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Par Moez HADIDANE
TERA TRAINING
Les paiements en Tunisie adossés à un moyen de paiement autre que l'espèce, monétique cash out, et les paiements SGMT* (Système de Virements de Gros Montant Tunisien), représentent en 2023 un montant de 241,4 milliards de dinars contre 220,3 milliards de dinars en 2022, soit une progression de 9,6%.
Durant les neuf premiers mois de 2024, ces paiements ont atteint 189,8 milliards de dinars, en progression de 7,3% par rapport aux neuf premiers mois de l'année 2023. En moyenne, la traite accapare 13,6% des paiements susmentionnés, largement derrière les chèques avec une moyenne de 51,5% et les virements avec une moyenne de 21,2%.
Au niveau des moyens de paiements télécompensés, le taux de rejet des transactions par traite en valeur est de 8,1% durant les neuf premiers mois de l'année 2024 contre un taux de rejet pour les chèques en valeur de 2,4%.
La nouvelle réglementation des chèques (loi 41-2024) va certainement bousculer les transactions par chèque, au moins durant les premiers mois d'application des dispositions relatives à la nouvelle forme du chèque, la plateforme, au plafond, à la validité du chèque et aux sanctions relatives aux chèques de garantie.
Ceci va se répercuter sur les transactions commerciales en nombre et en valeur et sur le comportement des acteurs économiques habitués à utiliser le chèque comme moyen de paiement à échéance.
La traite, en tant qu'instrument de paiement, par excellence, à crédit, peut être une alternative au chèque, sous réserve d'en améliorer l'efficacité et la viabilité. Ce renforcement repose sur quatre axes de réformes indispensables :
L'élargissement de la CCI aux traites impayées et l'implication des bureaux de crédit
Le plus gros du volume des traites transite par le système de télécompensation géré par la SIBTEL (Société interbancaire de télécompensation créée depuis 1999 par la BCT, l'Office National des Postes (ONP), la communauté bancaire et Tunisie TELECOM pour la gestion de la compensation et l'archivage électronique).
La SIBTEL assure le dénouement des opérations de compensation en 24 heures et possède le statut d'archiveur électronique légal pour les chèques et les lettres de change normalisées. La lettre de change normalisée en tant que valeur télécompensée est traitée depuis 2003 avec image sans échange physique. Le passage de la télécompensation des lettres de change de la version 48 H à la version 24 H a eu lieu le 10 janvier 2011.
Les statistiques, les informations et les données de rejet des traites sont par conséquent disponibles. Il est profitable de créer une Centrale des Traites Impayées comme c'est le cas des chèques (article 411 sexties du Code de commerce).
La BCT et la SIBTEL ont l'opportunité de partager les informations relatives au taux de rejet par agents économiques avec les bureaux de crédits. Les sociétés d'information sur le crédit sont régies, en ce qui concerne leur création et l'exercice de leur activité, par les dispositions :
Les sociétés d'information sur le crédit procèdent à la collecte des informations sur le crédit et à la prestation de leurs services dans le cadre de conventions écrites établies, préalablement, entre les fournisseurs d'informations mentionnés à l'article 12 du décret-loi n° 2022-2 et la société d'information sur le crédit.
La convention doit être conforme aux dispositions du décret-loi susmentionné et à la législation relative à la concurrence et aux prix et doit fixer clairement la facturation des services fournis par les sociétés d'information sur le crédit.
Les sociétés d'information sur le crédit produisent des rapports de crédit renfermant les informations sur le crédit de la personne concernée et des renseignements sur sa capacité à honorer ses engagements financiers. Les sociétés d'information sur le crédit peuvent émettre des rapports de crédit dans les cas suivants :
Il est interdit d'exploiter les informations sur le crédit ou les rapports sur le crédit à des fins autres que celles mentionnées à l'article 23 du même décret-loi.
Au final, les sociétés de crédit-bureau peuvent jouer un rôle important dans l'écosystème de la lettre de change en fournissant aux créanciers des informations relatives à la solvabilité de leurs clients tirés, moyennant le paiement de commissions, qu'elles rétrocèdent en partie à la BCT et à la SIBTEL.
La subordination du rejet de la traite télécompensée à une période de préavis
Actuellement, la traite est à la date de son échéance : soit payée par la banque s'il y a provision (ou sur décision de la banque), soit rejetée (Fill or Kill). Il est plus judicieux d'avertir le tiré moyennant un préavis contre une rémunération de la banque sous forme d'une commission pour couvrir les charges inhérentes. Le préavis accorde au tiré un délai de reconstitution de la provision.
La production d'un CNP en remplacement de l'Avis de Non-paiement
Si le tiré (accepteur de la lettre de change) ne procède pas à la régularisation dans le délai fixé dans le préavis, la banque du tiré établit un certificat de non-paiement (CNP) comportant (i) la transcription littérale de la lettre de change, (ii) l'indication de la date de présentation, (iii) le défaut ou l'insuffisance de provision ou son indisponibilité et, (iv) s'il y a lieu, tous autres motifs ayant fait obstacle au paiement.
Cette procédure existe déjà mais dès le rejet de la traite (sans délai de préavis). La nouveauté proposée est que la banque produit un CNP ayant force juridique en remplacement de l'ANP et que sa date fait foi de date de protêt (art 307 et art de 317 à 320 du code de commerce).
Le CNP doit être adressé par la banque du tiré au débiteur et à la banque du bénéficiaire qu'elle remet à son client via la plateforme numérique utilisée pour les chèques ou tout autre moyen laissant une race écrite.
Les incidents de rejet (production de CNP) doivent être enregistrés dans la Centrale des Traites Impayés tenue par la banque centrale. Chaque agent économique est lui ai attribué un Scoring (taux de rejets de ses traites). Ces Scoring sont communiqué en continue aux bureaux de crédit moyennant abonnement, qui à leur tour peuvent les communiquer à tout commerçant qui en fait la demande.
La sanction des mauvais payeurs
Le Scoring attribué à chaque agent économique est la sanction même. Chaque personne physique ou morale s'efforcera qu'il soit lui attribué un bon Scoring, qui traduit sa crédibilité et son image de marque et par conséquent sa force commerciale.
Un fournisseur peut accepter ou refuser le paiement par traite après consultation du Scoring de son client.
*Le SGMT (Système de Virements de Gros Montant Tunisien) est le système RTGS (Real Time Gross Settlement, règlement brut en temps réel) géré par la Banque Centrale de Tunisie. Ce système, mis en service en novembre 2006, constitue une infrastructure de paiement qui permet d'effectuer des paiements rapides et sécurisés entre les institutions financières participantes.
Publié le 03/01/25 09:18
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