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Ahmed SAHNOUN dévoile les enseignements clés du premier CFO Survey de PwC Tunisie

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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PwC Tunisie a dévoilé récemment les résultats de la première édition de son CFO Survey, mettant en lumière les priorités stratégiques des Directions Financières en Tunisie et leurs projections pour les 12 mois à venir. 

Dans cette interview, Ahmed Sahnoun, Partner chez PwC, partage les résultats de cette étude inédite qui dresse un état des lieux des priorités, défis et perspectives des directeurs financiers. Quels sont les grands enjeux économiques qui préoccupent les CFO aujourd'hui ? Quelles stratégies adoptent-ils face aux incertitudes du marché ? Réponses et analyses dans cet entretien.

 

 

 

Pouvez-vous nous parler un peu de cette étude et du contexte de son lancement ? 

Dans un environnement économique marqué par des tensions accrues sur la trésorerie, une inflation persistante et une volatilité macroéconomique croissante, les Directions Financières en Tunisie doivent impérativement accélérer leur transformation.

La Fonction Finance évolue désormais dans un monde de plus en plus difficile. La volatilité et les nouveaux enjeux exigent que cette dernière joue le rôle de soutien et de support au processus décisionnel pour gagner en résilience face à la " permacrise ".

Afin de mieux cerner ces défis, PwC Tunisie a lancé courant 2024 une enquête auprès des directeurs financiers des sociétés tunisiennes  " Etude des priorités des Directions Financières ", baptisée "Relever les défis face à l'incertitude". Cette enquête est réalisée annuellement par PwC France en association avec l'Association des Directeurs Financiers et de Contrôle de Gestion (" DFCG ") et 2025 constitue la première année de lancement de cette étude en Tunisie.

L'étude analyse les défis et enjeux auxquels les Directions Financières tunisiennes font face dans un contexte économique en constante évolution et met en lumière comment ces dernières comptent les relever et anticiper les risques économiques à travers les principaux leviers de transformation qu'elles ont mis ou comptent mettre en place. L'étude a porté sur les six axes suivants :

  • La réorganisation de la fonction Finance et le pilotage de la performance
  • L'optimisation de la gestion du cash
  • La transformation digitale
  • La mise en place d'un dispositif de gestion des risques
  • L'initiation de discussions pour mieux cerner les attentes en matière de réformes fiscales
  • L'alignement des reportings financiers avec le référentiel IFRS et l'intégration des reportings extra-financiers liés aux critères ESG

Les Directeurs Financiers Tunisiens (" Chief Financial Officer-CFO ")  tunisiens ont été 60 à répondre à l'enquête. Ils appartiennent à 4 grands secteurs d'activité: 50 % au secteur des industries, 23%  au secteur des banques et assurances, 19%  au secteur des Services et 8% au secteur des Energies et utilités.

Les résultats de cette étude ont été restitués aux Directeurs Financiers tunisiens lors d'un événement organisé le 13 décembre 2024 dans les locaux de PwC Tunisie.

 

Quels sont les principales conclusions de l'étude ?

Je voudrais commencer par un point positif ressortant de l'étude à savoir l'optimisme de nos directeurs financiers quant aux perspectives de croissance économique de la Tunisie et ce, en dépit d'un environnement économique difficile, tant sur le plan national qu'international.

En effet, l'étude révèle que 78 % des CFO tunisiens se déclarent confiants quant aux perspectives de croissance pour 2025 et 80 % le sont pour un horizon de trois ans. Cette confiance demeure néanmoins prudente face aux nombreux défis économiques et financiers émergents.

Quant aux priorités stratégiques des CFO Tunisiens pour 2025, trois priorités sortent de l'étude : 

  1. La gestion de la liquidité

Dans un contexte où la préservation de la liquidité et la garantie de la stabilité financière sont des impératifs, la gestion de la trésorerie a été clairement désignée comme la première priorité stratégique par les CFO pour les 12 prochains mois, afin d'assurer la solvabilité et de soutenir la rentabilité opérationnelle de l'entreprise.

