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Amir Ben-Gacem, de la City de Londres à l’Ultra Mirage El Djerid

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Alors que l'Ultra Mirage El Djerid continue à tenir ses promesses depuis cinq ans, le comité organisateur s'est retroussé encore plus les manches pour l'édition de cette année afin d'offrir une version plus attractive et consciencieuse des règles sanitaires ainsi que des enjeux environnementaux.

Les 300 courageux coureurs ont bravé les conditions climatiques du Sahara pour participer à la course trail phare du sud tunisien. Un réel succès raconté par son initiateur et organisateur, Amir Ben-Gacem, cet expert financier international qui jouit de 20 ans de carrière dans la stratégie, le trading et les ventes sur les marchés émergents (change, taux et crédit).

 

Avant de parler d'Amir Ben-Gacem le coureur d'ultra-trail, présentez-nous votre parcours universitaire et professionnel  

J'ai eu un cursus classique similaire à celui de milliers d'étudiants tunisiens. Ma scolarité s'est passée dans un lycée français pour ensuite poursuivre un cursus universitaire à Paris-Dauphine, où j'ai obtenu une licence en méthodes informatiques appliquées à la gestion ainsi qu'un diplôme d'études supérieures spécialisées (DESS) en finance de marché et gestion du risque.

Quand j'ai terminé mon cursus universitaire à Paris-Dauphine en 1999, je voulais rentrer en Tunisie. Néanmoins, tout mon entourage m'a conseillé de consolider ma carrière professionnelle en France. J'ai commencé à Paribas Asset Management où j'ai travaillé au sein de la section allocation d'actifs. Nous avions des mandats de la part de gros investisseurs et nous investissions dans de différentes régions comme l'Europe de l'Est, l'Asie, le Moyen-Orient et l'Afrique.

Notre travail consistait également à œuvrer dans des secteurs diversifiés tels que celui de la dette souveraine ou encore celui du domaine Corporate. C'était, donc, un bon début pour moi pour découvrir le monde de la finance et de l'investissement dans la finance.

Cependant, un problème subsistait. Il faut dire que je n'étais pas très heureux à Paris même si j'ai eu une très belle expérience en tant qu'étudiant. Mon aventure parisienne a commencé à se décimer lorsque la salle des marchés londonienne de Paribas était à la recherche d'une personne qui parlait anglais, français et arabe. L'objectif était de faire la couverture en Research and strategy pour la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA). Le rôle m'était clairement destiné.

J'ai été détaché de Paris à Londres pour trois mois. L'expérience était tellement bonne que ma mission a été prolongée deux fois jusqu'à ce qu'on me propose de travailler à Londres pour de bon. A partir des années 2000, j'ai commencé à faire de la stratégie sur les marchés émergents, c'est-à-dire l'Asie, l'Europe de l'Est, l'Afrique et l'Amérique latine.

Après ce passage, j'ai rejoint la plus grande banque en Grande Bretagneet en Europe, la HSBC, où j'ai pu faire de la Quantitative Strategy sur les marchés émergents. En d'autres termes, je fais la recommandation de transactions pour nos traders ainsi que pour nos clients. J'ai fait cela pendant deux ans pour m'orienter par la suite vers le Trading.

De cette manière, je suis devenu Trader de dette de pays émergents. Je vends et j'achète la dette souveraine de la Tunisie, du Brésil, de la Turquie, etc. J'ai travaillé sur le premier contrat Credit Default Swap (CDS) sur la Tunisie lorsque sa notation était d'Investment grade et que son spread était de 40 points de base, en 2004.

En 2008, sur fonds de crise financière je suis parti pour la banque d'investissement américaine Morgan Stanley. J'y ai passé quatre ans et il faut dire qu'il était intéressant de travailler au sein de cet établissement dans un contexte de crise de la dette souveraine en Europe. J'ai été ensuite recruté par la deuxième plus grande banque de Suisse, le Crédit suisse, en tant que responsable de leur division de distribution de produits émergents. Je suis à la tête de ce département depuis maintenant huit ans et demi. Nous vendons et nous achetons les dette russe, turque, brésilienne, sudafricaine, en sus de couvrir l'intégralité des institutions.

Par ailleurs, nous traitons avec les clients institutionnels privés, c'est-à-dire les fonds américains importants ou encore quelques gros Family officies. Mon travail me donne accès à des investisseurs éminents, des décideurs qui gèrent plusieurs milliards de dollars, des représentants gouvernementaux, etc.

Comment est née cette passion pour les marathons ?

