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A mi-chemin de 2017, le déficit courant atteint 5,7% du PIB : Comment en est-on arrivé là ?

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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Au 30 juin 2017, le déficit courant de la Tunisie a atteint 5,56 milliards de dinars, soit 5,7% du PIB annuel, contre 8,8% pour toute l'année 2016. La dégradation continue des paiements courants extérieurs s'est traduite par une érosion des réserves de changes, une dépréciation du dinar, un recours croissant de refinancement des banques auprès de la BCT et une amplification de l'endettement en monnaies étrangères.

L'accélération du rythme des importations de marchandises conjuguée à une évolution moins rapide des exportations, a accentué le recours des banques à la Banque Centrale pour l'achat de devises afin de couvrir les engagements extérieurs des agents. Ceci induit naturellement une destruction de monnaie centrale, dont l'effet est neutralisé par les interventions de la Banque Centrale sur le marché monétaire pour y réguler la liquidité bancaire.

Parallèlement, cette disparité dans le rythme d'évolution entre les importations et les exportations a provoqué un tarissement du stock de devises et une forte dépréciation de la monnaie nationale face aux principales devises.  Théoriquement, le gap, en devises, dégagé par la balance courante est  financé par les recettes provenant des opérations financières (IDE, Investissement de Portefeuille et prêts-emprunts).

Toutefois, les flux nets des IDE (entrées nettes des sorties) se limitent à 0,814 milliard de dinars au 30 juin 2017, ne couvrent que 14,6% du déficit courant. Aussi, le solde net des investissements de portefeuille est négatif de 0,092 milliard de dinars.

Le reliquat est ainsi, financé, par l'endettement extérieur en monnaies étrangères, sous réserve de convaincre les bailleurs de fonds étrangers (multilatéraux, bilatéraux et marchés financiers) de la capacité de la Tunisie à rembourser sa dette et à réduire son déficit courant.

Mais, la poursuite du creusement du déficit courant, a conduit le FMI (prêteur de dernier recours) à nous imposer quelques règles de bonne conduite à travers une plus grande flexibilité du taux de change (moins d'intervention de la BCT sur le dinar afin qu'il reflète sa vrai valeur via les mécanismes du marché) et d'adopter une politique monétaire restrictive (relèvement du taux d'intérêts afin de décourager les crédits de financement des importations) 

Ces derniers dépassent en unité monétaire, la taille des exportations. Une dépréciation du dinar, ne fait, sur le court terme, que renchérir les importations par un effet prix. Les exportations deviennent plus compétitives, certes, mais en quantité peuvent rester figées sur le Court terme. L'impact volume sur les importations et les exportations, suite à une dépréciation du dinar (baisse en quantité des importations et hausse des exportations) nécessite généralement un délai d'adaptation de 6 à 12 mois.

Que sommes-nous en train d'offrir au monde ?

Durant les six premiers mois de l'année 2017, tous les agents économiques de la Tunisie ont importé des biens de 6,2 milliards de dinars de plus de ce qu'ils ont exporté. Les excédents qu'ils ont offerts au reste du monde, soit en matière de services, de revenus des facteurs ou de transferts courants ne couvrent que 10,9% du déficit d'échanges de marchandises.

Pour financer ce déficit, on fait appel à l'extérieur pour emprunter des devises et payer nos importations, au moins la partie non couverte par les exportations. Durant les six premiers mois de l'année en cours, le flux de nos emprunts auprès de l'étrangers (nets de remboursement et de prêts) s'élève à 4,56 milliards de dinars contre 4,84 milliards durant toute l'année 2016.

Au 30 juin 2017, la dette extérieure (publique et privée) de la Tunisie s'élève à 73% du PIB. Le service de la dette extérieure a atteint 4,37 milliards de dinars, soit 20,1% des recettes courantes contre 12% au 30 juin 2016 et 9,6% la même période en 2010.

Analyse et origine du déficit courant au premier semestre 2017.

Le cumul des quatre composantes de la balance courante, fait ressortir, durant la première moitié de l'année 2017, un solde négatif de 5,56 Mrd TND, soit autant que celui réalisé durant toute l'année 2012. Ce déficit correspond à 5,7% du PIB annuel et provient exclusivement du déficit commercial (FOB-FOB).

L'excédent du solde des trois autres composantes de la balance courante ne couvre à peine que 10,9% du déficit commercial.

Solde commercial (FOB-FOB) au 30 juin 2017 : -6,2 milliards de dinars

Au cours du premier semestre 2017, les exportations de la Tunisie ont augmenté de 12,7% comparé à la même période de l'année précédente, totalisant 16,1 milliards de dinars. Parallèlement les importations ont progressé à un rythme plus rapide de 16,4%, se fixant à 23,6 milliards de dinars. En conséquence, le déficit commercial (FOB-CAF) de la Tunisie a atteint durant la première moitié de l'année 2017, la valeur de 7,5 milliards de dinars contre 6 milliards de dinars la même période de l'année 2016. En moyenne notre déficit commercial s'accroit de 1,2 milliard de dinars par mois.

