Moody's : Il est très peu probable que la Tunisie atteigne son objectif de financement extérieur

Moody's a maintenu vendredi dernier les notes à long terme en devises et en monnaie locale " Caa2 " de la Tunisie tout en améliorant la perspective de négative à stable.

Dans son communiqué publié à l'occasion, l'agence américaine explique que l'affirmation de la note de la Tunisie tient compte d'un degré élevé d'incertitude quant aux sources de financement, compte tenu de la persistance de besoins de financement importants, notamment d'un déficit budgétaire toujours élevé (6,6 % du PIB prévu pour 2024) et d'un profil d'échéance de la dette difficile.

Et de signaler que les besoins de financement bruts du gouvernement resteront importants au cours des prochaines années, de l'ordre de plus de 14 % du PIB par an, contre une moyenne d'environ 9 % du PIB entre 2015 et 2019.

Ces besoins comprennent plus de 10 % du PIB de paiements du principal de la dette globale arrivant à échéance cette année. " La signature d'un nouvel accord avec le FMI n'a pas été possible depuis la fin de l'accord précédent en 2020, et n'est pas prise en compte dans les prévisions de base de Moody's ", souligne l'agence américaine.

Persistance des contraintes de financement

Selon Moody's, la base de financement domestique relativement petite de la Tunisie et l'absence d'un financement externe plus important de la part des partenaires multilatéraux et bilatéraux limitent son financement.

En effet, malgré un soutien monétaire important et un recours accru aux émissions à faible échéance, le volume des emprunts intérieurs bruts annuels – compte non tenu des financements directs de la banque centrale - n'a pas dépassé 8 % du PIB ces dernières années, ce qui témoigne des contraintes structurelles de capacité de la Tunisie.

Le recours au financement monétaire direct cette année, pour la première fois depuis 2020, souligne les contraintes de financement persistantes du gouvernement et marque une érosion de l'autonomie de la BCT, même si le gouvernement entend qu'il s'agisse d'une mesure ponctuelle. " Plus généralement, le manque de visibilité sur le financement accroît le risque d'une augmentation des arriérés de paiement des finances publiques nationales et d'une future ponction sur les réserves de change ", estime Moody's.

Détérioration de l'accessibilité de la dette

L'agence américaine indique que la structure de la dette tunisienne reste un élément clé du soutien au crédit au niveau de la note " Caa2 ". Bien qu'environ 55% de la dette publique soit de nature externe en novembre 2023 - dont une majorité en euros - une grande partie est due à des créanciers officiels à des taux d'intérêt plus faibles et à des échéances plus longues.

" L'accessibilité de la dette se détériore progressivement en raison d'une dépendance accrue à l'égard du financement intérieur et de sources de financement extérieur plus onéreuses, mais elle reste largement comparable à celle des pays de la même catégorie ", précise Moody's qui prévoit que les paiements d'intérêts du gouvernement atteindront 15,4 % des recettes publiques d'ici la fin de 2025 - légèrement au-dessus de la médiane de 12,1 % prévue pour les pays notés " Caa " - contre 11 % en 2021.

L'objectif de financement extérieur de 2024 sera-t-il atteint ?

L'apport continu de financements extérieurs ad hoc au gouvernement, bien que constamment inférieur à ses projections budgétaires depuis 2021 et d'une ampleur limitée par rapport à ses besoins, souligne un niveau résiduel de soutien de la part des partenaires occidentaux et du Golfe de la Tunisie, indique Moody's.

Le financement extérieur a atteint 5,1 milliards de dinars (3,2 % du PIB) sur les onze premiers mois de 2023, soit seulement 48 % du montant budgétisé dans la loi de finances révisée et approuvée en novembre 2023.

" Il est très peu probable que l'objectif de financement extérieur reflété dans le budget 2024 - proche de 10 % du PIB, mais comprenant une part importante attendue de sources non identifiées - soit atteint. Néanmoins, les autorités ont l'habitude d'obtenir des financements, même s'ils ne sont que partiels, pour soutenir leur capacité à rembourser la dette extérieure ", estime l'agence américaine.

Enfin, Moody's s'attend à ce qu'un niveau similaire d'assistance financière de la part des partenaires bilatéraux et multilatéraux de la Tunisie soit maintenu même en l'absence d'un programme du FMI.

Omar El Oudi

Publié le 25/03/24 09:58