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L’Etat risque d’activer ses garanties de 18 milliards de dinars sur les engagements des entreprises publiques

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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Par Moez HADIDANE

Dans son rapport du 17 avril 2020, l'agence de notation Moody's, considère que les réformes tardives des entreprises publiques dotées d'une garantie gouvernementale et représentant environ 16% du PIB, risquent de voir les engagements conditionnels se matérialiser dans le bilan de l'État. Par ailleurs, une éventuelle sortie de la Tunisie sur les marchés financiers sera assujettie d'un taux de rémunération d'au moins 9%.

18 milliards de dinars (62% des recettes fiscales 2019 de l'Etat) est le montant que l'Etat risque de débourser au titre des cautions qu'elle a accordé aux entreprises publiques pour la garantie de leur engagements financiers auprès des bailleurs de fonds. Un éventuel recours des créanciers à la garantie de l'Etat coûtera en moyenne, pour chaque tunisien, 1.500 dinars (3,7 fois le SMIG), afin que les entreprises publiques puissent continuer à survivre et continuer (pour la majorité) à perdre de l'argent.

Le rapport de Moody's expose les risques de l'impact de la pandémie du Covid-19 sur les équilibres macro-économiques de la Tunisie, les risques d'accès au financement extérieur, les retombées de la crise sur le secteur du tourisme et les menaces sur le climat social.

En attendant de voir la capacité du gouvernement tunisien durant les trois prochains mois, à s'ajuster et gérer le choc économique sans précédent, l'agence Moody's place la notation souveraine actuelle de la Tunisie ''B2'' (B : Speculative and are subject to high credit risk) sous revue à la baisse.

Selon l'agence, la décision de revoir les notes de la Tunisie pour révision à la baisse reflète le resserrement aigu des conditions d'accès au financement extérieur, exacerbée par l'affaiblissement des perspectives de croissance économique à court terme, la détérioration de la situation budgétaire et la fragilité de la position extérieure.

La propagation rapide et grandissante de l'épidémie de coronavirus, la détérioration des perspectives économiques mondiales, la chute des prix du pétrole et la baisse des prix des actifs créent un choc de crédit sévère et étendu dans de nombreux secteurs, régions et marchés. Les effets de crédits combinés de ces développements sont sans précédent.

Pour la Tunisie, le choc se transmet principalement par des primes de risque plus larges, une baisse des recettes touristiques et un net ralentissement de la croissance du PIB qui auront pour conséquence, le tarissement de la liquidité, la détérioration de la position extérieure et l'alourdissement de son endettement.

Risques de financement accrus

Des spreads de crédit élevés augmentent les risques de financement pour la Tunisie et ce, compte tenu des besoins de financement importants du gouvernement au cours des prochaines années et à la lumière d'un coussin de réserves de change limité.

Avec une structure de dépenses budgétaires rigide et des conditions sociales difficiles, la marge de manœuvre pour adopter un ajustement de grande ampleur visant à réduire le déficit de financement budgétaire et extérieur, est fortement restreinte.

Selon l'agence américaine, les rendements actuariels des instruments de dette de la Tunisie en circulation ont atteint plus de 900 points de base contre environ 500 pb en février 2020, lorsque Moody's a fait passer les perspectives de la notation ‘'B2'' de négatives à stables, indiquant un accès restreint au marché à ce stade. Par rapport à ses pairs, l'exposition immédiate de la Tunisie au risque de refinancement est relativement élevée, les échéances obligataires internationales du gouvernement dues cette année s'élevant à 10% des réserves. Ces besoins de financement se poursuivent au cours des prochaines années avec une faible capacité d'accumuler des réserves.

Le gouvernement s'appuie, dans une large mesure, sur des sources de financement extérieures multilatérales pour répondre à ses besoins de financement bruts à environ 10 à 15% du PIB. Alors que les négociations pour un programme de suivi du FMI sont en cours après l'annulation du reliquat de la précédente facilité élargie de quatre ans qui a commencé en mai 2016, le gouvernement a obtenu un décaissement de 745 millions de dollars au titre de l'instrument de financement rapide (RFI) du FMI et un prêt de 280 millions de dollars de la Banque Islamique de Développement pour faire face aux dépenses supplémentaires de son programme de réponse au coronavirus.

Cependant, des déficits budgétaire et courant, plus importants que prévu en raison de l'insuffisance marquée des recettes publiques, risquent d'augmenter les besoins de financement au-delà de ce qui a été assuré jusqu'à présent à un moment où les options de financement se font plus rares.

