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L'année 2017 a connu une franche dégradation de la plupart des indicateurs macroéconomiques de la Tunisie. Malgré une légère reprise de croissance du PIB attendue autour de 2% pour 2017, relayant les 1,1 et 1,0% enregistrés respectivement en 2015 et 2016, elle reste insuffisante pour créer et partager des revenus supplémentaires ou même pour absorber un chômage figé au-dessus des 15%.
Le solde de nos échanges avec l'extérieur se dégrade d'année en année. Le déficit de la balance commerciale (INS-FOB/CAF) a atteint un record historique de 14,36 milliards de dinars rien que sur les onze premiers mois de l'année 2017, dépassant au passage l'ancien pic annuel de 13,6 milliards en 2014, et contre 12,62 milliards pour toute l'année 2016.
Le solde de la balance des marchandises (BCT-FOB/FOB) a cumulé jusqu'au mois d'octobre 2017, un déficit de 10,96 milliards de dinars. Ainsi, et en dépit d'une amélioration de 18% des recettes touristiques (10 mois 2017) à 2,43 milliards de dinars, l'agrégation des soldes positifs de la balance des services (1,05 milliard), des revenus des facteurs "travail et capital" (1,18 milliard), des transferts courants (0,44 milliard) ne couvre que 24,3% du déficit des marchandises.
En conséquence, le déficit courant a atteint, aux dix premiers mois de l'année 2017 un solde négatif de 8,3 milliards de dinars. Pour l'ensemble de l'année, le déficit courant serait à deux chiffres (plus de 10%) en pourcentage du PIB et dépassera les pics de 9,2% de 1993 et 9% de 2016.
Le creusement du déficit courant a eu des conséquences néfastes sur plusieurs niveaux :
Ceci s'est réfléchi sur la sphère monétaire par l'accroissement du volume global de refinancement des banques auprès de la BCT à un niveau de 10,962 milliards fin 2017 contre 6,711 milliards fin 2016 et 4,902 milliards fin 2015. Afin de contenir la surchauffe monétaire et combattre une inflation persistante, la BCT a relevé en 2017 son taux directeur à deux reprises. Une première fois en avril de 50 points de base et une seconde en mai de 25 points de base à 5% actuellement. Ceci n'a pas freiné le rythme de refinancement des banques auprès de l'institut d'émission.
La quête des banques à la liquidité devient peu sensible à son coût. En réplication, la Banque centrale a procédé, depuis le mois de juillet 2017, à un resserrement quantitatif, à travers un plafonnement du montant de l'appel d'offres à 7 milliards de dinars. Mais, cette approche a engendré un recours intensif à la facilité de prêt à 24H (1,263 milliard de dinars en moyenne) et une orientation du taux du marché monétaire (TMM) vers le plafond du corridor.
Ainsi, et en dépit d'un taux directeur maintenu inchangé à 5% depuis fin mai 2017, le TMM est passé de 4,94% en juin 2017 à 5,15% en juillet puis à 5,19% en août 2017 et 5,22% en septembre. Depuis octobre, le TMM au jour le jour colle au niveau de 5,23%, soit tout prêt de la limite supérieure du corridor de 5,25%.
La Banque centrale change de tactique, une autre fois, (et c'est la plus appropriée si elle est bien appliquée) en adoptant une stratégie qui consiste à rapatrier l'encours des billets et monnaies en circulation (BMC) vers le système bancaire à travers le changement des billets de banques et l'encouragement de l'épargne bancaire. Le taux minimum de rémunération de l'épargne, TRE, est ainsi ramené de 4% à 5% à partir du 1er janvier 2018.
Finances publiques
Au niveau des finances publiques, l'année a été marquée par la promulgation d'une loi de finances complémentaire (LFC2017) et la révision du déficit budgétaire de l'année 2017 à 6,1% contre 5,4% prévu initialement. Une mise à jour qui s'est imposée suite à une actualisation en octobre 2017 de certaines hypothèses avancées dans le projet initial de la loi de finances 2017 notamment un prix de Brent de 50 dollars, alors qu'il a atteint sur les neuf premiers mois de 2017 une moyenne de 51,9 dollars; une parité Dollar US/ Dinar TN de 2,400 contre une hypothèse de 2,250 et enfin une croissance de l'économie nationale plus lente que prévue. Le taux de croissance du PIB pour 2017 est révisé à 2,2% contre 2,5% estimé dans le rapport initial du budget de l'Etat de 2017.
Mais le plus grand décalage est repéré au niveau de certaines rubriques de dépenses publiques en particulier les salaires de l'administration de 0,6 milliard de dinars et un remboursement d'un prêt qatari de 1,148 milliard non prévu dans le budget initial.
Toutefois, le retard de déblocage des deux premières tranches du prêt du FMI, ont précipité l'Etat à sortir à deux reprises sur le marché financier international, chose qui lui a permis de mobiliser 4,48 milliards de dinars (dont 2,4 milliards de dinars sur le marché qatari) contre 1,26 milliard budgétisé initialement.
Ceci a donné une marge confortable au Trésor qui n'a levé en 2017 que 1,983 milliard de dinars en BTA, soit 88% de son besoin annuel budgétisé. En conséquence, et contrairement à l'année 2016, les taux longs primaires (profitant d'une baisse au second semestre 2017) ont à peine augmenté de 5,5 points de base pour la maturité 10 ans, 6,8 pbs pour les 12 ans et 8,7 pbs pour les 15 ans. A contrario, les taux courts (13, 26 et 52 semaines) ont augmenté de plus de 100 points de base en corrélation avec les taux monétaires.
Si les taux longs primaires se sont stabilisés, l'encours de la dette publique continue à se gonfler pour s'établir au terme de l'année 2017 à 67,8 milliards de dinars, soit 69,6% du PIB. La dette publique culminera à 76,2 milliards de dinars en 2018, soit l'équivalent de 71,4% du PIB.
En conséquence de tout cela, la Tunisie a connu en 2017 une accélération de l'inflation portée, en glissement annuel, à 6,3% à fin novembre et à une moyenne de 5,2% sur l'ensemble des onze premiers mois de 2017 contre une moyenne de 3,7% pour toute l'année 2016. En effet, la quasi-totalité des facteurs stimulants de l'inflation sont là :
Notation de la Tunisie
Résultat des courses, l'agence de notation internationale Moody's a abaissé, le 18 août 2017, la note de crédit attribuée aux dettes à long terme du gouvernement tunisien d'un cran de de Ba3 à B1, tout en maintenant les perspectives négatives. Moody's déplace la catégorie de la notation de la Tunisie de spéculative à très spéculative.
Quant à l'agence Fitch Ratings, elle est intervenue trois fois sur la note de la Tunisie en 2017. Une première le 3 Février 2017, en abaissant la note de BB- avec perspectives négatives à B+ avec perspectives stables, Fitch déplace la catégorie de la notation de la Tunisie de spéculative à très spéculative. Le 26 mai et le 17 novembre Fitch confirme sa dernière notation de la dette souveraine.
L'agence de notation financière japonaise R&I (Rating and Investment Information) a dégradé la note de défaut émetteur en monnaie étrangère de la Tunisie le 1er mai 2017 de de BB+ à BB avec perspectives stable.
Sur demande de la Tunisie, Standard & Poor's n'a plus noté la dette souveraine tunisienne. Sa dernière note attribuée remonte au 16 août 2013 lorsqu'elle a rabaissé de deux crans la note de BB- à B avec perspectives négatives.
Moez Hadidane
Gestionnaire de fonds- BMCE Capital Asset Management
Publié le 04/01/18 15:37
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