Je n'ai jamais été sportif de ma vie. Suites à des problèmes de santé bénins, j'ai amélioré mon hygiène de vie et j'ai participé aux marathons de Londres et d'Istanbul en 2012. C'est à ce moment que j'ai décidé de mener à bien un autre challenge physique, celui du marathon des sables au Maroc.

Je m'y suis inscrit en 2016 pour un parcours de 250 kilomètres sur 5 jours. Je devais parcourir chaque jour une distance comprise entre 20 et 80 kilomètres. J'étais le seul Tunisien parmi une soixantaine de nationalités. C'était le premier Ultra-trail de ce type auquel je participais.

Le déclic s'est fait à ce moment lorsque je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas d'ultra-trail en Tunisie. Du coup, de banquier, je me suis retrouvé à organiser une manifestation sportive mettant entre mes mains le poids et la réputation de mon pays.

Cette année l'Ultra Mirage El Djerid est arrivé à sa cinquième édition. Quelles sont les nouveautés apportées ?

En plus de perfectionner la qualité des prestations, comme celles des transports, de la nourriture mais également en fournissant aux participants de meilleurs paniers-repas avec des recettes tunisiennes, nous avons amélioré les Checkpoints en les agrandissant.

Les nouveautés conventionnelles apportées à l'Ultra Mirage sont accompagnées par une vision pérenne. Nous avons signé un contrat avec l'association tunisienne Soli & Green pour planter un arbre pour chaque coureur participant au marathon. C'est une première mondiale. La logique derrière cette initiative est de payer notre redevance à la nature en faisant du reboisement.

L'Ultra Mirage El Djerid a consommé cette année près de 15.000 litres d'eau, soit 9.000 bouteilles d'un litre et demi. Il s'agit de l'équivalent d'un semi-remorque déchargé dans le Sahara. Il faut donc acheminer ces bouteilles vers le désert en 4x4, qui seront recyclées par la suite à Nefta.

Nous pouvons savoir à combien s'élève l'empreinte carbone des coureurs en prenant en compte leur point de départ et d'arrivée. A travers ce calcul, nous nous engageons à réduire leur empreinte carbone à zéro en plantant des arbres pour annuler les émissions de gaz à effet de serre intrinsèques à chaque coureur.

Nous sommes très axés sur la nature et je voudrais que ce modèle soit dupliqué sur d'autres courses, pas seulement tunisiennes, et se positionner en tant que précurseur en la matière. Les projections sont claires : sur dix ans, un évènement rassemblant 500 coureurs annuellement permettrait la plantation de 5.000 arbres. L'impact sur l'écologie tunisienne serait très important puisque cela permettrait de créer des forêts.

Par ailleurs, l'Ultra Mirage est l'une des premières courses en Tunisie à appliquer l'égalité des genres à travers l'égalité du Prize money, à l'image des grands marathons.

En outre, nous produisons le moins de plastique en utilisant des tissus écologiques issus de l'économie locale pour nos bracelets et nos sacs et autres objets publicitaires de l'Ultra Mirage, l'objectif étant de voir l'évènement au-delà de l'aspect sportif et touristique, soit d'influencer les autres évènements de course qui ont lieu en Tunisie.

Quelle est votre vision du tourisme tunisien et de la conjoncture nationale ?

J'ai récemment évoqué le tourisme écologique et le sport dans le secteur touristique avec le ministre du Tourisme, Habib Ammar, afin de souligner que le tourisme national des années 1970 et 1980 est révolu. Aujourd'hui, nous parlons d'expérience, d'authenticité et de sortie du cadre habituel. La tendance est donc l'expérience et non pas le lieu de villégiature.

On ne peut pas bloquer tout un pays dans les années 1980. L'administration, le transport, les formalités comme la fiche de police aux frontières datent tous de la même époque, celle des années 1980.

Nous avons assisté à une révolution politique sans qu'une révolution économique ne lui emboite le pas. Il existe deux façons de faire une révolution économique. Elle peut avoir lieu des suites d'un choc, comme au Liban, en Equateur ou en Argentine, et qui prendrait la forme d'un défaut de paiement, ce qui induirait une aversion de la part des investisseurs et qui toucherait des variables essentielles comme l'importation de pétrole, conduisant à l'effritement de l'économie.

La deuxième manière d'initier une révolution économique est de mettre en œuvre des réformes. Néanmoins, personne ne veut payer le prix politique. Un dirigeant ou une dirigeante devra faire des sacrifices et payer la note de tous ceux qui n'ont pas voulu passer par la caisse. Soit des réformes douloureuses seraient conduites, comme pour le cas grec, soit un effondrement économique aurait lieu.

