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Restructurer, absorber ou liquider : Quelle solution choisir pour la BFT ?

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1

Dans son étude intitulée "Pour un pôle bancaire public régénéré et redimensionné", le président directeur général de CAP Bank, Habib Karaouli, a analysé le cas de la Banque Franco-tunisienne (BFT) en proposant les options qui s'offrent pour résoudre la situation compromise de cette bombe à retardement qui risque de faire chanceler l'ensemble du secteur bancaire tunisien.

La situation de la BFT reste hypothéquée par la faiblesse de ses fonds propres comptables, le non respect d'aucun ratio réglementaire et le litige qui oppose l'Etat à l'ABCI (Arab Business Consortium Investment).

Nonobstant l'issue de ce litige et de la sentence arbitrale prononcée par la CIRDI et qui s'est soldé par reconnaissance de la responsabilité de l'Etat Tunisien, et à moins de lui retirer l'agrément, l'assainissement ou la liquidation de cette banque s'avère indispensable.

La BFT et la STB, à travers le contentieux de l'Etat, ont intérêt à trouver un arrangement avec l'ABCI en vue de régler définitivement le contentieux en cours et minimiser le coût y afférent, dans la mesure où toutes mesures de redressement, de restructuration ou de liquidation ne peuvent être engagées que lorsque ce litige est définitivement clos.

Restructurer, absorber ou liquider ?

Les options qui s'offrent pour résoudre la situation compromise de la BFT peuvent être : 

En tout état de cause et selon la sentence prononcée de la CIRDI, actionnaires de référence, la responsabilité de l'Etat et/ou de la STB pourrait être engagée et sont ainsi exposés à perdre leurs mises en capital et menacés de répondre des conséquences de la dégradation de la situation de la BFT.

Dès lors, l'Etat et/ou la STB pourraient craindre de voir leur responsabilité engagée bien au-delà des limites de leurs apports, mais encore de devoir contribuer fortement à la prise en charge du passif et des risques. D'autre part, les risques pour les pouvoirs publics de supporter les conséquences d'une défaillance seront limités aux situations dans lesquelles ils ont joué le rôle d'un véritable dirigeant de fait.

Dans le cas de la BFT, l'Etat est exposé à engager sa responsabilité administrative pour faute simple commise par ses représentants ou par les autorités administratives indépendantes dans leurs attributions, respectivement de tutelle et de contrôle à travers la STB.

En définitive, aussi lourd et malaisé soit-il, cet exercice indispensable de recensement et d'appréciation des risques n'est pas hors de portée. Il n'est d'ailleurs pas de nature différente de celui auquel se livrent les actionnaires privés lorsqu'ils sont confrontés à des situations recelant des risques juridiques comparables.

En outre, la commission de résolution créée en vertu de l'article 113 de loi 2016-48 et régie par le décret gouvernemental 2017-189, le fonds de garantie des déposants, créé en vertu de l'article 149 de la loi 2016-48 et géré par le décret 2017-268 pourrait accorder un concours financier à une banque adhérente en situation compromise ou prendre une participation dans son capital. Encore faut-il vérifier si la BFT est adhérente audit fonds, si elle y est éligible et si elle est "redressable".

Option 1 : Assainissement de la BFT et revalorisation de ses actifs

Créer une structure de défaisance

La défaisance est un concept financier né aux États-Unis en 1982 avant d'être acclimaté en Europe. "C'est une opération ayant pour but d'améliorer le bilan d'une entreprise en se défaisant sur une entité distincte, d'actifs considérés comme compromis ». Dans son acception d'origine, il consiste dans le transfert irrévocable d'une dette, avant son échéance, hors du bilan d'une entreprise à une structure ad hoc, dotée d'une personnalité juridique propre.

Cette technique a par ailleurs, inspiré, à partir du début des années 1990, une nouvelle formule, pratiquée dans plusieurs pays, dérivée de la précédente, mais dont elle diffère cependant fortement, consistant en un transfert d'actifs compromis hors du périmètre de consolidation.

En pratique, une entreprise en difficulté cède à une entité tierce des actifs douteux auxquels elle substitue, dans son bilan, le prêt qu'elle consent à cette dernière, chargée de les liquider ou de les revendre au mieux. Ce prêt fait l'objet d'abandons de créances correspondant aux pertes enregistrées sur les actifs concernés au fur et à mesure de leur constatation. Même si ce véhicule ne peut pas être immédiatement opérationnel dans le cas qui nous concerne en l'absence d'une législation spécifique, il semble utile d'organiser d'ores et déjà la réflexion autour de sa légalisation qui peut servir dans des cas similaires à la BFT, vu sa taille et le volume des actifs en jeu, la BFT pourrait servir d'expérience témoin à une telle structure qui pourrait, si le modèle est validé, servir à d'autres cas.

