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Le groupe bancaire marocain BCP a-t-il été évincé par l’Etat tunisien dans le rachat de la BTK ?

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1

Alors que le groupe bancaire marocain BCP (Banque Centrale Populaire) devait racheter les 60% du capital de la BTK (Banque Tuniso-Koweïtienne) détenus par le groupe français BPCE, l'Etat tunisien, qui avait déjà 20% du capital de la banque, décide, à la surprise générale, d'exercer son droit de préemption. Pourquoi une telle décision ?

Commençons par le commencement. Le groupe français BPCE avait décidé en 2018 de céder ses quatre filiales bancaires africaines (au Cameroun, à Madagascar, au Congo et en Tunisie) au groupe bancaire marocain BCP dans le cadre de sa stratégie de désengagement du continent. Cette décision a été officialisée le 25 septembre 2018 par un accord signé au siège du groupe BPCE à Paris.

Le périmètre devant être cédé à la banque au cheval comprenait ainsi la Banque Tuniso-Koweïtienne (BTK), filiale à 60% de la BPCE. Alors que tout le monde s'attendait à la finalisation de l'opération ces derniers jours au profit de la BCP, l'Etat tunisien, déjà actionnaire à 20% dans la BTK, a signé, vendredi 13 décembre, le contrat d'acquisition de la participation de BPCE. La surprenante annonce a été faite à travers des photos postées sur la page facebook du ministère des Finances.

Cette décision pose notamment plusieurs interrogations : Pourquoi l'Etat tunisien a préféré exercer son droit de préemption que lui accorde son statut d'actionnaire de la banque ? Ne voulait-il pas d'une autre banque marocaine dans le paysage bancaire tunisien (après Attijari et dans une moindre mesure BMCE) ? Va-t-il garder cette participation de façon permanente ou la céder ultérieurement à une banque tunisienne ?

La décision est-elle d'ordre politique ?

Alors que les autorités publiques tunisiennes s'abstiennent d'expliquer la raison qui a poussée l'Etat à racheter la BTK, des sources bien informées avouent ne pas comprendre pourquoi l'Etat tunisien, aux finances publiques dégradées, décide malgré tout de mettre de l'argent, quoique faible selon des sources concordantes, dans une banque. Et ce, malgré les appels du FMI aux autorités pour se désengager des banques publiques. De surcroît, la BTK est une banque qui nécessite un redressement profond qui devra mobiliser encore plus d'argent si l'Etat décide de la remettre sur pieds.

Faut-il encore rappeler, sur ce point, que la banque cumule au 31 décembre 2018 des pertes de près de 130 millions de dinars et ce, malgré une augmentation de capital d'un montant de 100 millions de dinars réalisée après avoir accusé en 2016 une perte record de 82,5 millions de dinars et suite à laquelle les capitaux propres de la BTK sont passés de 167,6 millions de dinars à 84 millions. En conséquence, la banque ne respectait ni les ratios de solvabilité ni les normes de concentration et de division des risques. D'où la décision d'augmenter son capital. 

La grande question qui se pose : L'Etat a-t-il décidé de monter malgré tout à 80% du capital dans le but de préserver la souveraineté du secteur bancaire tunisien et de freiner la présence marocaine en Tunisie ? Pour nos sources, difficile de répondre à cette question mais pour la BCP, en tout cas, il était difficile de faire aboutir ce deal pour deux raisons principales.

La première est qu'elle devait avoir, comme dans tous les pays dans lesquels elle s'implante, les autorisations nécessaires des pouvoirs publics tunisiens pour boucler l'opération, ces mêmes pouvoirs publics qui ont décidé de se porter eux-mêmes acquéreurs.

La deuxième est qu'avant de conclure, la BCP devait parvenir à un accord avec l'un des actionnaires autres que BPCE, à savoir l'Etat tunisien (20%) ou le fonds souverain koweïtien (20%), pour le rachat d'une partie ou de la totalité de leur part a fin d'atteindre la majorité absolue dans le capital. " La BCP n'allait pas accepter de racheter les parts de BPCE si elle n'était pas assurée d'avoir la majorité absolue ", assure-t-on.

Il est inutile de vous rafraîchir la mémoire sur le cas d'Attijari bank (ex Banque du Sud) ou comment une banque en quasi-faillite devient au bout de quelques années dans le trio de tête des meilleures banques tunisiennes en matière de PNB, de collecte de dépôts, de concours à l'économie et aussi de bénéfices réalisés. Actuellement, le Groupe est composé de 12 sociétés opérant dans l'assurance, le leasing, l'intermédiation, l'immobilier, l'informatique …

S'agit-il d'une opération de portage ?

Tant de zones d'ombre à éclairer. Admettons que la présence de l'Etat dans le capital de la BTK n'est que pour une période transitoire, l'Etat va-t-il céder ultérieurement sa participation à une autre banque ou bien à la Poste Tunisienne ? Même cette dernière pourrait ne pas être la seule institution publique concernée.

C'est une hypothèse tout à fait envisageable. Ce qui explique, peut-être la présence du ministère des Technologies de la communication et de l'Economie numérique, Anouar Maarouf, à la cérémonie de signature.

Pour conclure, nos sources estiment que le fait que ce deal n'ait pas abouti pour la BCP ne devrait à la limite pas la gêner dans la mesure où la BTK nécessite une restructuration profonde et que les perspectives de l'économie tunisiennes ne sont pas encore favorables.

Par Omar El Oudi, Rédacteur en Chef d'ilBoursa.com, et Souhail Nhaili, Directeur de la publication de MEDIAS24  

Publié le 20/12/19 16:07

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