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Monnaie électronique et inclusion financière : Le dynamisme se confirme

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Par Moez Hadidane

TERA FINANCES

Les pièces et billets sont les premiers instruments monétaires (première génération) apparus pour régler des transactions allant de quelques millimes à plusieurs centaines ou milliers de dinars. En dépit de leurs avantages significatifs (anonymat, commodité, gratuité, etc.), ceux-ci se révèlent aujourd'hui de moins en moins adaptés à l'environnement aussi bien du payeur qui impose de plus en plus de la sécurité, de son portefeuille, de la traçabilité à ses opérations que pour les autorités publiques, plus transigeant en matière de transparence des transactions, de l'évasion fiscale et du blanchiment d'argent.

De même, les instruments traditionnels (2ème génération) de paiement scripturaux (chèque, virement etc.), ou ceux dont les traitements peuvent être automatisés à partir de la monnaie scripturale à l'instar de la carte bancaire (3ème génération), ne sont pas toujours accessibles aux consommateurs, parfois pour des raisons de proximité, de faible revenu ou de coût. Il résulte donc de ce constat qu'il n'existe aucun instrument de paiement automatisé conçu pour le paiement de petits montants.

C'est dans cette perspective, harmonisée avec une plus grande démocratisation de l'internet et la diffusion de la téléphonie mobile à grande échelle qu'un nouvel instrument de paiement baptisé monnaie électronique ou porte-monnaie électronique se développe partout dans le monde. La monnaie électronique : C'est une valeur monétaire qui est stockée sous une forme électronique, sur un support électronique (la puce d'un téléphone mobile) ou à distance sur un serveur (un compte en ligne). Ce support électronique stocke directement la somme d'argent et n'est pas lié nécessairement à un compte bancaire. Il peut s'agir par exemple d'un porte-monnaie électronique, d'une carte cadeau d'une enseigne commerciale, d'une carte bancaire prépayée...

En Tunisie, la règlementation bancaire définit la monnaie électronique comme toute valeur monétaire représentant une créance à la charge de l'émetteur, stockée sur un support électronique, émise en contrepartie de la remise de fonds d'un montant dont la valeur n'est pas inférieure à la valeur monétaire émise et acceptée comme moyen de paiement par des tiers autres que l'émetteur de la monnaie électronique. Les établissements de paiement peuvent commercialiser des moyens de monnaie électroniques prépayés, émis par les banques ou la poste tunisienne

La pandémie du COVID-19 a renforcé la demande des services et moyens de paiements électroniques, adaptés au contexte de confinement et aide à la distanciation corporelle. Le contexte de crise sanitaire a créé de nouveaux besoins et a redistribué les cartes des nouvelles opportunités d'investissement. L'adaptation du cadre réglementaire coïncide avec l'orientation nationale de decashing et d'inclusion financière

L'éternelle prépondérance du cash

Le paiement en espèces reste très répandu en Tunisie et la culture du " cash " est ancrée dans les habitudes. Même si le cash est souvent lié à un problème de sécurité (vol, perte) ou de gestion de la petite monnaie, l'usage exclusif du cash pour les transactions financières dans la vie quotidienne est dominant au sein de toutes les catégories socio-démographiques.

Selon les résultats de l'Enquête Nationale sur l'Inclusion Financière (étude réalisée en 2018 par Altai Consulting), 69% des tunisiens effectuent en totalité leurs transactions en cash (ce taux descend à 67% dans le milieu urbain et à 50% chez les hauts revenus).

Monétique et e-commerce

En dehors du cash, l'activité des paiements est assurée par les systèmes de paiement qui englobent la Compensation Electronique, la Compensation Manuelle (dérisoire), la Monétique et les Virements de Gros Montants. Si on exclut les virements de gros montants (SGMT) dont l'essentiel est réalisé dans le cadre de la politique monétaire, les paiements par compensation électronique des instruments de la monnaie scripturale (Chèque, virements, prélèvement et lettre de change) représentent en 2019 (RA 2019 de la BCT) 178 milliards de dinars (+9,7% par rapport à 2018), alors que la monétique (retraits et paiements), représentent en 2019 un montant de 14,36 milliards de dinars, dont 2,26 millions de dinars des opérations de paiements.

Les principaux indicateurs de l'activité monétique au cours de l'année 2019 dévoilent une poursuite de leur évolution à un rythme soutenu mettant en évidence l'émergence d'une nouvelle culture en faveur des moyens de paiement modernes. A fin 2019, on décompte 5,50 millions de cartes bancaires, 28.933 cartes technologiques et 43.336 cartes allocations touristiques (RA BCT 2019).

