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Mohsen Ben Amor : Il faut laisser le secteur de la plaisance prendre son envol

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La Tunisie a longtemps été convoitée pour son positionnement stratégique au bassin de la méditerranée et son vent favorable à la navigation. Dotée de 1.300 km de côtes et de 7 ports de plaisance elle a tout pour devenir la plaque tournante pour les plaisanciers. Mais ce secteur, mal réglementé et souffrant d'innombrables freins, tarde à prendre son envol. Il attire les fiscalistes comme des vautours autour de leurs proies. Entre pression fiscale, surtaxation, paperasses et protocoles incalculables… Mohsen Ben Amor, entrepreneur plaisancier et PDG de la Holding Universal Marine Business (UMB), se confie et donne ses solutions à une branche qui pourrait rapporter gros. Interview.

Mohsen Ben Amor a progressivement investi dans le secteur de l'industrie nautique et s'est spécialisé dans la construction de bateaux de plaisance et la vente de l'accastillage et les équipements pour plaisanciers et les professionnels. Une aventure humaine qui a contribué à dynamiser l'industrie nautique et le tourisme de luxe en Tunisie. Il se définit avant tout comme un " un fils de la mer " de par ses origines côtières et de par sa passion pour la navigation. C'est son père, Zine Ben Amor, avocat et entrepreneur avant-gardiste, qui lui a transmis l'amour de la plaisance.

Que des bâtons dans les roues

Il va sans dire que son entreprise de construction navale est bien positionnée. " On a clôturé l'année nautique de 2019 avec 102 bateaux vendus dont 12% ont été destinés à l'exportation et ce depuis la création de Tesys fin 2013 ",  a-t-il affirmé. Cette faiblesse du taux d'exportation est expliquée par sa stratégie de privilégier le marché tunisien pour donner plus de réputation à ses produits.

Pour lui, un produit réputé, confirmé, certifié et qui a fait ses preuves, s'exporte facilement. Le chiffre d'affaires ne s'en plaint pas. " On est à 4 millions de dinars de chiffre d'affaires pour cette année puisqu'on travaille sur les grands bateaux, la gamme océanique ", a-t-il expliqué. 

Il signe et persiste : " La stratégie d'exportation est lancée accompagnée par un rebranding de nos marques et une identité internationale. Nous avons pris comme cible le bassin méditerranéen et nous avons pu référencer nos produits chez des concessionnaires européens. Mais il y a un manque de confiance vis-à-vis du système et de la logistique. De ce fait, on a voulu lancer une filiale à Marseille à travers laquelle on pourrait collecter les commandes et assurer la logistique et la distribution ", explique le PDG d'Universal Marine Business. Cette filiale sera opérationnelle d'ici fin de l'année.

Le problème, selon lui, est le manque d'égard de l'Etat envers le secteur et la surtaxation, à savoir les droits de consommation et les droits de douane. A cela s'ajoute le glissement du dinar. A en croire ses dires, le prix d'un bateau qui était à 380 mille dinars en 2016 est passé à 520 mille dinars en 2018. Et ce n'est pas l'infrastructure portuaire qui viendra compenser et sauver la mise… L'exportation est donc une nécessité.  

Néanmoins, des leviers facilitateurs existent pour ce secteur. Il en cite le CEPEX à travers son fonds Tasdir +. Implantée dans la zone de développement régional de JBEL OUEST, la société a su créer une infrastructure industrielle capable de ressortir des produits certifiés et très compétitifs en termes de prix. Une usine munie d'équipements de pointe couvrant une surface de 4.000 m² et pouvant générer des emplois pour cette zone défavorisée. " Nous avons instauré un bureau d'études au sein du groupe avec du personnel confirmé afin de réaliser une montée en compétences de nos employés et garantir l'amélioration en continu de nos produits et nos process de productions ".

Aucun encouragement de la part de l'Etat !

Même à l'export, le problème du financement pointe le bout de son nez. Un secteur perçu comme un secteur de luxe et de bourgeoisie n'est pas susceptible d'attirer assez de financements. " Les banques connaissent mal le secteur et le classent à risque alors qu'il est à forte valeur ajoutée, et on n'a aucun encouragement de la part de l'Etat ", affirme Mohsen Ben Amor qui se demande pourquoi la Société Tunisienne de Garantie (SOTUGAR) ne se porte pas garante pour le secteur de plaisance. Le PDG dénonce même d'excessives formalités administratives qui ne permettent point de travailler convenablement quitte à faire fleurir l'affaire.

Question charges de personnel, la société rame et se plaint de leur poids sur la rentabilité. " Ces charges émanent majoritairement des charges sociales puisque le secteur est très désavantagé étant donné que l'Etat le perçoit comme pour les riches ". Il est à signaler que l'entreprise assure le transport de 80 travailleurs de l'usine qui pourront atteindre 250 pour la fabrication de 400 bateaux par an.

Entre une paperasse infinie et une absence d'un cadre légal, le secteur de plaisance se retrouve livré à lui-même sans facilitations, sans avantages ni encouragements. " Nous sommes bloqués sur ce terrain et nous ne pouvons pas passer en offshore puisque nous serons soumis à d'autres mesures bien plus contraignantes qui auraient pour effet de dissuader certains industriels d'opérer sur le territoire. En bref, la réglementation est contre nous et malgré ça on a pu s'installer et bien se positionner ", souligne Mohsen Ben Amor. 

Il ajoute que même les autorités maritimes leur barre le chemin sous peur de faire émigrer des citoyens illégalement et à instaurer un système d'enquête pour chaque formalités d'immatriculations nouvelles ou de mutations. " En Tunisie, notre secteur n'est pas innocent mais coupable jusqu'à preuve du contraire ", regrette-t-il. A ses dire, la plaisance et la construction navale sont draineuses de richesses pour l'Etat en termes d'emplois et d'impôts.

Les solutions sont là 

" On peut opter pour un système de vignettes à l'instar de la règlementation française, ni droits ni taxes ni rien. Je leur ai proposé un projet dans lequel on calcule le montant de la vignette selon la longueur du bateau et la puissance du moteur, tout comme pour les voitures ", soutient le PDG. " Ils bloquent avec des taxes et des droits un marché qui ne rapporte plus rien et ceci mène à la fraude. Les autorités bloquent un grand levier, à savoir le leasing au profit des particuliers, qui permettra de booster les ventes et donner une autre dimension au marché ", s'indigne M. Ben Amor.

La plaisance peut s'avérer être une mine d'or en Tunisie. Les ports sont abandonnés à leur sort et Mohsen Ben Amor cite celui de Sidi Bousaid et la Marina de Gammarth qui peuvent rapporter des sommes plus que généreuses. " La côte d'azur en France a connu un essor grâce à cette activité, pourquoi ne pas l'essayer en Tunisie ? ", a-t-il ajouté.

Selon lui, ce secteur doit être démocratisé. Car il est susceptible de créer des emplois et d'être à l'origine de l'essor des zones côtières. " On peut même pratiquer le même système de RS en Tunisie pour les bateaux. Les ports peuvent employer 350 et 400 personnes au minimum en emplois directs et indirects ", a-t-il déclaré.

Et si le financement est présent, les ressources n'en seront que plus abondantes. C'est à l'Etat qu'incombe le devoir de pousser vers l'avant un secteur tant prometteur…

Propos recueillis par Omar El Oudi

Publié le 05/11/19 14:39

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