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Le Dinar tunisien : Entre l’enclume et le marteau

Par Salah Ayari, le 22/09/2017

Salah Ayari

Le Dinar tunisien est dans une mauvaise passe. Il est en train de vivre son pire cauchemar face à ces principales contreparties et plus particulièrement l’euro.

Depuis le début de l'année, il a perdu 20% de sa valeur devant la monnaie européenne ce qui le place dans le top 10 des devises qui ont le plus sous-performé face à l’euro. Il a également trébuché de 5,5% devant un dollar américain (USD) en fin de cycle et presque du double devant le Yen et la Livre Streling (GPB). Quelles sont les causes de cette chute ? Comment se présage l’avenir du TND?

 Variation du TND face à certaines devises

L’un des facteurs qui ont joué un rôle dans la propulsion du dinar au fond des abysses était les conditions sur les marchés internationaux qui lui étaient défavorables.

La locomotive de l'économie européenne, l’Allemagne, est en plein boom économique. Le taux de chômage est passé à 6,4 %, son plus bas niveau historique depuis la réunification. En France, avec l’arrivée de Macron et les réformes en l’air, les voyants sont passés au vert. L’économie Espagnole est également en bonne dynamique et s’attend à une croissance de 3,1% en 2017. L’économie de l’Europe, le premier partenaire commercial de la Tunisie, s’est améliorée avec la disparition de la déflation et la croissance économique solide qui passe à 1,7%. A l’image de son économie, l’euro s’est apprécié devant toutes les devises majeures.

Par ailleurs, sur le marché des matières premières et plus particulièrement celui du phosphate, les fluctuations ne sont pas du côté du dinar. Bien que la production se soit améliorée, le prix a enregistré une baisse de 16% depuis le début de l’année. L’instabilité au Venezuela et les récents conflits au Golf ont joué un rôle pour que le prix du baril du pétrole soit au-dessus des 50$ prévus dans la loi de finances de 2017. Les céréales, le blé tendre et le maïs se sont appréciés fortement lors du premier semestre de 2017, avant de relativiser leurs gains à partir du mois de juillet. Ceci s’ajoute à la hausse des importations de ces produits de base qui a bien plombé le déficit commercial.

En dépit de la dépréciation du dinar, les importations étaient en hausse de 16,4% avec une cadence supérieure à celle des exportations donnant lieu, d’une part, à une aggravation du déficit commercial de 10,4 milliards à fin aout, soit une aggravation de 22% sur un an, et d’autre part à une augmentation de l’inflation en partie importée.

En outre, la forte taxation des entreprises tunisiennes avec la contribution conjoncturelle de 7,5% a touché leur compétitivité et leurs plans de développement et par conséquent la création de la richesse. Les recettes touristiques ne sont pas non plus au rendez-vous et peinent à décoller et à suivre l’augmentation de l’affluence des touristes. par ailleurs, les Tunisiens résidants à l’étranger préfèrent attendre avant d’envoyer des fonds pour se prémunir contre le risque de change

Entre sa rétrogradation dans le classement de « Doing Business » et la baisse de sa note souveraine, la Tunisie a perdu en attractivité, bien qu’il y ait eu une progression des IDE en début d’année suite à la conférence TUNISIA 2020.

Par ailleurs, le remboursement de crédits et le déficit commercial ont mis les réserves de la Banque Centrale dans une mauvaise posture et ont limité son pouvoir de maintenir le dinar. À cela s'ajoute la déclaration de l’ex ministre des finances, qui a prédit qu’un euro s’échangerait à trois dinars. Cette annonce était le détonateur d’une tendance baissière accrue du dinar face à l’euro.

Rien ne présage que la tendance baissière de la monnaie tunisienne face à l’euro pourrait s’essouffler dans un futur proche. Au contraire, tout laisserait prévoir que la tendance actuelle n’est qu’un entremet.

L’autorisation des Tunisiens à ouvrir un compte en devises serait un premier pas vers la libéralisation du dinar. Ceci lui donnerait un coup de fouet et créerait un appel d’air sur le marché parallèle.

En Europe, le président de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi, avait annoncé qu’un premier resserrement de la politique d’assouplissement quantitatif pourrait avoir lieu « avant la fin de l’année » ce qui serait un catalyseur d’une hausse de l’euro envers toutes les devises, avant d’atteindre son apogée avec une première hausse d’intérêt.

Rappelons que suite au premier resserrement de la politique de rachat d’actif de la FED, le dinar a dévissé de 10% face au dollar et depuis il a perdu plus que 60% de sa valeur en un espace de 4 ans. Un scénario pareil, laisserait anticiper une valeur de 3.19 à 3.27 dinars pour un euro en première ligne de mire.

Salah AYARI



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