il s'agit donc de revenir à un système basé sur l'égalité des chances économiques, où tout le monde peut participer, sur le mérite de ses idées et de ses produits. L'OCDE a bien montré dans une étude récente les bénéfices d'une plus grande ouverture par exemple des secteurs du transport et de la distribution, et des analyses similaires existent sur les secteurs de l'éducation et du tourisme.

Le secteur bancaire aussi est un bon exemple parce qu'ici on y retrouve et le public et le privé dans cette situation de concurrence insuffisante. Bien qu'on ait 22 banques, ce qui est très important par rapport à la taille de l'économie tunisienne, avec 11 banques à participations étrangères, on voit que les banques privées sont souvent possédées par quelques grands actionnaires qui ont des participations croisées et que plus de 30% du secteur est détenu par un actionnaire unique, l'Etat, qui est encore en train d'augmenter sa participation dans le secteur en rachetant la BTK et en créant la Banque des Régions.

Des études montrent qu'en levant ses barrières réglementaires qui créent ces poches de rente, on pourrait créer jusqu'à 130 000 emplois et augmenter le PIB de 3,6%. Et pourtant, sur les 127 autorisations à lever, seulement 6 ont été supprimés, soit un taux d'exécution de 5% plus de trois ans après la promulgation de la Loi sur l'investissement de 2016. C'est vraiment beaucoup trop peu. Il faut donc accélérer l'ouverture de ces secteurs et la levée de ces autorisations d'investissement.

Concernant les entreprises publiques, de nombreuses d'entre elles ont fait la fierté de la Tunisie pendant des années et ont contribué à son développement. Mais aujourd'hui beaucoup de ces entreprises sont dans une situation financière difficile, qui les empêche d'investir et parce qu'elles sont en position dominante, empêche le secteur privé d'investir. Est-ce que la stratégie de l'Etat-actionnaire est bien alignée avec la vision industrielle et économique du pays post-Révolution ? Est-ce que qu'être majoritaire dans une centaine d'entreprises, souvent en difficultés, dans une multitude de secteurs souvent éloignés de l'intérêt public, permets à l'Etat de réaliser cette vision ? Si ce n'est pas le cas, il faut alors réfléchir à recentrer l'Etat sur les secteurs stratégiques ou sociaux où il est le gestionnaire naturel et à ouvrir ces monopoles publics à l'investissement privé.

Et il ne s'agit pas nécessairement de privatisation : ce qui est en train de se faire dans le secteur de l'énergie, où l'on a une cohabitation du privé et du public sur les renouvelables, est un bon exemple. A ce sujet, il ne faut pas sous-estimer le courage politique qui a été nécessaire pour prendre cette décision de faire entrer les privés dans ce secteur et les résultats en termes de tarifs obtenus prouvent l'avantage de ce modèle de coopération entre les grandes entreprises publiques et celles du secteur privé, qui peuvent apporter de l'investissement et du savoir-faire au bénéfice des usagers tunisiens.

Enfin, il est clair qu'aujourd'hui, malgré les avancées de la Loi sur le Concurrence de 2015, les institutions de contrôle de la concurrence n'ont ni les moyens ni le degré indépendance institutionnelle pour mener à bien leurs tâches et pouvoir punir les abus de position et les violations à la loi de la concurrence. Je parle ici essentiellement du Conseil de la Concurrence qui est une des institutions de régulation les moins bien dotée en termes de budget et de ressources humaines.

Ceci nous amène à la deuxième priorité. Si l'Etat se recentre sur quelques grandes compagnies publiques dans des domaines stratégiques et sociaux, il aura alors beaucoup plus de moyens pour renforcer ces entreprises, en mettant le paquet en termes de gouvernance, de ressources financières et de restructuration de leurs bilans. Ceci pour arriver à une meilleure gestion des entreprises publiques, qui coûtent chaque année entre 1,5 et 1,8% du PIB au contribuable, un meilleur service pour l'usager tunisien, et permettre de dégager plus de ressources pour mener de grands projets d'investissement structurants.   

L'Etat doit donc incontestablement entamer une refonte de la gouvernance de ses entreprises qui sont aujourd'hui gérées dans un cadre obsolète, qui les met sous tutelle de leurs ministères et qui relègue leurs conseils d'administration au rang de quasi-figurants. Alors que toutes les décisions budgétaires et stratégiques doivent être validé par le ministère de tutelle, comment est-ce qu'un Conseil d'administration d'une entreprise publique peut avoir un pilotage stratégique qui soit au bénéfice social de l'entreprise et centré sur ses usagers ? C'est impossible. Il faut faire du Conseil d'administration l'organe de décision et d'élaboration de la stratégie de l'entreprise publique.

