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Tunisie : D’où provient cette croissance fulgurante du PNB des banques ?

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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A l'image de l'exercice 2017, les réalisations des banques sur le premier semestre 2018 s'inscrivent dans un contexte qui a vocation à évoluer pour le secteur bancaire. Une évolution qui sera toutefois progressive et l'inertie du paquebot bancaire nécessite un minimum de temps pour réajuster son cap. Dans l'attente de ces ajustements l'analyste financier Hédi Ben Chérif, a passé en revue les publications financières semestrielles du secteur bancaire afin de souligner les atouts et les faiblesses de chacune par rapport à ses pairs.

Le contexte de renchérissement de la dette publique et d'accroissement des besoins de financement du budget de l'Etat a créé une opportunité pour les banques. Opportunité d'autant plus grande que la rareté des ressources traditionnelles (dépôts de la clientèle) a été compensée par les liquidités fournies à grande échelle par la BCT (volume record de refinancement). Une situation peu saine qui ne pouvait perdurer.

C'est le message lancé par la BCT en septembre 2018 via ses communiqués. En substance la BCT sonne la fin de la récréation et demande au secteur de prendre davantage ses responsabilités.

Une croissance solide du PNB

En termes de génération de PNB, la BIAT reste seule au monde… Plus de 130 MDT de PNB (semestriel) la sépare de son challenger, la BNA, malgré la bonne performance de cette dernière au premier semestre (+30%, soit la meilleure performance du secteur).

Dans son ensemble, le secteur voit ses revenus progresser de +19,5% comparativement au premier semestre 2017. Rappelons qu'en 2017 le secteur affichait déjà une progression de +19% sur l'année pleine.

A noter que les 3 banques publiques sont au-dessus de la moyenne, BNA en tête. Parmi les banques privées, Attijari & UIB affichent des progressions solides, BT & BIAT sont légèrement en dessous des 20%.

En queue du peloton l'UBCI ne démord pas de sa stratégie conservatrice, une faible évolution (+6,6% - moins que l'inflation…) voulue et non pas subie semble-t-il. La filiale de BNP Paribas affiche par ailleurs le plus petit PNB du secteur, position qu'elle ne devrait pas quitter de sitôt…

ATB et Amen Bank affichent également des évolutions en retrait par rapport au secteur. Sans doute contraintes dans le développement de leurs emplois par une faible évolution de leurs ressources sur le premier semestre.

La Marge d'intérêt

A l'échelle du secteur, c'est logiquement la marge d'intérêt (+29,6%) qui a tiré le PNB vers le haut. La plupart des banques affichent de belles performances sur ce segment. La hausse des taux est passée par là, rappelons que le taux directeur a enregistré quatre hausses depuis avril 2017 jusqu'à juin 2018, faisant passer le T4M de 4,3% en janvier 2017 à 7,3% en septembre 2018.

Une hausse des taux favorable à la marge d'intérêt des banques dont les emplois à taux variables sont plus importants que les ressources à taux variable. La BNA et l'ATB se sont particulièrement distinguées en la matière : +40,8% BNA / +38,4% ATB, les deux plus fortes évolutions du secteur.

La forte progression de la marge d'intérêt des deux banques provient notamment d'une nette amélioration de leur spread de taux : différence entre coût des ressources et rémunération des crédits.

La BIAT demeure la banque qui dégage le plus de marge sur son activité de crédits, et cette marge est essentiellement due à son faible coût de ressources qui est de loin le plus faible du secteur. Ce net avantage lui permet d'être compétitive dans ses taux de crédits proposés aux clients tout en dégageant une marge confortable.

La Marge sur commissions

Pour ce qui concerne le poids de la MC dans le PNB, les chiffres sont plutôt homogènes. Seule l'UIB se distingue par un niveau particulièrement élevé et affiche une bonne performance sur le premier semestre (+14%).

La BNA (+31%) et la BH (+21%) ont enregistré les deux plus fortes évolutions. La filiale de la Société Générale parvient quasiment à couvrir ses frais de personnel par les commissions (94%). Seule l'Amen Bank s'approche également de cet objectif de productivité.

A l'opposé, la filiale de BNP Paribas ferme (de loin) le tableau de cet indicateur de productivité. L'UBCI a notamment enregistré une baisse de sa MC en S1 2018 (-6%) et elle affiche un niveau de frais de personnel particulièrement élevé : 43,6% du PNB, le second (BNA) est à 36% et le secteur à 31%.

Croissance du PNB, d'où provient la hausse ?

Au niveau du secteur, la croissance de +20% du PNB au premier semestre 2018, soit +329 MDT en absolu, provient :

  • A 68% soit +224 MDT de la Marge d'Intérêt
  • A 19% soit +63 MDT des Autres Revenus
  • A 13% soit +41 MDT de la Marge s/Commissions

La contribution de la Marge d'intérêt (MI) :

L'UBCI a tiré sa croissance des revenus uniquement de la MI et pour l'ATB et la BIAT, la croissance provient essentiellement de la MI. Le niveau de contribution à l'évolution des revenus de la MI, qui demeure le cœur de métier de la banque dans un contexte de variation des taux favorable, paraît insuffisant pour l'Amen, Attijari et particulièrement la STB.

