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Antoine Sallé de Chou : La Tunisie a besoin d’une volonté politique

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Etablie en Tunisie au lendemain de la Révolution (2012), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) est aujourd'hui bien positionnée pour aider à mobiliser les investissements privés nécessaires pour la Tunisie. Un constat partagé par le chef de bureau de la banque en Tunisie, Antoine Sallé de Chou. Interview.

 

Diplômé de Sciences Po Paris, Antoine Sallé de Chou a travaillé à Moscow pour le trésor français où la BERD était un acteur systémique puis qu'elle était créée au début des années 90 pour accompagner le passage du bloc ex-soviétique d'une économie centralisée à une économie de marché.

Après avoir passé 4 ans entre l'Ukraine et la Russie, il a obtenu un MBA de l'INSEAD avant d'intégrer un cabinet de conseil en stratégie à Londres où il a assuré pendant deux ans plusieurs missions dans différents secteurs : industriel, bancaire, des assurances …

En 2013, il rejoint l'équipe de développement au sein de la BERD en tant que conseiller principal pour la stratégie et les politiques, chargé de concevoir la stratégie de la BERD pour certains de ses principaux pays d'opérations, dont la Turquie et l'Egypte. Après quatre ans, il rejoint l'équipe d'Equity Risk qui supervisait les investissements en capital de la banque.  "Avant de prendre la direction du bureau de Tunis en avril 2017, j 'étais toujours intéressé par la Tunisie qui est culturellement très proche de moi et qui passe par une période fascinante de son histoire dans laquelle la BERD a un important rôle à jouer», a-t-il souligné.

La BERD, dernière institution financière internationale arrivée en Tunisie

Suite à la révolution, les actionnaires de la banque ont estimé que le business model de la banque avait une pertinence pour essayer d'accompagner la transition politique de la Tunisie via un accompagnement de la transition économique. "L'idée est de hisser la BERD parmi les grands bailleurs de fonds en Tunisie. On a bien progressé ces deux dernières années pour atteindre nos objectifs, puisque nous sommes aujourd'hui le plus grand investisseur multilateral dans le secteur privé et un acteur reconnu dans le soutien institutionel aux reformes», estime M. Antoine.

La stratégie 2018-2023 de la banque pour le pays, telle qu'approuvée par son Conseil d'administration en décembre dernier, vise ainsi à contribuer à la mise en œuvre du plan de développement de la Tunisie et soutenir les efforts de réformes pour la création d'emplois et la mise en place d'une croissance inclusive par le biais de politiques et d'instruments financiers adaptés.

Compte tenu de la conjoncture économique difficile, la Banque cherche à se concentrer sur les opportunités de réformes apportant des bénéfices significatifs à court terme du fait de leur potentiel pour attirer les investissements et soutenir la croissance, ainsi qu'à renforcer les capacités institutionnelles en vue de la conduite des réformes structurelles sur le long terme.

"On est aujourd'hui le plus gros bailleur de fonds sur le secteur privé. Les nouveaux volumes d'engagements sont estimés entre 200 et 300 millions d'euros par an dont près de 6O% au profit du secteur privé. Depuis le début de nos opérations en Tunisie, la BERD a financé des projets pour 850 millions d'euros", ajoute-t-il.

La BERD a trois métiers en Tunisie par lesquels elle essaye de pousser ses priorités stratégiques et de faire cet accompagnement de la transition économique en Tunisie. Il s'agit du financement ou la partie banque de la BERD, le soutien aux réformes à travers l'accompagnement technique et réglementaire dans les réformes avec les autorités, et enfin la partie conseil aux PME qui est particulièrement importante vu le partenariat stratégique avec l'Union européenne dans ce domaine.

Engagement de la BERD pour le secteur public

Pour le secteur public, la BERD n'intervient que via le financement de projets. "On ne fait pas d'appui budgétaire comme le fait la Banque mondiale, la BAD ou l'Union européenne. Ça part toujours d'un projet d'investissement d'une entreprise publique qu'on instruit. Il faut que la rentabilité économique du projet soit vraiment démontrée ainsi que l'impact environnemental et social", explique M. Antoine.

Et d'ajouter que la BERD essaie toujours de supplémenter la partie financement avec une assistance pour l'amélioration opérationnelle et financière de l'entreprise comme la banque l'a fait avec la STEG à travers un package assez important pour accompagner l'entreprise dans le passage aux normes IFRS, la gestion de ses risques de change et de matières premières. "Outre la STEG, la BERD a accordé deux prêts à l'ONAS et un autre à la SNCFT (160 millions d'euros) à des conditions extrêmement préférentielles et bien plus avantageuses que celles obtenues par l'Etat sur le marché international", affirme M. Antoine.

