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Face à l'inflation galopante, la BCT doit-elle relever son taux directeur ?

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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Par Moez Hadidane

Tera Finances

Avec l'accélération du rythme de croissance de l'inflation, il est fort attendu que la BCT relève très prochainement son taux directeur. Toutefois, un resserrement de la politique monétaire visant à faire rapidement refluer l'inflation risquerait de plomber l'économie déjà en berne.

L'Institut Nationale de la Statistique (INS) a publié le 6 avril 2022 les indices de prix à la consommation arrêtés au mois de mars 2022, sachant que l'indice du mois de février n'a pas été publié mais l'Institut a procédé à une estimation en faisant recours aux prix collectés durant la période de référence par les agents non-grévistes et complétés par une collecte rétrospective effectuée lors des passages dans les points de vente en mars.

Il en ressort qu'au mois de mars 2022, l'inflation a confirmé sa tendance haussière en augmentant en glissement annuel à 7,2% après 7% en février et 6,7% en janvier. Cette progression est expliquée essentiellement par l'accélération du rythme des hausses des prix des boissons alcoolisées et tabac (21% contre 19,4% en février) ainsi que des prix du groupe des articles d'habillement et des chaussures (9,8% contre 8,9%) et des prix du groupe des meubles, articles de ménage et entretien courant du foyer (6,1% contre 5,7%).

À l'exception de la fameuse période allant de mars 2018 à décembre 2018, c'est le taux d'inflation le plus élevé depuis 1992. Coïncidence ou pas, au mois de mars 2018, le taux d'inflation est monté à 7,2% avant de poursuivre son ascension pour atteindre 7,7% au mois de juin 2018 soit le taux le plus élevé depuis 1988.

Ce scénario devrait se reproduire mais dans des proportions plus élevées. D'abord, tout comme le mois de mars 2018, lorsque le volume de refinancement des banques par la BCT a atteint un record de 16,9 milliards de dinars (le 7 mars 2018), des signes de pressions sur la demande de liquidité de la banque centrale commencent à se font ressentir.

Récemment et en l'espace de quelques jours, le volume de refinancement est passé de 9,6 milliards de dinars le 22 mars 2022 à 11,4 milliards le 4 avril 2022, soit un accroissement de plus de 1,7 milliard de dinars, dont 1 milliard suite à l'achat ferme par la BCT le 30 mars 2022 de BTC (Bons de Trésor de Court terme) dans le cadre de l'instrument Open market.

Deuxième facteur catalyseur de l'inflation dans les mois à venir, la hausse des prix des matières premières sur le marché international, en particulier le pétrole et les céréales qui ont augmenté depuis le début de l'année respectivement de 39,1% et 33,8%.

Les prix du pétrole et du gaz devraient rester élevés, alors que ceux des produits alimentaires pourraient encore monter. La hausse des prix de l'énergie ne s'est que partiellement transmise aux coûts des facteurs de production. D'ailleurs, le taux d'inflation hors énergie se limite encore à 7,3% au mois de mars 2022.

L'inflation sous jacente mesurée par la hausse des prix hors énergie et hors alimentation se limite à son tour à 6,8%. Au fur et à mesure de la transmission du prix de ces matières sur le coût des biens de consommation, l'inflation continuera à monter d'ici fin 2022 et dépassera certainement les 10%.

La mission de la BCT est de préserver la stabilité des prix et de lutter contre l'inflation, surtout lorsque les taux d'intérêts réels deviennent négatifs. Ce taux est actuellement de -0,9%. La BCT est amenée à priori à relever son taux directeur qui est à ce stade de 6,25%.

Actuellement, le taux de croissance potentiel de l'économie tunisienne reste très faible autour de 2%. L'impact négatif de la guerre en Ukraine pourrait freiner davantage la croissance. Mais un resserrement de la politique monétaire n'affecterait pas directement les prix de l'énergie et des produits alimentaires qui, eux, sont influencés par des facteurs mondiaux et désormais par la guerre en Ukraine.

La BCT se trouve ainsi dans une impasse : freiner la demande intérieure pour faire baisser l'inflation signifierait de réduire considérablement l'activité réelle et l'emploi. Il est plus judicieux que la BCT ne devrait agir que si la hausse des prix risque de faire amplifier les anticipations d'inflation.

Il appartient plutôt au gouvernement d'atténuer l'impact de la crise par le biais des subventions et des réductions de la fiscalité au prix du creusement temporaire du déficit budgétaire. Mais faute de ressources de financement, l'État, lui-même, se trouve dans le gouffre.

Ceci est l'aboutissement d'une économie qui ne crée pas de richesses depuis une décennie, mais dominée par des légitimes sangsues dont la dynamique se manifeste à revendiquer et suçoter la richesse créée par autrui.

Publié le 07/04/22 10:23

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