COURS | GRAPHIQUES | ACTUS | FORUM |
A partir de 2022, notre voisin, l'Algérie, portera sa production nationale de phosphate à 10 millions de tonnes par an pour se positionner ainsi parmi les premiers pays exportateurs de phosphate au monde. Un projet qui peut inquiéter la Tunisie d'autant plus que le secteur du phosphate est gravement sinistré depuis 2011 généré par une situation chaotique de la CPG.
L'Algérie, troisième producteur de pétrole en Afrique, a vastement communiqué sur le développement de sa production nationale de phosphates. Son ambition est de taille : faire passer le niveau de production nationale de phosphates de 1 à 10 millions de tonnes par an et occuper ainsi le 5ème rang mondial des producteurs de phosphates, place occupait par la Tunisie du temps de sa succès story phosphatienne.
En effet, depuis 2010 la Tunisie a perdu sa place de choix parmi les premiers producteurs mondiaux de phosphate au profit d'autres pays comme le Maroc qui a profité de l'instabilité de la production tunisienne pour gagner des parts de marché et se classer au 3ème rang des pays exportateurs de phosphate. De son coté, l'Algérie à travers le groupe pétrolier public Sonatrach a entrepris la construction d'un complexe d'extraction et de transformation de phosphate d'un coût de 6 milliards de dollars, un projet qui inquiète autant la Tunisie que le Maroc.
Un projet sino-algérien qui place l'Algérie à la tête d'une richesse considérable
Le groupe pétrolier public algérien Sonatrach et deux sociétés chinoises, la CITIC (China International Trust and Investment Corporation) et Wengfu, une entreprise spécialisée dans l'extraction du phosphore et la production d'engrais ont conclu le 26 novembre dernier un accord pour la réalisation d'un complexe d'extraction et de transformation de phosphate. L'entrée en production est prévue pour 2022 et permettra au pays de porter sa production de phosphate de 1 million de tonnes actuellement à 10 millions de tonnes par an. L'Algérie occupera alors le 5e rang mondial des producteurs de phosphates derrière l'Office Chérifien de Phosphate du Maroc qui occupe aujourd'hui la troisième place.
Ce projet d'investissement sino-algérien pour lequel l'Algérie a lourdement communiqué brassera près de 2 milliards de dollars et permettra la création de 3.000 emplois selon le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia. Il a également fait savoir qu'une voie ferrée sera dédoublée pour permettre le transport du phosphate produit dans la région de Tébessa jusqu'au port d'Annaba en ajoutant qu'il s'agit "d'un des plus grands projets industriels de la dernière décennie en Algérie et qui marque le début d'un véritable partenariat entre l'Algérie et la Chine».
Le complexe industriel permettra l'extraction de phosphate du gisement de Bled El-Hadba, dans la région de Tébessa à 630 km à l'est d'Alger d'une capacité de 500 millions de tonnes ainsi que la production d'engrais phosphoriques et d'acides d'ammoniac. Cette nouvelle entité sera détenue à hauteur de 51% par l'Algérie et de 49% par la Chine.
Et la Tunisie dans tout ça ?
Avant la révolution de 2011, la Tunisie était classée 5ème plus grand producteur de phosphate dans le monde, mais après cette date le pays a perdu son rang au profit d'autres pays. Les difficultés actuelles ne sont pas uniquement dues à la crise socio-économique que vit le pays mais également à une flambée de la concurrence sur le marché mondial de phosphate. De nouveaux producteurs tels que l'Arabie Saoudite ou le Pérou ainsi que l'accroissement de la capacité de production du Maroc, de la Chine et de l'Inde ont placé la Tunisie en queue de peloton des pays exportateurs de phosphate.
Depuis 2011, les sit-in et les protestations relatives au recrutement au sein de la CPG font rage. Blocages, échauffourées, contestations sociales et régionales, revendications liées aux concours de recrutement et à une amélioration des conditions de travail… le secteur du phosphate fait face à une longue série de contestations.
En janvier 2018, l'objectif était d'atteindre un seuil de production de 6,5 millions de tonnes de phosphate mais le déclenchement des sit-in et leur poursuite jusqu'au mois de mars 2018 a engendré le blocage total de l'activité du secteur. Cet énième arrêt de la production a causé des pertes considérables et a renforcé l'idée qu'il s'agit d'un dossier national urgent et prioritaire pour l'Etat tunisien.
En chiffres, la production de phosphate est passée de 9 millions de tonnes en 2010 à 3 millions de tonnes en 2018 qui s'est soldée par un résultat déficitaire de 130 millions de dinars.
A l'heure où la Tunisie se débat dans les marasmes d'une crise économique aigüe et que l'un de ses fleurons est en pleine difficulté, le cours du phosphate sur le marché mondial enregistre une hausse sensible. Les autorités paraissent impuissantes et les mouvements de protestation sont en pleine recrudescence.
Les prémices d'une reprise en 2019 ?
Selon le budget économique 2019, la Tunisie prévoit une hausse de 10% au niveau des recettes du secteur minier avec une production de phosphate brut de l'ordre de 5 millions de tonnes soit l'équivalent d'une croissance de 30% par rapport à 2018. Le secteur des phosphates devrait alors détenir à lui seul des investissements d'environ 140 millions de dinars en 2019.
Toutefois, la récurrence des protestations ouvrières à motivation socio-économique est de plus en plus importante au moment où le gouvernement compte se focaliser en 2019 sur la reprise du rythme habituel de la production, l'extraction et le transport du phosphate et ses dérivés via un renforcement des dispositifs de la Société nationale des chemins de fer tunisiens (SNCFT). Mais cela suffira-t-il pour résorber la concurrence algérienne à venir ?
Khawla Hamed
Publié le 30/01/19 14:17
Vous avez aimé cet article ? Partagez-le avec vos amis en cliquant sur les boutons ci-dessous :