Financement de deux grands projets en 2019

Actuellement, la BERD est en train de finaliser l'étude de financement de deux projets très importants. Le premier avec la TRANSTU portant sur un grand programme de modernisation du transport urbain à Tunis avec dans un premier temps le renouvellement des rames de la ligne TGM, puis dans un second temps la réhabilitation et/ou renouvellement des rames Siemens sur le tramway de Tunis, et la construction d'un dépôt de maintenance à La Manouba.

"Pour la première composante, on espère pouvoir signer le contrat du projet cofinancé avec la BEI pour 90 millions d'euros en marge d'un grand forum d'affaires régional qui se tiendra le 17 septembre prochain en présence des ministres d'investissement et des gouverneurs de la BERD", a-t-il annoncé.

Le deuxième projet concerne la réhabilitation des forages profonds autour des oasis dans quatre gouvernorats dans le Sud tunisien pour 50 millions d'euros. "Un projet très important vu son aspect environnemental qui permettra de mieux gérer cette ressource rare qui est l'eau".

L'ouverture du secteur public est primordiale

Le constat transversal sur les défis structurels de la Tunisie c'est qu'il y a un manque de concurrence aussi bien dans des secteurs dominés par les entreprises publiques que dans les secteurs dominés par des sociétés privées. "Sur le public, l'idée n'est pas forcement la privatisation mais plutôt d'identifier les secteurs susceptibles d'être ouverts aux opérateurs privés, en co-existence avec les entreprises publiques".

Selon M. Antoine, le programme des énergies renouvelables est un programme très ambitieux avec un projet de production de 1.200 mégawatts. "Outre son effet macroéconomique extrêmement important, le projet représente un premier test d'ouvrir aux opérateurs privés un secteur dominé par une seule entreprise publique qui est la STEG et de pouvoir démontrer les effets bénéfiques de cette cohabitation entre les deux secteurs en termes de prix pour le consommateur".

Dans ce cadre, beaucoup reste à faire pour répondre aux défis les plus pressants qui pèsent sur le nouveau modèle de croissance que souhaite établir la Tunisie, tels que la libération du secteur privé et le renforcement des opportunités économiques pour tous.

Et d'ajouter que la Tunisie fait toujours face à des difficultés considérables sur le chemin de sa transition vers une économie de marché durable dans laquelle le secteur privé peut prospérer et créer des emplois de qualité pour les flux de jeunes diplômés faisant chaque année leur entrée sur le marché du travail.

Partenariat Public-Privé : La Tunisie a besoin d'une volonté politique

La BERD a accompagné l'Instance générale du Partenariat Public Privé sur une revue légale de la loi 2008 sur les concessions et la loi 2015 sur le PPP afin de les mettre aux standards internationaux. "En fait, nous n'avons pas besoin d'un cadre législatif parfait mais plutôt d'une volonté politique. Cela permet de mettre les choses à niveau et lancer effectivement les projets".

Pour faire avancer les premiers projets en PPP, "notre conseil c'est de se focaliser sur des projets les plus mûrs dans l'assainissement, l'énergie le dessalement d'eau … La BERD peut mobiliser 1 million à 1,5 million d'euros par projet pour engager les meilleurs cabinets de conseil pour s'assurer que la transaction est bien structurée pour attirer les meilleurs investisseurs".

Soutien permanent au secteur privé

Dans le secteur privé, la BERD finance directement des projets du secteur agroalimentaire notamment l'huile d'olive pour soutenir les opérateurs qui embouteillent en Tunisie à l'instar de Borges, SOVENA et COGIA. "Ce secteur nous intéresse beaucoup vu notre engagement avec la FAO pour essayer de créer une plateforme entre les opérateurs privés de l'huile d'olive sur les questions de l'innovation", précise M. Antoine.

En outre, la BERD a financé des projets dans le secteur des industries mécaniques (automobile et aéronautique). "On espère signer plusieurs contrats de financement cette année dans ce secteur pour accompagner le développement de plusieurs équipementiers internationaux en Tunisie », a-t-il estimé.

Propos recueillis par Ismail Ben Sassi

Publié le 28/05/19 12:48

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