Ceci est tout à fait normal dans un contexte de hausse des taux d'intérêt depuis la crise Covid-19 et d'un accès au crédit qui devient de plus en plus difficile et coûteux. La nouvelle réglementation des chèques, entrée en vigueur en février 2025, ajoute une difficulté supplémentaire aux CFO, qui doivent désormais réfléchir à de nouvelles solutions innovantes en matière d'optimisation de trésorerie.

Dans ce contexte, un suivi régulier du niveau de cash et des prévisions fiables en matière de position de trésorerie deviennent des éléments indispensables pour une meilleure gestion de la situation financière des entreprises tunisiennes. 

  1. La gestion des risques 

En deuxième position, les CFO estiment que le renforcement des processus et des outils en matière de gestion et de maîtrise des risques est un chantier prioritaire en 2025. L'objectif est d'assurer une résilience financière, de faire face à l'instabilité économique et aux défis financiers et de recentrer l'effort sur l'accompagnement de la Direction Générale dans la mise en place de la stratégie.

Plus de 58 % des CFO des établissements financiers indiquent que le risque de crédit, le risque de liquidité et l'incertitude macroéconomique représentent les trois principaux risques qu'ils anticipent pour 2025. Dans ce contexte, les établissements financiers doivent renforcer leurs dispositifs de gestion des risques en mettant en place des stress tests, en élaborant des plans de résolution de crise internes et en adoptant des plateformes technologiques de gestion des risques.

L'adoption de plateformes Gouvernance Gestion des Risques (" GRC ") devient ainsi essentielle pour structurer une gestion des risques plus efficace. Quant aux entreprises hors secteur financier, elles font face à trois risques majeurs : l'inflation et la volatilité macroéconomique, le risque de liquidité et le risque de crédit.

Toutefois, malgré ces enjeux, un grand nombre d'entreprises industrielles et de services ne disposent pas encore d'une cartographie structurée des risques. En conséquence, il devient impératif de mettre en place des dispositifs d'évaluation et de surveillance pour anticiper les crises et en atténuer l'impact. 

  1. Le pilotage de la performance 

En troisième position, les CFO considèrent que l'amélioration du processus de gestion de la performance est le troisième chantier prioritaire pour 2025. Les cinq principaux enjeux de transformation identifiés par les CFO pour accroître leur résilience sont les suivants : 

  • Obtenir une image fidèle de la rentabilité à un instant " t " afin de saisir les opportunités d'optimisation et de croissance
  • Anticiper et neutraliser les risques encourus
  • Préserver un équilibre financier solide
  • Renforcer l'appui aux métiers et améliorer l'efficacité opérationnelle
  • Sécuriser le besoin en fonds de roulement (BFR

Pour répondre à ces enjeux, les Directions Financières concentrent leurs investissements sur l'évolution des modèles et dispositifs de pilotage, l'amélioration des modèles de calcul des coûts et marges unitaires , la refonte des systèmes d'information et l'adoption de nouvelles technologies pour gagner en agilité et en efficacité opérationnelle.

 

Si on se projette dans un horizon de trois ans, est-ce qu'il y a un changement dans les priorités stratégiques des CFO ?

Effectivement, les résultats de l'étude révèlent un changement important dans les priorités stratégiques de nos CFO sur un horizon de 36 mois.

Les CFO considèrent que dans un horizon à moyen terme ls doivent jouer un rôle plus important dans la définition et l'exécution de la stratégie de l'entreprise. Nous assistons ainsi à un changement profond et une transformation de la fonction finance. Nous migrons d'une ancienne fonction (" DAF ") focalisée sur les chiffres, la gestion des tâches administratives et les relations avec les banques et les tiers ("Scorekeepers ") vers une fonction finance qui joue le rôle d'un" Business Partner " et un conseiller du top management dans les décision stratégiques.

Par ailleurs, la gestion des risques reste aussi dans le top des priorités des CFO (en même place que la contribution à la stratégie et la croissance de l'entreprise). Le process de pilotage de performance remonte d'une place et occupe la deuxième place des chantiers stratégiques des CFO sur un horizon de 3 ans.  Nous avons par la suite une montée en podium avec la digitalisation de la fonction qui occupe désormais la troisième place en termes de priorités stratégiques sur un horizon de trois ans.

