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"Nouvelles technologies, croissance économique et gouvernance" tel est le thème principal de la 3ème session plénière du forum de l'Association des économistes Tunisiens (ASECTU) qui s'est tenue du 6 au 8 juin à Hammamet.
Le Forum est soutenu par le projet Savoirs éco, un programme d'appui aux structures productrices de savoir économique en Tunisie mis en œuvre par Expertise France et financé par l'Union européenne.
La pandémie de Covid-19 a agité les fondements de nos sociétés et de nos économies, mettant en avant les failles du système capitaliste, avec des répercussions variées d'un pays à l'autre. Aux États-Unis, elle a révélé les limites du modèle social américain, tandis qu'en Europe, notamment en France, elle a mis en évidence un manque d'innovation. En Chine, elle a exposé les vulnérabilités d'un système politique excessivement autoritaire.
Face à ce constat, émerge la question de la conception d'un capitalisme à la fois innovant et inclusif, ainsi que de la manière de maîtriser la force de la destruction créatrice pour garantir une prospérité équitable et pérenne.
Dans ce contexte, le début de la plénière a été marqué par une intervention en ligne de Philippe Aghion, professeur au Collège de France, présentant son dernier ouvrage, "Le Pouvoir de la destruction créatrice". Il a exploré l'importance de l'État et de la société civile dans l'orientation de l'innovation des entreprises vers une société plus égalitaire et plus consciente des défis environnementaux posés par le changement climatique.
Ce livre incite le lecteur à revisiter l'histoire et les mystères de la croissance à travers le prisme de la destruction créatrice, remettant en question de nombreuses idées préconçues. Il explore pourquoi les révolutions technologiques et l'automatisation génèrent plus d'emplois qu'elles n'en détruisent, pourquoi la concurrence et la politique industrielle ne sont pas mutuellement exclusives, et pourquoi l'impôt n'est pas le seul moyen de rendre la croissance plus équitable.
La cohésion visuelle
“Who is the Enemy?” C'est autour de cette question qu'Elias Khalil, du Qatar Institute for Graduate Studies, a abordé le thème de la corruption et du conflit des visions, de la corruption et du développement économique, en prenant comme exemples la Zambie et le Botswana.
Il a expliqué : “Ma thèse est simple : examinons l'ennemi. Observons la classe politique de chaque pays et voyons s'il existe un consensus sur qui est cet ennemi. Par exemple, au Botswana, la Grande-Bretagne est perçue comme une alliée dans tous les segments de la société. En revanche, au Zimbabwe, qui a souffert de l'apartheid, la relation avec la Grande-Bretagne est plus complexe, avec Mugabe menant régulièrement des campagnes contre elle, critiquant notamment son incapacité à réinstaller les colons blancs lorsqu'il est arrivé au pouvoir en 1980 ou 1981”.
Il a ensuite ajouté : “C'est là où intervient mon hypothèse, que j'appelle la cohésion visuelle. L'incapacité de la classe politique à définir clairement qui est ami et qui est ennemi renforce la corruption, qui mine le développement économique. Cette hypothèse propose une alternative à celle d'Ashimoglu, dont l'article explique pourquoi le sous-développement persiste dans les pays proches de l'équateur.”
“Avec mon hypothèse, et je tiens à préciser que cet article n'est pas conçu comme un test politique mais plutôt comme une proposition hypothétique, je soutiens que ces pays avaient des institutions extractives. Cependant, la classe politique, bien qu'elle ait réussi, était profondément perturbée et indignée par l'exploitation britannique. Par conséquent, elle n'a jamais réussi à s'unir pour entreprendre des changements réels au niveau des institutions. Il ne s'agit pas tant de la persistance des institutions que de l'attitude de la classe politique. Je pense que cette hypothèse pourrait expliquer pourquoi même les pays éloignés de l'équateur, ayant subi de graves formes d'exploitation de la part des colons européens, pourraient connaître des situations similaires”, a-t-il précisé.
Quel rôle jouent les institutions dans le développement économique ?
La qualité des institutions constitue un facteur déterminant pour le développement économique d'un pays. Les institutions, telles que les réglementations, les lois, les politiques gouvernementales et les systèmes juridiques, jouent un rôle essentiel dans la création d'un environnement favorable à la croissance économique.
Pour Ali Ayadi, directeur du Centre International pour l'Entreprise Privée (CIPE) en Tunisie, favoriser la croissance économique passe par la création de règles du jeu équitables pour tous les acteurs économiques, et non seulement pour les grandes entreprises.
"Permettez-moi de commencer par souligner l'importance des institutions dans le développement économique. Les économies ne peuvent prospérer et innover que si elles reposent sur des institutions solides. Il est donc essentiel d'avoir certains ingrédients, ou ce que nous pourrions appeler des conditions préalables, pour favoriser la croissance économique.
Prenons, par exemple, le problème de l'informalité. Dans n'importe quel pays, même aux États-Unis, le pourcentage d'emplois dans les petites entreprises est souvent plus important que celui des grandes entreprises. Ainsi, pour bâtir une économie robuste, il est impératif de créer des institutions qui garantissent des règles du jeu équitables pour tous, et non seulement pour les grandes entreprises", a-t-il expliqué.
Il a dans ce sens ajouté : "Les pays confrontés à un niveau élevé d'informalité témoignent du dysfonctionnement de leurs institutions et de leur gouvernance. En effet, lorsque les règles et réglementations sont trop contraignantes pour les petites entreprises et les PME, ces dernières sont contraintes de rester dans le secteur informel.
Dans mes interventions lors de panels ou d'émissions médiatiques, j'entends souvent des discussions sur la nécessité d'éradiquer l'informalité. Cependant, je souligne toujours que si nous réussissons à le faire, nous risquons de supprimer une part importante des emplois dans l'économie".
Au final, il a souligné : "La solution à l'informalité réside dans la création d'un cadre institutionnel propice. Il est essentiel de mettre en place des règles du jeu équitables, des lois et des réglementations adaptées pour favoriser un environnement favorable aux entreprises. Dans des pays comme la Tunisie, cela implique de créer un environnement où les entreprises peuvent non seulement être compétitives sur le marché national, mais aussi à l'échelle internationale. Ainsi, elles pourront contribuer à la création de richesse nationale, générer des emplois et ouvrir de nouvelles opportunités économiques".
Jihen MKEHLI
Publié le 11/06/24 10:15
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