Sur l'ensemble de l'année 2016, le déficit commercial (FOB-CAF) a totalisé 12,6 milliards de dinars contre 12 milliards en 2015 et un pic de 13,6 milliards en 2014 (record historique jusque-là).

Historiquement, le déficit commercial a dépassé pour la première fois la barre de 1 milliard de dinars en 1984 et la barre de 10 milliards en 2012. Au rythme actuel, nous dépasserons les 15 milliards de dinars de déficit commercial en 2017.

Répertorié par groupement sectoriel d'activité (afin de tenir compte des spécificités de l'économie tunisienne), seuls les secteurs des Mines, Phosphates & dérivés et celui du Textiles & habillement affichent, au 30 juin 2017, un excédent commercial avec l'extérieur respectivement de 0,2 et 0,7 milliard de dinars. Tous les autres secteurs sont déficitaires :

  • Mines, Phosphates & dérivés : + 0,2 milliard de dinars

Au 30 juin 2017, les exportations de ce secteur ont baissé de 20% à 0,6 milliard de dinars affecté par la forte dégradation des ventes de l'acide phosphorique et du DAP (Di-Ammonium Phosphaté), amorcée depuis le 4ème trimestre 2016. A contrario, les importations ont augmenté de 5% à 0,4 milliard de dinars. Le solde commercial positif de cette branche se contracte de 44% passant de 0,4 à 0,2 milliard de dinars au premier semestre 2017.

  • Textiles, Habillements et cuirs : + 0,7 milliard de dinars

Amélioration des exportations du secteur des textiles, habillements et cuirs, dont la quasi-totalité de ses expéditions est destinée aux pays de l'Union Européenne de 11% à 3,6 milliards de dinars, reflétant ainsi des prémices de reprise de l'activité de ce secteur qui a connu des difficultés structurelles au cours des dernières années. Toutefois, nos importations ont augmenté de 14% à 3 milliards de dinars. Le solde positif de ce groupe se rétréci légèrement de 2% à 0,68 milliard.

  • Autres Industries manufacturières : - 2,7 milliard de dinars

Ce groupe sectoriel d'activités affiche le plus gros déficit commercial de la Tunisie, sous le poids des importations croissantes de divers produits et matières notamment, les ouvrages et matières en plastiques, produits chimiques et pharmaceutiques,, fer, acier, cuivre, aluminium etc…

Au 30 juin 2017 les exportations de ce groupe ont évolué de 7% à 1,7 milliard de dinars alors que les importations ont augmenté de 13% à 4,5 milliards.

  • Energie : - 1,9 milliard de dinars

Creusement du déficit de la balance énergétique de 0,4 milliard de dinars : En dépit de la hausse des exportation de pétrole brut et produits raffinés de 52% à 0,8 milliard de dinars, les importations de ces mêmes produits cumulés avec le gaz naturel, la houille et le Coke ont augmenté de 34% à 2,8 milliards de dinars.

  • IME (Hors matériels de transports) : - 1,8 milliard de dinars

Le groupement d'activités IME comprends trois sous branches à savoir, les Industries Electriques, (excédentaire), les industries mécaniques (largement déficitaire) et le matériel de transport que nous traitons séparément. 

Le déficit de la balance des IME (hors matériels de transport) s'élargit de 0,04 milliard de dinars, soit de 3% à 1,8 milliard sous le poids de la hausse des importations de matériels et engins mécaniques et électriques.

  • IAA : - 1,1 milliard de dinars

Les exportations du secteur de l'agriculture et des industries agro-alimentaires se sont améliorées de 11,3% totalisant 1,8 milliard de dinars. Toutefois, nos importations ont augmenté 31% à 2,9 milliards. Le déficit commercial de la balance agro-alimentaire s'est élargi de 0,5 milliard au 30 juin 2017. La hausse des exportations de dattes et produits de la pêche n'a pas couvert la forte hausse des importations de céréales, huiles végétales, sucre et café.

  • Matériel de transport : - 0,9 milliard de dinars

Nos exportations dans ce groupement de produits sont passées de 0,8 à 1,1 milliard de dinars, soit de 29%, alors que nos importation n'ont augmenté que de 10% passant de 1,7 à 1,9 milliard comprenant principalement nos achats des voitures de tourisme ayant augmenté au six premiers mois 2017 de 8% à 0,76 milliard de dinars contre 0,71 milliard au premier semestre 2016. Le déficit commercial de cette branche s'est atténué de 6% passant de 0,92 à 0,86 milliard. 

Par répartition géographique, notre solde commercial est largement positif avec la France (1,5 milliard de dinars), excédentaire avec la Libye et la Maroc et quasiment équilibré avec l'Allemagne. A contrario, la Tunisie dégage son plus grand déficit face à la Chine, suivie par l'Italie, la Turquie, la Russie, l'Azerbaïdjan, le Brésil, la Corée du Sud et l'Arabie saoudite.

