Zoom sur la situation économique en Turquie

L'histoire de la Turquie est remplie de coups d'Etat militaires qui avaient lieu soit suite à des crises économiques étouffantes, soit à des décisions politiques vues d'un mauvais oeil par l'armée à qui la constitution turque confrèrait, jusqu'en 2010, le rôle de gardien de la République. Les prémices d'une crise économique combinées avec les politiques du gouvernement turc tant décriées par l'opposition ont donné un motif aux « gardiens de la paix » pour effectuer leur premier coup d'Etat depuis 1997.

Après avoir atteint son apogée en 2013, l'économie turque peine à retrouver ses couleurs. Le PIB a baissé de 12% en 2015 par rapport à 2013, le chômage n'a pas cessé d'augmenter pour atteindre 10,2% en 2015, sans aucune perspective de changement de tendance en 2016.

Le fléchissement des recettes du tourisme, qui représente 6% du PIB, suite aux multiples attentats perpétrés dans les hauts lieux du tourisme turc est la principale cause de la baisse du PIB de la Turquie. C'est également l'une des raisons de la hausse du chômage, vu que le tourisme représente 16% de l'emploi. Par ailleurs, la baisse du PIB s'explique par l'exode des capitaux des marchés émergents depuis Juin 2013 et par la baisse des exportations de 8,7% en 2015. Ce qui a entrainé la Livre turque dans une spirale négative. En 2015, la monnaie turque a perdu 24% de sa valeur face au dollar américain ce qui lui a valu le rang de la troisième devise la moins performante mondialement.

Les conséquences de la fuite des capitaux étaient accentuées par le contexte géopolitique instable et l'incertitude liée aux élections. L'inflation était loin d'être maitrisée et oscillait autour de 8%. La situation s'est empirée encore plus suite aux sanctions russes contre la Turquie. La Russie représente, en effet, 10% des flux touristiques en Turquie et 2.5% des exportations turques. Par ailleurs, la forte augmentation de la consommation des ménages a permis de relativiser la situation et de doper la croissance. L'augmentation est due, entre autres, à la large présence des réfugiés syriens.

Les impacts de ce putsch ne se sont pas fait attendre. La Livre turc a essuyé sa plus grosse perte face à l'USD en un seul jour depuis la crise de 2008, perdant 4,8% de sa valeur. La baisse pourrait s'amplifier avec le contexte d'incertitude politique et la dégradation de la situation sécuritaire. Par conséquent, une fuite accrue des capitaux et une forte baisse des fréquentations touristiques pourraient avoir lieu. Ce qui représenterait un danger majeur pour les banques turques, vu leurs fortes dépendances au financement étranger.

Par ailleurs, les retombées sur les contrats futurs du pétrole seraient expéditives. La Turquie est, en effet, une plaque tournante et stratégique du transit de pétrole, avec près de 3 millions de barils par jour traversant le détroit du Bosphore et un autre million de barils par jour traversant le pays par des pipelines partant de l'Azerbaïdjan et de l'Irak et finissent dans le port turc de Ceyhan en Méditerranée. Pa ailleurs, le détroit relie les ports d'exportation du pétrole russe dans la mer noire à la Méditerranée. Suite à l'annonce du coup d'Etat, le cours des contrats futurs a gagné 1%.

A la Bourse turque, l'indice de la place a plongé de 5% avant de reprendre le souffle suite à l'annonce du rétablissement de l'ordre pour finir avec une perte de 2,5%. Ce qui laisse prédire que ce lundi serait une journée rouge pour la Bourse d'Istanbul mais les pertes seraient certainement atténuées par le retour rapide à l'ordre.

Indépendamment des motivations des militaires qui ont effectué ce coup d'Etat, le putsch avorté sera un nouveau coup dur pour l'économie turque. Bien que la Turquie soit la 18eme puissance économique mondiale, les effets sur les marchés financiers seraient minimes et se dissiperaient en quelques jours. Néanmoins, les répercussions sur la Turquie seront ressenties sur le plan économique et politique.

Salah Ayari

Publié le 18/07/16 10:56