Par Eymen Errais, le 13/05/2013
La dernière campagne de dénigrement qui a été faite à l'encontre de Fadhel
Abdlekefi accompagnée, excusez du peu, de ses photos avec la mention "Wanted",
me rend très perplexe.
Pour ceux qui ne connaissent pas le contexte,
rappelons les faits. Cette campagne a commencé suite à la baisse du volume et
partant des valorisations des titres déjà cotés en bourse. L'argument était que
les nouvelles introductions, et du fait qu'elles sont nombreuses, ont épongé la
liquidité du marché. Au début, on pensait que c'était une réaction qui émane
d'une frustration interne, certes compréhensible, suite à la perte de valeur,
mais l'insistance de la campagne et son intensité croissante me poussent à
réagir.
Tout d'abord, la bourse tunisienne, et malgré les introductions
récentes, reste pas assez représentative du tissu économique tunisien. Les
secteurs comme le tourisme, l'agriculture, l'énergie ou le textile (malgré
l'introduction de New Body Line) restent sur le banc des absents du côté du
marché financier. Non seulement, les récentes introductions sont de bonne
augure, mais il faudrait introduire d'avantages de sociétés et essentiellement
dans les secteurs mentionnés ci-dessus.
Deuxièmement, il y a des
personnes qui se plaignent que le fait qu'il y a eu beaucoup d'introductions en
bourse, le rendement des valeurs introduites ne suit plus la "logique"
conventionnelle que l'introduction va faire au moins 36% avec deux jours de
suite de réservations à la hausse. A mon avis, ce nouveau comportement des
titres nouvellement introduits est également à prendre d'une manière positive.
Historiquement, les introductions en bourse sont vendues avec le langage
suivant " Tu t'en fous de la valeur, ne regarde même pas ses états financiers,
tu souscrits et tu vends la première semaine et tu auras au moins 18%". Ce
nouveau comportement va pousser les investisseurs à mieux étudier les valeurs et
jouer le rôle de régulateur de prix en sanctionnant les mauvaises valeurs et
rétribuant les performantes.
Troisièmement, les organes qui approuvent
les introductions en bourse sont le conseil d'administration de la BVMT et le
Conseil du Marché Financier. Le conseil d'administration de la BVMT est composé
de 12 membres sur 23 intermédiaires actionnaires. Donc de facto le conseil
d'administration a tous les pouvoirs même au niveau de l'assemblée générale.
Le président du conseil n'a qu'une voix sur 12 pour chaque introduction, et
sa voix ne compte double que dans le cas d'égalité. Or toutes les introductions
qui ont été faites, sont passées avec une large majorité si ce n'est pas
l'unanimité. S'acharner contre le président du conseil seul n'a aucun sens car
les temps des dictatures sont bien loin derrière nous.
Quatrièmement, la
Tunisie est en train de vivre une crise de liquidité et inflationniste sans
précédent, les banques ont commencé à serrer l'étau et le marché financier est
devenu la bouffée d'oxygène de beaucoup d'entreprises et la source de
financement de leur croissance. Il faudrait donc, pour rester dans la même
logique, s'acharner contre les entrepreneurs qui ont le malheur de recourir à la
bourse pour financier leurs entreprises.
Finalement, au lieu de s'acharner contre un président de conseil qui se
démêle pour redorer le blason à une bourse en quête d'un avenir meilleur, il
vaut mieux se concentrer à faire plus de recherche et d'analyse sur les titres
afin que la bourse retrouve son premier rôle à savoir métronome des prix
d'équilibres. Le salut de la bourse passe par la coopération de tous comme le
dit un proverbe africain "il faut tout un village pour élever un enfant".
Eymen Errais
Universitaire et Expert Financier