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Aymen Bejaoui : « Tozeur est une région en pleine mutation économique »

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Le Gouverneur de Tozeur, Aymen Bejaoui, a partagé sa vision ambitieuse pour le développement économique de la région dans une interview accordée à ilBoursa. Il apporte une perspective unique à son rôle, étant issu du secteur privé. Dans cette interview, M. Bejaoui a détaillé les axes de développement clés pour la région, y compris le tourisme, l'élevage de camélidés, la production biologique et l'énergie solaire. Il a également discuté des défis auxquels la région est confrontée, tels que la nécessité de développer l'aéroport de Tozeur-Nafta et de trouver des solutions pour les hôtels endettés.

 

M. Aymen Bejaoui est titulaire d'un Master en Stratégies et Management de l'UMLT et l'Université de Cergy-Pontoise et d'un Master en certification numérique et monétique de Paris et un Master de Sécurité des systèmes et réseaux d'informations de l'institut supérieur informatique de Tunis. Avant sa nomination en tant que Gouverneur, M. Bejaoui a travaillé pendant 10 ans chez Sopra HR Software, où il a exercé les fonctions de Team Manager et de Domain Leader à divers titres.

Son expérience dans le secteur privé lui donne une perspective précieuse sur les défis et les opportunités auxquels Tozeur est confrontée, et sur la meilleure façon de tirer parti de ses ressources pour la croissance économique et le développement.

 

Plusieurs opportunités d'investissement sont possibles dans la région de Tozeur, notamment le tourisme. Où en est du développement des projets touristiques ?

Nous cherchons à diversifier notre secteur touristique en explorant de nouvelles niches. Le tourisme culturel est particulièrement développé dans la région de Tozeur, car nous organisons une soixantaine de festivals chaque année. Nous souhaitons également investir dans le tourisme de luxe avec l'hôtel Anantara, classé parmi les meilleurs hôtels au monde, ainsi que dans les maisons d'hôtes.

Nous avons déjà commencé un projet sur les oasis qui attire les visiteurs étrangers souhaitant expérimenter l'oasis. De plus, le tourisme de chasse est en développement depuis une dizaine d'années, notamment auprès du marché international. Nous travaillons à combiner la chasse et l'écotourisme en organisant des battues de sangliers dans les oasis avec un circuit organisé pour un maximum de vingt personnes pendant deux mois.

Nous cherchons également à développer le tourisme thermal avec de nouveaux projets, car la région dispose d'un accès à des sources d'eau chaude. Nous travaillons également sur le développement du tourisme des campements dans la région de Hezoua. Nous explorons de nouveaux circuits touristiques, notamment dans le domaine cinématographique. En 2019, un film a été tourné pour Netflix, ce qui a attiré 900 personnes qui ont passé plus de 21 jours dans la région, ce qui a eu un impact positif sur l'économie locale.

En outre, il y a un potentiel pour le tourisme culinaire avec l'arrivée de la richesse de la cuisine de la région, qui est en train de prendre de l'ampleur. Nous développons également l'écotourisme en proposant des expériences dans les oasis axées sur le bio, avec des gîtes écologiques respectant les normes environnementales.

Ces opportunités se présentent également dans l'agriculture et l'industrie agroalimentaire. A-t-on introduit de nouveaux produits et diversifié la production animale dans la région ?

Les opportunités dans l'agriculture et l'industrie agroalimentaire sont nombreuses dans la région. L'idée est de se spécialiser dans un produit qui peut être concurrentiel au niveau national et international. Pour commencer, je parlerais du développement du cheptel de chameaux dans la région, en particulier des produits dérivés de ces animaux qui sont riches en nutriments et diététiques.

Ce secteur se trouve dans cinq gouvernorats et peut être concurrentiel avec les compositions du lait provenant des chameaux. Nous essayons d'aider les jeunes promoteurs à voir les possibilités de travailler sur ce sujet, en considérant les dérivés de fromage et de viande.

Il y a une forte demande internationale pour ces produits, donc se spécialiser dans ces produits peut être très bénéfique pour la région. En ce qui concerne les dattes, l'avenir n'est pas seulement de vendre le fruit de manière saisonnière. Nous pensons à diversifier les produits tels que le sucre et le café, même biologiques, car aujourd'hui, dans la région de Hezoua, il y a des palmeraies certifiées biologiques. Pour les marchés internationaux, il y a une forte demande pour ces produits.

Nous devons également œuvrer à la labélisation de nos produits pour être une référence internationale. L'idée est d'attaquer les marchés internationaux en diversifiant la production et en développant la chaîne alimentaire.

Quel est l'avenir de la plus grande oasis tunisienne, en tenant compte des conséquences du changement climatique et de la mauvaise gestion de l'eau dans la région ?

Aujourd'hui, Tozeur utilise des eaux fossiles, des ressources naturelles qui viennent directement de la nappe d'eau, notamment la nappe continentale, qui est profonde et nécessite des investissements pour obtenir de l'eau. Il s'agit techniquement de nappes qui peuvent avoir une profondeur de 2500 mètres tout en optimisant la gestion de l'eau.

La gestion de l'eau est importante et l'avenir est l'optimisation de l'eau dans les oasis, qui doit être liée avec les pouvoirs publics pour optimiser réellement les forages dans la région. Nous encourageons les jeunes qui ont des projets dans ce secteur, et ISET est un formidable vivier pour les projets. Des startups et jeunes pousses travaillent dans ce domaine.