Ceci est en ligne avec la transformation technologique accélérée que vit nos entreprises ces dernières années avec l'émergence des nouvelles technologiqes telles que l'RPA (" Robotic System Automation "), l'IA ("Intelligence Artificielle"), la Data Analytics et la Blockchain, etc.

La fonction finance ne peut qu'accompagner cette montée en puissance de la technologie avec des chantiers à initier en matière d'automatisation des process financiers et de production des reportings financiers (externes et internes), l'efficacité opérationnelle, la gestion des risques, etc. en profitant des nouveaux outils EPM (" Entreprise Performance Management, IA, PowerBi etc.

 

Concernant le dernier point relatif à la digitalisation de la fonction finance, est ce que vous pensez que nos entreprises et plus précisément les directions financières sont prêtes pour bénéficier de cette révolution technologique  ? 

C'est une excellente question. L'étude révèle que près de 40% des directeurs financiers sont déjà familiarisées avec les nouvelles technologies telles que l'RPA, l'IA, la Data Analytics et la Blockchain. Ce niveau de taux est considéré comme un bon taux pour une fonction finance qui historiquement n'était pas très à la pointe en termes de technologie.

Une bonne partie des répondants affirment aussi qu'ils ont déjà lancé ou planifient des initiatives pour intégrer des technologies comme la RPA, l'IA, ou la Data Analytics dans leurs processus financiers. Ces entreprises se positionnent comme des leaders potentiels de l'innovation dans leur secteur.

Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les coûts et les défis de la transformation digitale des fonctions finances. A mon sens, le défi majeur sera la conduite de changement de culture à instaurer au sein des départements financiers avec engagement à tous les niveaux de l'organisation.

L'adoption de technologies complexes exige aussi que les équipes financières soient formées à l'utilisation de nouveaux outils et systèmes. Les compétences en "Data science", en gestion des risques technologiques et en cybersécurité deviennent cruciales pour les professionnels de la finance.

 

Question : Quels sont les enjeux mentionnés par les CFO en matière de reporting financier interne et externe ?

Pour le reporting interne de gestion, la fiabilisation des modèles de costing (" calcul des coûts de production ") qui impactent les indicateurs clés tels que les marges unitaires est un enjeu majeur pour nos CFO. Les deux chantiers prioritaires sont relatifs à l'automatisation du process de la comptabilité analytique et la fiabilisation des données d'entrées.

Nos CFO aspirent désormais à une production d'indicateurs de gestion de qualité et en temps réel afin d'améliorer le pilotage de la performance et d'assurer une meilleure réactivité face aux évolutions du marché.

En ce qui concerne, le reporting financier externe, l'implémentation des normes internationales d'information financière (" IFRS ") reste un sujet d'actualité malgré le flou résultant de l'absence d'un cadre règlementaire qui officialise le projet l'adoption des IFRS pour les entités à intérêt public datant de 2018. En effet, l'étude révèle que 60 % des répondants ont déjà soit préparé des états financiers IFRS ou ont sont dans un stade avancé du projet d'implémentation des normes IFRS.

Par ailleurs, l'étude a montré un très bon niveau de sensibilisation de nos CFO par rapport aux enjeux du reporting extra-financier ESG (" Environnemental, Social & Gouvernance). L'étude révèle que 52 % des entreprises tunisiennes ont déjà initié un processus de reporting RSE/ESG.

Ceci pourrait être expliqué par le fait que plus que la moitié des répondants sont des CFO de filiales de multinationales et de sociétés cotées qui sont plus sensibles à ce sujet malgré l'absence d'une réglementation tunisienne similaire à la règlementation européenne en matière de CSRD.

 

Mot de conclusion ?

Pour conclure, je reviens sur le vent d'optimisme de nos CFO. Restons donc positifs et optimistes malgré le contexte difficile. L'enquête a révélé aussi le niveau de maturité de nos CFO par rapport à des sujets novateurs en matière de technologie et d'ESG. 

Pour nos chers lecteurs, ils peuvent consulter les résultats détaillés de l'étude sur les pages officielles de PwC Tunisie dans les réseaux sociaux. Par ailleurs, nous allons revenir avec des articles plus détaillés couvrant les différents domaines de l'enquête.

 

Publié le 03/03/25 08:28

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