Nous ne sommes pas mieux que les grecs ou les libanais. L'intervention des institutions internationales pour la résorption du naufrage économique sera réalisée par des jeunes étrangers diplômés d'universités prestigieuses, comme Harvard ou le MIT, qui ne sont jamais venus en Tunisie et qui pourraient décider d'une réduction de 50% des salaires, par exemple.

Soit tu es maître de chez toi, soit un étranger sera timonier d'un programme de sauvetage non adapté au modèle économique national.

En ce qui concerne l'évolution de la dette tunisienne, je la suis de très près tout en essayant d'apporter ma contribution au travail des représentants tunisiens. Je ne manque de réitérer que le Spread de la Tunisie a explosé. Ainsi, il est nécessaire pour notre pays d'être proactif et de ne pas se tourner vers les bailleurs de fonds qu'en cas de besoin de financement au risque de ne plus être respecté.

Je dirais que je suis un expert dans la dette des marchés émergents, dans le financement de la dette des pays émergents, que cela soit un financement local, en devise nationale, ou un financement à l'international. Je suis comme un intermédiaire entre les investisseurs et les gouvernements.

Où voyez-vous l'Ultra-mirage dans les années à venir ?

Le marathon est en train de grandir. Au début, l'évènement a induit la réservation de la moitié d'un hôtel alors que l'édition de cette année a nécessité la réservation de la totalité des chambres de deux hôtels. J'espère que pour la prochaine édition, la réservation concernera l'intégralité de trois hôtels.

Cependant, il est nécessaire que l'infrastructure touristique de Tozeur soit en corrélation. Pour cette année, nous nous sommes trouvés dans l'obligation d'acheminer les bus et les voitures de la capitale, Tunis, faute d'agences à Tozeur, ce qui a porté les coûts à la hausse.

Les responsables locaux et nationaux sont conscients de l'importance que prend l'Ultra Mirage au cours de ces cinq dernières années et du potentiel de cette manifestation sportive. Nous voulons avoir un impact local plus grand, dans le sens où nous voulons travailler avec les charités locales.

Le potentiel de l'évènement est également remarquable à travers la confiance accordée par la l'agence de coopération internationale allemande pour le développement (GIZ) en tant que partenaire de l'Ultra Mirage El Djerid depuis maintenant cinq années.

En deux heures de vols, le Sahara devient accessible grâce à la proximité géographique de la Tunisie. Nous avons la chose la plus difficile mais nous n'arrivons pas à avoir la chose la plus facile.

Je soutiens toujours que la Tunisie est très petite pour échouer auprès des chefs de gouvernements successifs. En tant qu'investisseur dans une Startup locale, je me retrouve obligé de sacrifier trois heures de mon temps pour obtenir un document administratif. Je dois me rendre au consulat tunisien à Londres et suivre le processus chronophage de l'administration tunisienne pour le service de signature légalisée. Comment peut-on attirer les investisseurs avec cette lourdeur administrative ?

Afin de filmer par drone l'Ultra Mirage, la présence d'un militaire gradé accompagné par la surveillance du contenu est nécessaire. Comment expliquer à mon équipe, qui travaille avec des médias étrangers comme TF1, que son travail sera surveillé et contrôlé par un officier. Je peux comprendre qu'il y ait des questions sécuritaires mais en tant qu'organisateur d'un évènement sportif il est primordial de trouver une contrepartie. 

Mot de la fin

La Tunisie est un pays jeune et qui se trouve en face de l'Europe. Le territoire tunisien présente des paysages diversifiés aux reliefs variés, permettant de profiter des richesses de la nature. Malheureusement, nous n'avons jamais eu les dirigeants qu'il faut pour mettre en exergue ces avantages.

Néanmoins, pendant la période s'étendant de 2000 à 2006, une lueur d'espoir persistait pour la Tunisie, qui était considérée comme étant le Tigre de l'Afrique. Actuellement, cela fait 20 ans que nous n'avons pas évolué.

La Tunisie est un beau pays et une destination prisée par les étrangers. Il faut continuer à se battre puisque le pays possède un grand potentiel. J'espère qu'avec l'Ultra Mirage El Djerid, nous prouverons qu'il est possible d'organiser des évènements internationaux avec des équipes et des cadres 100% tunisiens.

J'aspire à positionner l'Ultra Mirage comme étant un modèle, un exemple de méthodologie pour faire du tourisme durable et sportif.

Propos recueillis par Omar El Oudi

Publié le 12/10/21 20:04

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