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Non, la résistance au changement ne peut être une raison valable de non réalisation des projets de transformation numérique ... Mais l'absence de volonté politique et de leadership, oui.
Par Mustapha MEZGHANI
Lors de la 34ème édition des " Journées de l'Entreprise " organisée par l'IACE, un sondage a été fait avec les participants sur les raisons possibles de non mise en œuvre de projets de transformation numérique de l'Administration. Les résultats du sondage étaient comme suit : 49% la résistance au changement, 10% les ressources (humaines et financières) et 41% la volonté.
Ma formation de base est une formation d'ingénieur et, dans ce cadre, j'ai appris à tirer les leçons des expériences précédentes et à faire une étude de risque. Le but de l'étude étant d'identifier les risques potentiels afin d'anticiper, définir et mettre en œuvre les mesures nécessaires pour y faire face et les réduire pour ne pas dire les anéantir.
Dans ce sens, tout projet nouveau, quel qu'il soit, comporte un risque de résistance au changement. Et ce risque est énorme dans le cas des projets de transformation numérique. Pour faire face à ce problème de résistance au changement, il sera défini une stratégie de gestion du changement. Aussi, je considère que la résistance au changement ne peut être considérée comme un raison (valable) d'échec d'un projet de transformation numérique.
La résistance au changement doit être considérée comme une donnée-clé, à proprement parler, du projet. Par contre, la gestion du changement, elle, peut être considérée comme une raison valable de l'échec d'un projet si elle est mal faite.
Le manque de ressources peut éventuellement être comme une raison d'échec. Que ce soit en termes de ressources humaines ou financières. Cependant, dans le cas de la Tunisie et en ce qui concerne les projets de transformation numériques, les ressources humaines existent, elles sont de qualité et disposent des compétences nécessaires. Ces ressources humaines Tunisiennes ont d'ailleurs réalisé différents projets de transformation numérique et de numérisation d'administrations étrangères, que ce soit de pays développés ou de pays arabes ou africains.
En ce qui concerne les ressources financières, elles ne manquent pas non plus, car les montants nécessaires sont relativement faibles par rapport aux montants exigés par d'autres projets non numériques. De plus, les projets de transformations numériques ont un retour sur investissement direct qui renfloue les caisses de l'Etat. A titre d'exemple, la refonte du système d'information du ministère des Finances qui peut servir d'ossature au système d'information de l'Administration, est un projet qui devrait coûter aux alentours de 200 millions de dinars, soit trois fois rien comparé à un projet d'infrastructure routière, cela représenterait entre 5 et 10 km, en fonction de la qualité du terrain et du type d'ouvrage (pont) nécessaire. Trois fois rien car 10 km d'autoroutes c'est très peu, alors qu'un système d'information pour l'Administration est fort utile et peut avoir un retour sur investissement direct et immédiat.
En Corée du Sud, le système d'information du ministère des Finances a représenté un investissement de 170 millions de dollars et rapporte tous les ans 240 millions. La France a investi 20 millions d'euros dans un système expert avec pour cible les fraudes fiscales. Rien qu'au cours des 9 premiers mois de 2019, il a rapporté 640 millions d'euros.
Au vu de ces chiffres, la raison des ressources ne peut être considérée comme une raison valable pour l'échec des projets de transformation numérique et de numérisation. Nous arrivons donc au troisième choix du sondage, la volonté politique. C'est la véritable et seule raison valable à mon sens. Car, si la volonté existe, il n'y a pas de raison de ne pas mettre en œuvre tous les ingrédients nécessaires à la réussite du projet. À cela j'ajouterai aussi le leadership et la vision.
En effet, si la vision, la volonté et le leadership existent, les ingrédients de la réussite sont réunis et il n'y a aucune raison valable de ne pas bien planifier le projet, mettre les ressources nécessaires, anticiper les risques et les gérer et arriver à bon port.
Tout récemment, Tony Verheijen, représentant de la Banque Mondiale en Tunisie a dit que l'Administration tunisienne a des problèmes à mettre en œuvre des projets innovants. Cela a toujours été le cas, de tout temps, y compris avant la révolution. Sauf qu'avant, ces projets étaient présentés comme des projets présidentiels, avec un leadership tel que tout le monde s'exécutait sans discussion aucune et les projets avançaient d'une manière relativement fluide.
Pour preuve, un haut responsable qui, avant la révolution, faisait des réunions régulières toutes les semaines pour faire avancer les projets du numérique, est revenu au même poste après la révolution et il a dépensé la même énergie pour, cette fois, tuer les projets du numérique.
Publié le 12/12/19 13:41
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