Les oasis ont été touchées par des maladies qui ont directement affecté les dattes et non les palmiers. En 2021, la production et la récolte des dattes ont été touchées à hauteur de 30 % à Tozeur en raison du changement climatique et de la chaleur élevée, atteignant des records. La solution est la recherche scientifique pour travailler sur un protocole précoce visant à protéger la production. Cette année, moins de 5 % de la production a été touchée. Un centre de recherche à Dguech à Tozeur, en collaboration avec le ministère de l'Agriculture, travaille sur des solutions pour faire face à ces changements et assure une veille scientifique sur le changement climatique.

Pour le secteur de l'Energie solaire, où en est de la construction des centrales solaires photovoltaïques et quels sont les principaux obstacles devant le développement de ce segment ?

Le secteur de l'énergie solaire est en plein essor dans la région, et il est important de rappeler que la première centrale photovoltaïque opérationnelle en Tunisie est la centrale de Tozeur 1. Toutefois, la phase de construction est un défi majeur en raison du manque de connaissances technologiques, étant donné que le solaire est une technologie relativement nouvelle qui nécessite un transfert de compétences. Malgré l'inauguration de Tozeur 1 en 2019, sa mise en marche a été retardée de trois ans.

Actuellement, Tozeur 1 et Tozeur 2 fournissent 25 % de la consommation électrique de la région, contribuant ainsi à une réduction des émissions de CO2 et à une stratégie environnementale globale de la ville de Tozeur. D'ici 2030, conformément aux objectifs gouvernementaux, la région espère couvrir l'intégralité de sa consommation électrique grâce à l'énergie solaire, en devenant ainsi une ville verte.

Le branchement des centrales solaires n'a pas été un obstacle majeur car elles appartiennent à la Société Tunisienne de l'Electricité et du Gaz (STEG). Cependant, la région travaille actuellement sur d'autres projets liés au photovoltaïque. Le premier programme, appelé Prosol Élec-social, vise à équiper les ménages ayant une consommation électrique mensuelle inférieure à 100 kilowatts avec des panneaux photovoltaïques. Environ 4 000 foyers sont éligibles à ce programme dans la région de Tozeur.

Le deuxième projet national est axé sur la maîtrise de l'énergie dans les mosquées, où la demande d'électricité augmente considérablement en été. Environ 50 mosquées vont remplacer l'utilisation d'électricité produite à partir d'énergie fossile par de l'énergie solaire, réduisant ainsi les charges liées à ce type d'utilisation.

Le troisième projet de la région concerne le pompage photovoltaïque, qui peut toucher d'autres secteurs tels que l'agriculture. Les agriculteurs éprouvent des difficultés à pomper l'eau des puits et des forages en raison du coût élevé de l'électricité, ce qui entraîne des dettes envers la STEG et des pertes de production liées aux effets du changement climatique. Le projet pilote se déroulera dans six délégations du gouvernorat de Tozeur et permettra de réduire les coûts de l'électricité.

Le quatrième projet consiste à équiper les hôtels de panneaux photovoltaïques pour faire face à la demande énergétique accrue en été. Cette initiative vise à garantir une prestation de qualité tout en réduisant les coûts d'exploitation énergétique.

Enfin, notre ambition est de construire une petite centrale solaire appartenant au Conseil régional, qui servirait d'exemple pour encourager d'autres secteurs à entamer leur transition énergétique. Nous espérons ne pas rencontrer de problèmes techniques majeurs lors de sa réalisation, sachant que l'éloignement des centrales solaires par rapport aux locaux de la STEG constitue encore un frein important.

Quelles perspectives de développement pour la région à moyen terme ?

Pour favoriser le développement de la région, nous avons identifié trois axes d'action. Tout d'abord, il est essentiel de développer le tourisme en proposant de nouveaux produits et services haut de gamme, tout en simplifiant les démarches administratives pour les établissements souhaitant être classés en tant que maisons d'hôtes. Le tourisme événementiel pourrait également être une opportunité à exploiter pour Tozeur.

Il est également urgent de développer l'aéroport de Tozeur-Nafta en attirant davantage de compagnies aériennes offrant des liaisons internationales, car le marché est prometteur. Enfin, nous appelons les banques tunisiennes à trouver des solutions pour aider les hôtels en difficulté à réintégrer le marché du tourisme national.

Le deuxième axe de développement concerne l'élevage de camélidés, une activité qui peut être compétitive à l'international. Il est également important de développer la production biologique et de labéliser les produits locaux, à l'image des dattes. Nous souhaitons également encourager l'utilisation du goutte à goutte dans la région pour cultiver des produits tels que des tomates, des pastèques et des melons, en utilisant notamment les forages d'eau chaude.

Le troisième axe porte sur l'énergie. Tozeur doit tirer parti de ses ressources naturelles en investissant dans l'énergie solaire photovoltaïque pour produire de l'électricité à un coût compétitif tout en développant d'autres secteurs comme l'industrie. La transition énergétique pourrait être la clé du succès pour la région, dans un contexte mondial où les prix des énergies fossiles augmentent.

Tozeur pourrait devenir un leader dans le domaine de l'énergie solaire au Maghreb. En ce qui concerne Chatt el Jerid, nous travaillons actuellement sur un projet de dessalement en collaboration avec les promoteurs locaux, en cherchant à exploiter un trésor inexploité dans cette zone.

Propos recueillis par Mariem Ben Yahia

Publié le 03/04/23 12:33

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