La contribution de la Marge s/Commissions (MC) :

BH, UIB et BNA parviennent à faire contribuer la perception de commissions de manière significative dans l'évolution des revenus. Pour d'autres banques, cette contribution est marginale (Attijari & STB) voire négative (ATB & UBCI).

La contribution des Autres Revenus :

L'essentiel de la croissance des revenus de la STB provient des autres revenus aussi bien du portefeuille BTA que des opérations de change. Ils sont également fortement pondérés dans l'évolution du PNB de TJB.

Compte tenu de l'évolution du cadre réglementaire imposé par la BCT, maintenir des niveaux de contribution à la croissance du PNB élevés pour la catégorie des revenus du portefeuille BTA sera rendu plus difficile.

Le Coefficient d'exploitation : La comparabilité faussée par l'instauration du fonds de garantie des dépôts en 2018

Les banques sont désormais tenues de verser une contribution annuelle de 0,3% de leurs dépôts dans ce fonds de garantie, une contribution imputée au niveau des autres charges d'exploitation. Cette contribution impacte pour la première fois les banques sur les comptes S1 2018 pour des montants significatifs ce qui fausse la comparabilité avec S1 2017.

La BT et l'Amen Bank demeurent les références en matière de CE, leur bonne maîtrise des charges d'exploitation est ancrée depuis des années. Alors que l'on pourrait s'attendre à voir l'UIB dans le haut de ce classement compte tenu de la couverture des frais de personnel par les commissions (94%, meilleure performance du secteur), elle ne figure que dans le ventre mou du classement.

Ce paradoxe découle de la spécificité de la banque de ne pas « booster » son PNB par des revenus « non-bancaires », qui sont faiblement consommateurs de CE. L'UIB affiche en quelque sorte des ratios d'un acteur « purement » bancaire.

L'UBCI est la seule banque qui affiche une (légère) augmentation de son CE même après retraitement des contributions. La faible (+6,6%) évolution de son PNB en S1 2018 ne lui permet pas de diluer des charges opérationnelles déjà élevées. Un positionnement particulier.

Compte tenu de la faible dynamique assumée par la banque, on ne voit pas comment elle pourrait améliorer sa productivité, à moins que le benchmark de l'UBCI soit le CE de sa maison mère (69%).

Le coût du risque

La charge du coût du risque créances va de 2% du PNB d'Attijari à 32% de celui de la STB. Des écarts justifiés par les différences de qualité d'actif. Pour des banques comme Attijari ou encore l'UBCI les niveaux sont extrêmement bas alors même que le contexte économique n'est pas favorable.

Les 5 premières banques du classement affichent de « faibles » ratios de créances classées (entre 5% et 8%) selon les standards locaux (la moyenne mondiale est à 3,7%, la France à 3,1%).

Paradoxalement, la BIAT qui affiche le ratio de NPL le plus bas (5%) continue de provisionner de manière conséquente : 11% de son PNB soit 44 MDT sur S1 2018 (83 MDT sur l'année 2017). La banque maintient ses efforts de provisionnement en raison d'un taux de couverture (64%) qui demeure en retrait par rapport aux exigences réglementaires.

Cette insuffisance découle principalement de la politique de cession de créances : près de 50 MDT/an sur les 4 dernières années. La radiation de créances carbonisées impacte positivement le taux de NPL et négativement le taux de couverture.

Trois banques sont dans une dynamique particulièrement forte de provisionnement sur les dernières années : BNA, Amen Bank et STB. Avec un taux de NPL de 15%, Amen cumule plus de 1,3 milliard de dinars de créances classées au premier semestre 2018. Près de deux fois plus que la BIAT. L'accumulation de mauvaises créances n'est pas l'apanage de la gestion publique. Ce que la banque privée gagne en productivité elle le reverse en coût du risque.

Pour sa couverture, la BNA a opté depuis 2015 pour la cession de ses « bijoux de famille » dont les gains alimentent les provisions. Encore en S1 2018, la cession de titres SFBT a généré plus de 33 MDT de gains. Cette approche touche ses limites, il ne reste « plus » qu'une trentaine de millions de dinars de gains potentiel sur le reliquat de ses titres SFBT (1,3 million) qui seront probablement épuisés d'ici la fin de l'année.

Depuis 2015 les gains générés par cette politique de cession ont atteint 319 MDT à mettre en perspective avec un bénéfice cumulé sur cette même période de 454 MDT pour la banque.

Télécharger l'intégralité de l'analyse

Hédi Ben Chérif - FINEVA

Publié le 16/10/18 14:52

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