Cela veut dire changer le cadre législatif et la composition des Conseils d'administration qui sont aujourd'hui trop dominés par des représentants des ministères alors qu'il faut les ouvrir aux administrateurs indépendants et aux compétences externes dont regorge la Tunisie, à l'instar de ce qui se fait dans les banques publiques depuis 2015. Aussi, il faut créer des comités d'audit indépendants qui puissent surveiller la gestion financière de l'entreprise. Paradoxalement, on a des entreprises publiques qui ne sont pas tenues à rapporter leurs comptes régulièrement à leur tutelle et qui publient leurs comptes avec parfois un ou deux ans de retard. La réforme de la Loi 89-9 sur les entreprises publiques présentée par le gouvernement le mois dernier va dans ce sens, et nous espérons que le nouveau gouvernement va rapidement poursuivre cet effort.  

Enfin, troisième priorité à notre sens, il faut faire sauter les verrous de cette cage qui isolent la Tunisie de l'économie internationale. Je parle ici de deux grandes barrières dont tous les entrepreneurs avec qui la BERD travaille nous parlent, quand ils songent à une expansion à l'international : la situation des ports et le contrôle de changes. Sur les ports, le constat est connu. Cette crise a maintenant un impact au niveau macroéconomique, avec des niveaux de productivité qui sont 3 à 4 fois inférieurs à la moyenne mondiale et surtout des résistances à tous les niveaux pour toute initiative qui pourrait venir améliorer cette situation. Ainsi, le projet de digitalisation des opérations portuaires avec la mise en place du système TOS n'est toujours pas mené à terme, alors que l'Etat s'est endetté pour ce projet. Alors que l'on sait que ces systèmes ont fait leur preuve dans d'autres pays.

Pareillement, on ne peut que s'étonner, s'alarmer et se désespérer du fait que l'appel d'offres sur les quais 8 et 9 du Port de Radés n'est toujours pas finalisé. Nous sommes arrivés en Tunisie en 2013 et c'était l'un des premiers projets dont nous avons entendu parler. Néanmoins, 7 ans après, rien n'a avancé alors que l'urgence est vraiment là. En effet, le surcoût économique de ce déficit logistique et portuaire est estimé à 5% du PIB, soit l'équivalent du budget du ministère de l'éducation nationale.

Par ailleurs, la Loi Transversale d'avril 2019 permets aujourd'hui l'émergence d'initiatives privés dans le domaine notamment portuaire, avec des projets identifiés qui pourraient être prêts en 6 à 9 mois et venir désengorger le port de Radés très rapidement. Mais ils n'avancent pas faute de volonté politique.

Le second verrou qui existe dans cette cage qui isole la Tunisie de l'économie internationale est le contrôle des changes. A cet égard, il ne faut pas avoir une vision trop caricaturale. C'est un dispositif qui a eu des aspects positifs et permis dans une certaine mesure de protéger le système financier tunisien de grandes crises systémiques. Néanmoins, c'est un système qui peut être assoupli d'une façon progressive, et ainsi apporter une bouffée d'air aux entrepreneurs tunisiens, sans pour autant mettre en danger les grands équilibres économiques du pays. Nous n'appelons pas à une libéralisation totale et immédiate du compte capital, mais nous pensons qu'il faut revoir un certain nombre de procédures et notamment les restrictions à l'accès au financement en devises.

Aujourd'hui, si une entreprise tunisienne souhaite faire une acquisition à l'étranger ou capitaliser une filiale par exemple en Afrique, elle ne peut pas emprunter plus de 3 millions de dinars de financements en devises. Ce niveau n'est plus adapté aux opportunités d'aujourd'hui. La Banque Centrale de Tunisie s'est engagée dans son Plan Stratégique sur la voie de cette réforme, et c'est une excellente nouvelle. Nous pensons qu'il faudrait développer au plus vite une feuille de route, pour donner aux opérateurs économiques de la visibilité sur cette levée progressive des restrictions de change.

Pour conclure, je souhaite insister sur le fait que ce diagnostic n'est pas une vision développée dans un bureau à Londres, coupée de la Tunisie. C'est le fruit de notre relation de terrain, à l'écoute des entreprises, des PME, et un partage d'expérience sans vouloir donner de leçons, qui se veut le relai des discussions régulières que nous avons avec les principaux acteurs du débat d'idée sur les politiques publiques en Tunisie. Nous comprenons la nécessité de devoir donner du temps à la transition de la Tunisie. Mais il y a une réelle urgence sur certains grands sujets économiques autour des priorités que j'ai évoquées, sur lesquels il faut avancer très rapidement si l'on souhaite parachever le succès de la transition politique de la Tunisie et du message universel qu'elle porte. L'enjeu est de taille pour le nouveau gouvernement.  

Propos recueillis par Ismail Ben Sassi

Publié le 29/01/20 20:01

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