Pour financer les pertes réalisées par les institutions financières en difficulté et assurer la continuité de leur exploitation, la formule de la défaisance, loin d'être inéluctable, n'en est pas moins une option parmi d'autres.

Mesures d'assainissement envisageables (Non réalistes)

Outre l'avantage du partage du coût de l'assainissement entre la BFT et l'État, le virement des actifs compromis du bilan de la Banque améliore nettement la situation de ses actifs et a un effet d'appréciation de la valeur de son agrément.

Prêt à taux bonifié accordé par l'État tunisien

À travers cette action, le coût de refinancement de la BFT serait réparti et partagé entre la BFT et l'État tunisien. L'allocation de ces ressources à faible coût dans un nouveau portefeuille d'investissement (BTA, titres d'investissement) permettra la résorption d'une bonne partie des pertes dues aux provisionnements des créances compromises conformément à la réglementation en vigueur.

Option 2 : Analyse et répercussions

Cette option se matérialiserait par la disparition de la personnalité morale de la BFT via l'intégration de l'ensemble de ses actifs et passifs à ceux de la STB. Aucun intérêt pour la STB pour manque de synergies potentielles dont pourrait bénéficier la STB. Bien au contraire, l'absorption de la BFT par la STB aggraverait la détérioration des indicateurs de gestion de la STB, notamment : 

Outre la consolidation des éléments bilanciels de la BFT avec la STB, l'absorption engendrerait un transfert des droits et des obligations rattachés au personnel (219 personnes à fin 2015) qui feront l'objet d'une intégration au personnel de la STB.

Préconisation : Option à éviter

Nonobstant le coût extrêmement élevé et son effet sur les actionnaires privés de la STB notamment les petits épargnants, la mise en œuvre effective de cette option poserait un réel problème au niveau du redéploiement et de l'affectation du personnel de la BFT dans la STB. Outre tous les aspects développés ci-dessus, cette option est de nature à fragiliser la STB et à compromettre sa croissance future en augmentant les risques auxquels elle fait face.

Option 3 : Liquidation de la BFT et responsabilités juridiques des pouvoirs publics (Inévitable)

En cas de liquidation de la BFT, la STB et par conséquent l'État pourrait craindre que sa responsabilité soit engagée bien au-delà des limites de ses apports au capital mais aussi de devoir contribuer fortement à la prise en charge du passif et du personnel de la BFT.

En effet, la responsabilité de l'État pourrait être directement engagée dans le cadre de l'exercice d'une action en responsabilité contre les membres du conseil d'administration pour faute commise dans l'accomplissement de leurs fonctions et dans le sens des dispositions de l'article 220 du Code des sociétés commerciales (CSC).

Risque de déstabilisation du système limité

Vu la taille de la BFT, une liquidation n'impactera que faiblement la stabilité du système bancaire et financier (risque systémique). En revanche, les pouvoirs publics sont tenus de parer aux possibles conséquences négatives que pourrait faire peser le dépôt de bilan d'une banque sur les opérateurs économiques notamment la difficulté de recouvrement des emprunts de la Banque auprès des établissements financiers de la place s'élevant à environ 150 MDT et sur l'opinion publique.

La protection des déposants, des épargnants, du personnel et des tiers est impérative

La perspective de cessation des paiements d'un établissement bancaire ne peut laisser l'État indifférent dès lors qu'elle expose les déposants au risque de non restitution de tout ou partie de leurs dépôts ou autres fonds remboursables. Certes, l'activation du mécanisme de garantie d'indemnisation des déposants en cas d'insolvabilité d'un établissement de crédit prévu par l'article 113 de la Loi n°2016-48 du 11 juillet 2016 et par le Décret gouvernemental n°2017-268 du 1er février 2017 est envisageable mais constituera une première et donc avec une mise en œuvre longue et difficile.

Outre la prise en compte des préoccupations sociales majeures de la fermeture d'une entreprise de 219 employés et de leur indemnisation. La solidarité des banques et des établissements financiers de la place pourrait aussi prendre la forme de la prise en charge de l'ensemble du personnel de la BFT par leur réintégration dans différents établissements publics mais aussi privés. Les quotas de réintégration pourront être définis selon le nombre du personnel des banques et des établissements financiers de la place par rapport au nombre total du personnel bancaire et financier.

À titre moyen, étant donné que le nombre du personnel des banques résidentes avoisine 21.000 personnes et que le nombre du personnel d'une banque est de 1.000 personnes, celle-ci pourrait engager 4,8% du personnel de la BFT, soit pas plus de 10 personnes. Ainsi, l'impact d'une telle mesure sur l'organisation et sur la masse salariale de la banque concernée est limité.

Néanmoins, une telle mesure pourrait faire face à une réticence de la part de la société ABCI en cas de jugement définitif en sa faveur ou en cas d'accord entre les parties au litige ne prévoyant pas la liquidation de la BFT.

Publié le 15/01/18 14:41

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