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Révision du Code du Travail : Entre impératifs législatifs et risques économiques

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Si certains estiment que l'amendement du Code du travail est une avancée et s'aligne avec les normes des pays développés, d'autres redoutent des conséquences négatives, estimant qu'il pourrait nuire à l'économie nationale.

 

 

La modification du Code du travail, notamment en ce qui concerne la suppression des contrats de sous-traitance, allant jusqu'à envisager leur criminalisation, fait la une des journaux et des médias depuis vendredi dernier.

Entre partisans du changement et opposants inquiets des répercussions économiques d'une telle réforme, cet amendement peut être vu comme l'une des premières étapes de la révolution législative que le président Kaïs Saïed n'a cessé de promouvoir, s'engageant pour une orientation sociale de l'État depuis son élection en octobre 2024.

Ainsi, bien que les travailleurs sous contrats de sous-traitance se réjouissent de cet amendement, les employeurs se retrouveront dans une situation nouvelle. Ils devront régulariser la situation des salariés recrutés en CDD (contrat de travail à durée déterminée) pour des missions spécifiques, ce qui pourrait impacter la santé financière de leurs entreprises.

Une réforme axée sur le juridique, pas l'économique

Du point de vue de Faouzi Abderrahmane, ancien ministre de l'Emploi en 2017, les modifications proposées du Code du travail sont rédigées dans une “vision purement juridique et administrative, sans prendre en compte la dimension économique”.

Dans ses déclarations après l'annonce, il a averti que ces changements pourraient entraîner une hausse du taux de chômage et une vague de licenciements.

Il a précisé que la règle fondamentale en matière de politique de l'emploi devrait être d'apporter plus de flexibilité au marché du travail, afin de le rendre plus dynamique et d'assurer une meilleure intégration des demandeurs d'emploi. Selon lui, toute restriction ne ferait qu'aggraver la situation en fermant davantage les portes de l'emploi.

Concernant l'annulation des contrats de sous-traitance et leur éventuelle criminalisation, il a souligné que les entreprises ont souvent recours à la sous-traitance et aux services externes pour gérer les tâches secondaires, ce qui leur permet de se concentrer sur leurs activités principales et de renforcer leur compétitivité.

Cependant, l'ancien ministre a également insisté sur le fait que le Code du travail actuel comporte plusieurs lacunes qui permettent l'exploitation des travailleurs et la violation de leurs droits, et que ces problèmes devraient être résolus par une meilleure supervision et un système judiciaire plus spécialisé.

Une révision “équilibrée”

De son côté, Hafedh Amouri, professeur en droit du travail, considère que la révision du Code du travail est une avancée, dépassant les précédentes législations en la matière. Il qualifie ce projet d'”équilibré”, puisqu'il garantit les droits des travailleurs sans nuire aux entreprises, et en préservant leur flexibilité opérationnelle.

Selon lui, cette révision met fin aux contrats CDD, issues d'un vide législatif, offrant ainsi aux entreprises la possibilité de se réorganiser sous forme d'entreprises de services. Cela concerne notamment les secteurs de la maintenance, de la sécurité et de la fourniture, ainsi que toutes les entreprises fournissant un service non classé comme activité principale.

M. Amouri souligne que le principal défaut de l'ancien Code résidait dans sa liberté excessive accordée aux employeurs, sans prendre suffisamment en compte les intérêts des travailleurs, alors que le chômage atteignait près de 16 %. Il a évoqué également l'abus des contrats à durée déterminée, utilisés pour attirer les investissements étrangers, mais au détriment des cadres et des compétences, qui recherchaient avant tout la stabilité professionnelle.

Ainsi, pour lui, cette nouvelle version du Code du travail s'aligne avec les normes des pays développés, où des restrictions strictes sont imposées à la sous-traitance, un mécanisme qui favorisait la précarité des travailleurs. Ces derniers, liés à des contrats de sous-traitance, vivaient dans une instabilité professionnelle, étant susceptibles d'être licenciés à tout moment.

Des effets contraires anticipés

Par ailleurs, certains experts estiment que la mise en œuvre des nouvelles dispositions du Code du travail, notamment l'annulation et la criminalisation des contrats de sous-traitance, pourrait avoir des effets contraires, comme ce qui est arrivé avec la loi sur les chèques.

Ce qui pourrait risquer de semer encore plus de confusion sur le marché du travail et de décourager les employeurs, en particulier les entreprises et les unités industrielles, de recruter.

Une telle situation pourrait entraîner une vague de licenciements et une augmentation du taux de chômage, l'embauche étant suspendue en raison des inquiétudes des employeurs face aux nouvelles règles du Code du travail.

Cela pourrait aussi impacter la compétitivité des entreprises, notamment des sociétés étrangères présentes dans le pays, qui emploient des milliers de travailleurs sous des contrats de sous-traitance ou des contrats CDD pour réaliser des missions spécifiques indispensables à leurs activités.

L'UGTT rejette une révision unilatérale du Code du travail

Du point de vue syndical, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) a demandé une participation élargie dans l'élaboration des modifications du Code du travail. Elle a dans ce sens averti contre une révision unilatérale qui exclurait les représentants légitimes des travailleurs et des syndicats des discussions essentielles nécessitant des consultations tripartites.

Dans un communiqué publié en juillet 2024, le bureau exécutif de l'UGTT avait auparavant exprimé son rejet d'une révision unilatérale du Code du travail, la qualifiant de "suppression des travailleurs et de leurs représentants légitimes, et d'une concentration du pouvoir décisionnel”.

L'UGTT a rappelé que la révision du Code du travail faisait partie de ses revendications depuis plus de 18 ans, dans le but de garantir des conditions de travail dignes, de supprimer toutes les formes de travail précaire, et de garantir la dignité et la sécurité de l'emploi pour tous les travailleurs, tout en harmonisant la loi avec la constitution et les normes internationales du travail.

Pour l'instant, ni l'Organisation des Employeurs (UTICA) ni la Confédération des Entreprises (CONECT) n'ont encore publié de déclarations concernant leur position sur la révision du Code du travail et la suppression des contrats de sous-traitance.

Jihen Mkehli

 

Publié le 18/03/25 08:52

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