La période d'examen de Moody's tiendra compte des avancements de la Tunisie dans la négociation d'un nouveau programme de financement du FMI qui pourrait fournir un appui aux besoins de financement immédiats.

Le choc coronavirus pousse la dette vers 80% du PIB

Le programme gouvernemental de réponse aux coronavirus d'environ 1 milliard de dollars (2,7% du PIB estimé pour 2020) combiné à un manque à gagner, fait passer le déficit budgétaire prévu par Moody's à plus de 5% du PIB en 2020 contre 3,5% en 2019 et contre 3% prévu précédemment par Moody's en Février 2020.

Combiné à un ralentissement de la croissance du PIB nominal, le taux d'endettement augmentera pour atteindre 80% du PIB contre une stabilisation à moins de 75% prévu par l'agence en Février 2020. La trajectoire de la dette dépendra fortement de l'évolution des taux de change à un moment où la pression sur les devises des marchés émergents augmente. Jusqu'à présent, Moody's suppose une stabilité du dinar tunisien.

Parmi les mesures annoncées, le gouvernement augmentera les dépenses de santé, renforcera les appuis de sécurité sociale et soutiendra les petites et moyennes entreprises via des allègements fiscaux et des bonifications d'intérêts, le tout pesant sur le déficit budgétaire.

 

" L'agence évalue que les réformes tardives des entreprises publiques dotées d'une garantie gouvernementale et représentant environ 16% du PIB ajoutent au risque de voir les engagements conditionnels se matérialiser dans le bilan de l'État. "

 

De plus, le Chef du Gouvernement a ordonné un verrouillage général jusqu'au 3 mai, limitant la libre circulation des citoyens dans un effort pour freiner la propagation du coronavirus, qui pèsera sur l'activité économique et les recettes publiques, aggravant encore le déficit budgétaire et le fardeau de la dette.

Conséquence de la crise du tourisme sur les perspectives de croissance, les comptes extérieurs et les risques sociaux

L'industrie du tourisme en Tunisie contribue à environ 10% du PIB et représente une part similaire de l'emploi. La restauration de l'industrie touristique au cours des cinq dernières années a été essentielle pour créer de nouveaux emplois, stimuler l'activité de services et générer des réserves de change. Un effondrement prolongé, pèserait, non seulement, sur les perspectives de croissance de la Tunisie, mais risquerait de compromettre la stabilité sociale compte tenu de la faiblesse persistante de l'emploi.

Le secteur du tourisme peut prendre plus de temps que les autres secteurs de l'économie pour se remettre du choc des coronavirus, ce qui limite davantage les perspectives d'emploi et réduit, un contributeur clé, à la génération de devises.

Considérations sociales et de gouvernance

Les considérations sociales sont importantes pour le profil de crédit de la Tunisie. Ces dernières années, les tensions sociales se sont accrues en réponse aux ajustements budgétaires opérés dans le cadre du programme actuel avec le FMI et en réponse à une croissance atone et un chômage persistant. La menace de troubles sociaux peut affecter la capacité du gouvernement à mettre en œuvre les réformes nécessaires. Moody's considère l'épidémie de coronavirus comme un risque social, étant donné les implications importantes pour la santé et la sécurité publiques.

Les considérations de gouvernance sont importantes pour le profil de crédit de la Tunisie et ont trait à la capacité avérée de l'administration de fonctionner même en période de troubles sociaux. L'orientation vers la gouvernance consensuelle du pays a contribué à assurer la réussite de la transition démocratique avec toutes les parties prenantes, mais elle peut ralentir le processus de prise de décision politique.

Facteurs qui pourraient résulter en confirmation de la note actuelle

La note serait probablement confirmée au niveau ''B2'' actuel si l'examen concluait avec suffisamment de confiance que le choc de coronavirus ne modifiera pas sensiblement la trajectoire de la dette de la Tunisie et/ou n'érodera pas le matelas des réserves de change récemment restauré. De même, une confiance élevée dans la capacité de la Tunisie à obtenir des financements pour faire face à ses futurs paiements au titre du service de la dette dans les prochaines années à des coûts abordables pourrait également soutenir la confirmation de la notation au niveau actuel.

Facteurs pouvant mener à un downgrade

À l'inverse, une dégradation serait probable, s'il y avait des retards dans les décaissements des financements ou une augmentation marquée du coût des emprunts extérieurs, ou une détérioration beaucoup plus grave des paramètres budgétaires et de la dette.

La preuve que le choc de coronavirus réduirait la croissance potentielle, exacerbant ainsi les tensions sociales et diminuant les perspectives d'assainissement budgétaire, pourrait également entraîner une dégradation de la note.

Publié le 20/04/20 10:39

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