L'analyse comportementale des opérations monétiques effectuées en Tunisie au cours de l'année 2019 fait confirmer encore la préférence des porteurs de cartes d'effectuer des retraits en espèces à partir des GAB et DAB plutôt que d'opérer des paiements digitaux. En effet 3/4 des opérations monétiques et 84% de leur montant revêtent le caractère de retrait. 

Dans tous les cas, le rythme des volumes effectuées par cartes bancaires évolue rapidement que les instruments classiques de la monnaie scripturale, enregistrant une croissance de 20,6%. Le nombre de cartes bancaires (locales) est en continuelle évolution : +27% en 2018 et +19% en 2019, atteignant 5,5 millions de cartes à fin 2019. Par ailleurs, les paiements en ligne se limite actuellement (2019) à seulement 271,1 millions de dinars (+26% par rapport à 2018).   

Le nombre des sites web spécialisés dans les services et le commerce électronique a atteint en 2019 près de 1 864 sites adhérant aux systèmes de paiement électronique de la Société Monétique Tunisie (SMT) et au système de la poste tunisienne " dinar électronique ". En 2018, le nombre était de 1.657. Cette forte croissance reflète un grand choix d'offres dans tous les secteurs d'activité et la forte ébullition qui commence à gagner l'écosystème digital en Tunisie : services de télécommunication, informatique, jeux, paiement de factures (électricité – eau), transport aérien, maritime et terrestre, santé, billetterie en ligne, voyage, immobilier, vêtements et textile, hôtellerie, banque-assurance

La présence d'acteurs nationaux et internationaux (tels que Mytek, Jumia, Founa etc) témoigne du potentiel du e-commerce tunisien et renforce l'image, la crédibilité et l'attractivité du marché tunisien vis-à-vis du consommateur tunisien et étranger.

Inclusion financière

Un tiers des Tunisiens possède un compte bancaire. En incluant la Poste, les IMF et les assurances, ce sont 61% des Tunisiens qui sont clients d'une institution financière formelle. Le niveau d'éducation joue un rôle très important dans le fait d'être client ou non d'une institution formelle. 84% de personnes ayant un niveau d'éducation élevé sont des clients des institutions financières formelles contre seulement 44% ayant un niveau d'éducation faible.

Seuls 17% des Tunisiens utilisent au moins une fois par mois un moyen de paiement se substituant au cash, majoritairement des cartes bancaires. Seuls 9% des Tunisiens sont clients actifs des institutions financières formelles, c'est-à-dire enregistrent au moins 3 transactions par mois sur leur compte-client. 91% des individus réalisent moins de trois transactions par mois sur les comptes qu'ils possèdent auprès des institutions financières formelles.

La majorité des Tunisiens considèrent que les services financiers sont chers et inadaptés à leurs besoins et seuls 53% des Tunisiens ont confiance dans les institutions financières formelles. En résumé quatre contraintes empêchent une bonne partie des tunisiens à ouvrir un compte :

  • Ne disposant pas de revenus suffisant pour l'ouverture d'un compte bancaire ;
  • Les tarifs bancaires sont trop élevés ;
  • Ne disposants pas de justificatifs nécessaires à l'ouverture d'un compte ;
  • La non-proximité des agences bancaires.

Les établissements de paiement et la monnaie électronique, vecteur de l'inclusion financière et la digitalisation des paiements

L'inclusion financière est devenue un pilier de développement incontournable et un enjeu de taille pour que les économies fonctionnent d'une façon plus flexible. Le constat majeur de l'observation des systèmes financiers actuels fait état d'un taux d'inclusion financière disproportionné des individus et des micro-entreprises pour diverses raisons (revenus, coûts des services, éloignement, barrières culturelles etc.) ce qui les empêchent d'accéder dans des conditions de coûts optimales à des produits et services financiers adaptés à leurs caractéristiques et besoins dont le financement, l'épargne, les moyens de paiement et l'assurance.

La popularisation de l'internet et l'accès plus faciles aux smartphones favorisent la proximité, la mobilité, l'instantanéité des opérations, la sécurité et l'innovation…tout cela offre un terrain propice à la digitalisation des paiements.

