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Comme chaque année, à l'occasion de la Journée mondiale sans tabac, la plateforme spécialisée Med.tn a organisé, mercredi 28 mai 2025, une table ronde pour ouvrir le débat sur les vraies conséquences du tabagisme.
Sous le thème " Distinguer le vrai du faux ", l'événement a réuni médecins, spécialistes et journalistes autour d'une question urgente : pourquoi, malgré les chiffres alarmants, la lutte contre le tabac reste encore si fragile en Tunisie ?
Le tabac tue, c'est un fait. Mais beaucoup ignorent encore à quel point. Manque d'accès à l'information, banalisation du geste, absence de suivi médical… autant de freins à la prise de conscience.
Les échanges ont aussi porté sur les pistes concrètes pour aider ceux qui veulent arrêter : accompagnement psychologique, sevrage progressif, rôle des proches… Le but c'est briser le silence, parler vrai, et rappeler que l'arrêt du tabac n'est pas qu'une affaire de volonté, mais aussi de soutien et d'accès aux bons outils.
Rencontrée sur place, Emna Jellouli, cofondatrice de la plateforme médicale Med.tn, nous explique que cette table ronde s'inscrit dans une stratégie continue de sensibilisation. " C'est un rendez-vous qu'on organise chaque année depuis maintenant quatre ans ", précise-t-elle.
Cette édition a été pensée en réponse directe aux nombreuses questions posées par les utilisateurs de la plateforme. " On a remarqué une vraie demande autour des alternatives au tabac : patchs, gommes, cigarette électronique… Beaucoup veulent comprendre ce qui marche vraiment, ce qui est risqué ou non pour la santé.
D'où le choix du thème Le vrai du faux. L'idée, c'est d'aider les gens à y voir plus clair : pourquoi je n'arrive pas à arrêter ? Quelles sont les options qui existent ? Est-ce qu'elles sont efficaces ? Dangereuses ? Moins nocives ? On voulait remettre un peu d'ordre dans tout ça. "
Pour cela, deux spécialistes ont été invités à intervenir , un addictologue et un cardiologue. Deux regards complémentaires pour répondre aux questions les plus fréquentes. " Et surtout, ajoute-t-elle, tous ces échanges seront mis en ligne sur Med.tn pour que les patients puissent y accéder à tout moment. Parce que ce n'est pas un sujet qu'on traite une fois par an. La lutte contre le tabac, c'est un travail de fond. C'est un enjeu de santé publique, et aujourd'hui en Tunisie, on ne peut pas se permettre de le négliger. L'État ne peut pas tout faire seul. "
À cette occasion, nous avons rencontré Dr Dhaker Lahidheb, spécialiste en cardiologie, ancien professeur à la Faculté de Médecine de Tunis et à l'Hôpital militaire. Invité à intervenir lors de la table ronde, il a rappelé l'objectif principal de ce type d'initiative : aider les patients à sortir de la dépendance.
" On est là pour parler des moyens concrets d'arrêter le tabac, pour accompagner les fumeurs, pas les culpabiliser ", souligne-t-il.
Côté chiffres, le constat est alarmant. En Tunisie, entre 30 et 35 % des adultes fument, un taux particulièrement élevé par rapport aux pays voisins. " C'est en partie dû au fait qu'on a plus d'études épidémiologiques que d'autres pays de la région, mais ça reste un fléau ", affirme le médecin.
Le tabagisme féminin, bien que minoritaire, atteint lui aussi des niveaux inédits dans la région, avec près de 1,8 % des femmes concernées. Et chez les jeunes, les chiffres sont tout aussi alarmants. " Si l'on prend le nombre moyen de cigarettes consommées par personne, la Tunisie est classée 26e au niveau mondial. "
Au-delà des statistiques, Dr Lahidheb insiste sur l'urgence sanitaire. " Le tabac est lié aux maladies cardiovasculaires, respiratoires, cancéreuses... Il faut absolument multiplier les solutions. "
Mais voilà l'offre d'aide au sevrage reste limitée en Tunisie. Les patchs, les traitements de substitution, la psychothérapie ou encore l'acupuncture sont efficaces, mais peu accessibles. " Personnellement, je redirige mes patients vers des spécialistes en psychothérapie ou en acupuncture, et ça fonctionne ", dit-il.
Des alternatives encadrées pour une réduction effective des risques. Dr Lahidheb a souligné l'importance d'accompagner les fumeurs dans leur sevrage à travers des solutions diversifiées. Concernant les dispositifs comme le tabac chauffé, il a rappelé que ces produits, bien qu'ils ne soient pas anodins, sont environ 90 % moins nocifs que la cigarette traditionnelle, selon plusieurs études scientifiques.
" Ce ne sont pas des produits à mettre entre toutes les mains, mais ils peuvent représenter une option transitoire sérieuse pour les fumeurs adultes qui n'arrivent pas à arrêter par les méthodes classiques ", a-t-il expliqué.
Il a aussi cité l'exemple de la Suède, où l'usage du snus, un produit sans combustion, a permis de faire chuter le taux de tabagisme à moins de 5 %, positionnant le pays comme un modèle de société sans fumée. Le médecin insiste : " Il faut élargir l'éventail des solutions. En plus des patchs et du chewing-gum, d'autres alternatives existent et peuvent être intégrées à un parcours de sevrage personnalisé. "
Le constat reste alarmant : près de 8 millions de personnes meurent chaque année dans le monde à cause du tabac, dont plus de 1,3 million par tabagisme passif. En Tunisie, de nombreuses femmes sont exposées à ce fléau malgré elles. " Il est temps de réagir en adoptant une approche de santé publique fondée sur les faits et l'innovation ", a-t-il conclu.*
Un accompagnement global pour sortir de l'addiction
Le Dr Anas Laouini, sexologue et spécialiste en thérapies comportementales, a rappelé que le tabagisme est avant tout une dépendance psychologique qui demande un accompagnement sur mesure. Selon lui, pour réussir à arrêter, il ne suffit pas de volonté. Il faut un soutien adapté, qui aide à modifier les habitudes et à comprendre les mécanismes qui poussent à fumer.
Il a salué l'initiative de Med.tn, soulignant l'importance d'organiser régulièrement des actions de sensibilisation. Seule une démarche continue, impliquant les autorités, les éducateurs et les familles, permettra de réduire durablement le tabagisme, notamment chez les jeunes.
Le Dr Laouini a aussi évoqué des conséquences méconnues mais graves, comme les troubles sexuels liés au tabac, qui toucheraient une proportion importante de fumeurs. Ces effets négatifs vont bien au-delà de la santé physique, impactant aussi le bien-être mental et les relations personnelles.
Pour lui, la lutte contre cette addiction ne peut pas reposer uniquement sur les efforts individuels. C'est un combat qui nécessite une mobilisation collective, une coordination entre professionnels de santé et acteurs de la société, afin d'accompagner chaque fumeur dans son parcours vers l'arrêt.
Jihen Mkehli
Publié le 29/05/25 08:40
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