Au final, notre déficit commercial hors coût et fret (FOB-FOB) tel qu'il est affiché dans la balance des paiements s'élève au 30 juin 2017 à 6,2 milliards de dinars contre 4,9 milliards au premier semestre 2016, soit une hausse de 26,8%.

Balance des services : 0,13 milliard de dinars

La balance des services a dégagé sur les six premiers mois de 2017, un solde positif de 0,13 milliard de dinars contre un déficit de 0,10 milliard au premier semestre 2016, demeurant toutefois, loin des niveaux de l'avant attentat de Sousse.  

Le rétablissement partiel du solde de la balance des services reflète une légère amélioration des recettes touristiques qui sont passées à 0,87 milliard de dinars au premier semestre 2017 contre 0,8 milliard au 30 juin 2016 et 1,25 milliard à fin juin 2015.

Recettes touristiques en Mrd TND aux six premiers mois

Année

Recette

Evol

S1-2010

1,37

-2,9%

S1-2011

0,88

-35,4%

S1-2012

1,28

44,6%

S1-2013

1,27

-0,9%

S1-2014

1,45

14,2%

S1-2015

1,25

-13,8%

S1-2016

0,81

-35,2%

S1-2017

0,88

8,4%

 

Historiquement, les recettes touristiques atteignent leur plus haut de l'année au 3ème  trimestre  (1 milliard de dinars au T3 2016). Sur l'ensemble de l'année 2017, le solde de la balance des services devrait repasser au-dessus de la barre de 1 milliard de dinars contre 0,69 milliard en 2016, 0,59 milliard en 2015 et 2,45 milliards en 2014.

Revenus des facteurs : 0,36 milliard de dinars

Le solde du compte revenu des facteurs a enregistré une baisse de 11,3% totalisant 0,36 milliard de dinars, et ce malgré une reprise des recettes des revenus du facteur travail de 3,4% à 1,8 milliard de dinars aux six premiers mois de 2017.

Revenus facteur travail: Transferts d'argent des Tunisiens Résidant à l'Etranger en Mrd TND aux six premiers mois

Année

Recettes

Evol

S1-2010

1,29

13,50%

S1-2011

1,18

-8,40%

S1-2012

1,58

34,10%

S1-2013

1,68

6,10%

S1-2014

1,83

8,70%

S1-2015

1,81

-0,80%

S1-2016

1,76

-3,10%

S1-2017

1,82

3,40%

Cette dégradation est attribuée à la hausse des dépenses du compte revenu du facteur capital dont notamment intérêts de la dette à MLT. Les revenus du facteur travail sont quasi-totalement absorbés par les dépenses de rémunération du facteur capital : 1,6 milliard de dinars. Ces derniers sont composés principalement des dépenses au titre de la rémunération des revenus des sociétés pétrolières, des dividendes et des intérêts de la dette publique et privée.

Au cours de l'année 2016, les transferts (recettes) des Tunisiens résidant à l'étranger (TRE) ont totalisé 3,91 milliards de dinars contre 3,87 milliards en 2015.

Transferts courants : 0,19 milliard de dinars

Enfin ,les recettes (nettes des dépenses) au titre des transferts courants se sont contractées au premier semestre 2017 de 22% totalisant 0,19 milliard de dinars contre 0,24 milliard au premier semestre de 2016.

Projection du déficit courant pour l'année 2017

Une projection du solde de la balance courante pour toute l'année 2017 fait ressortir un déficit courant, estimé, autour de 9,3 milliards de dinars, soit 9,6% du PIB contre 8,8% en 2016 et 8,9% en 2015 et 2014.

Il est à signaler que le déficit courant a atteint au cours du dernier quinquennat (2012-2016) un niveau culminant, soit une moyenne annuelle de 7 milliards de dinars ou 8,7% du PIB contre près de 1,8 milliard et 3,1% au cours du quinquennat 2006-2010. Cette évolution est due, essentiellement, à la forte détérioration de la balance commerciale (FOB-CAF) dont le déficit a plus que doublé entre 2010 et 2016.

Parallèlement, l'excédent traditionnel de la balance des services a nettement fléchi, au cours des dernières années, en raison de la détérioration de la situation sécuritaire à l'échelle nationale et régionale qui a fortement endommagé l'activité touristique. Cet excédent n'a permis de couvrir qu'à peine 5,5% du déficit commercial (FOB-CAF) en 2016 contre plus de 40% en 2010.

S'agissant de la balance des revenus de facteurs et des transferts courants, elle a continué à dégager un excèdent qui a dépassé le cap de 1,5 milliard de dinars durant ces trois dernières années en lien avec la baisse des dépenses au titre des revenus des investissements étrangers et le maintien des revenus du travail à un niveau appréciable.

Par Moez Hadidane

Publié le 29/08/17 08:04

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