C'est dans ce cadre et dans l'objectif de promouvoir un environnement légal approprié au développement des paiements digitaux,  et favorable à la réduction du cash et à l'inclusion financière, qu'a été promulgué les textes législatifs régissant l'activité et le fonctionnement des établissements de paiement en décembre 2018 et tout récemment l'adaptation du cadre règlementaire régissant le paiement digital avec la publication de la Circulaire de la Banque Centrale de Tunisie du 18 mai 2020 fixant les conditions de fourniture des services de paiement mobile domestique, du Switch mobile et la mise en œuvre de l'interopérabilité pour la technologie de paiement mobile.

L'orientation de la Tunisie dans la direction des technologies des moyens de paiements sera bien épanouie dans une infrastructure riche en compétences et savoir-faire du capital humain tunisien et d'un environnement florissant de structure de fintech et de start up. La monnaie électronique fait son éclat partout dans le monde. Dans un article publié en juin 2018 sur le site du FMI, le gouverneur de la plus ancienne banque centrale du monde (Suède) évoque que son pays à la monnaie électronique. Il déclare que la demande de liquidité a diminué de plus de moitié pendant la dernière décennie, au profit de la carte bancaire ou de Swish, une application qui permet des règlements en temps réel entre particuliers. Plus de la moitié des succursales bancaires ne manipulent plus d'espèces.

En Tunisie, la diffusion en masse du data mobile (en nombre et en taux de pénétration) offre une infrastructure de soutien favorable à la digitalisation des paiements et à l'inclusion financière. Ceci à contribuer à l'émergence des solutions de paiements digitalisées portant principalement sur les services de transferts d'argent, paiements à distances, recharges téléphoniques, inscription à distance, paiements commerçants, émission et encaissements de mandat. Ces solutions ont été promu sous différentes marques dont Mobilflous (2012), Mobicash (2016), Run Pay (2017), Amen Pay 2019, Sobflous (2013 plateformes de paiement en ligne et 2016 applications Mobile).

La majorité de ces solutions affichent des lacunes notamment en matière de faible niveau d'interopérabilité, Utilisation du protocole USSD, de degré de garantit des fonds, du statut de l'établissement. Les promoteurs de ces solutions devront désormais s'organiser dans des structures formelles d'établissement de paiement surtout que le cadre légal a été finalisé avec la publication par la BCT de la circulaire N° 2018 -61 du 31 décembre 2018 portant sur les Règles régissant l'activité et le fonctionnement des établissements de paiement et tout récemment la Circulaire de la BCT N°2020-11 du 18 mai 2020 portant sur les Conditions de fourniture des services de paiement mobile domestique.

Il faut dire que la poste tunisienne est avant-gardiste dans ce créneau. En 2019 la poste lance l'application mobile gratuite dénommée D17 (DIGI POST BANK) lié à un compte e-Dinar et offrant les services valables uniquement en Tunisie de :

  • Gestion du compte e Dinar (consultation du solde, historique, renouvellement, blocage, ...) ;
  • Envoyer et Recevoir de l'argent ;
  • Payer des factures (Electricité, Eau, Opérateur Téléphonique, Internet, autres) ;
  • Payer des commerçants ;
  • Encaisser des mandats internes (mandats minute, mandat organisme...) et internationales ;
  • Rembourser une échéance d'une IMF ;
  • Emettre un mandat minute.

Dans le secteur de l'administration, de nombreuses initiatives ont été déjà initiées par des organismes publics qui ne manqueront pas de servir de locomotive vers l'expansion de paiements digitaux, la réduction du cash et l'inclusion financière, à l'image de la possibilité d'inscription en ligne depuis octobre 2018, des élèves dans les écoles (via Mobile et via Site internet). Cette initiative s'inscrit dans le sillage de la mise en œuvre de la stratégie de l'Economie Numérique tunisienne. De son côté, le ministère des Finances a donné depuis mai 2019, la possibilité de payer les amendes routières, constatées par radar automatique, à distance à travers internet ou le téléphone portable.

Durant la période du confinement, une plate-forme nationale interopérable de mobile paiement a été mise en place en un temps record afin de faciliter le versement des aides sociales en dotant les bénéficiaires de portemonnaies digitaux pour recevoir ces aides.

Aussi, depuis juin 2020, les personnes qui préréservent un rendez-vous sur le site électronique de l'Agence Technique des Transports Terrestres (ATTT) pour passer la visite technique périodique de leurs véhicules peuvent désormais payer à distance via les cartes électroniques de la Poste Tunisienne.

Publié le 01/12/20 19:20

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