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Comment le secteur bancaire peut-il sortir plus fort de la crise du Co

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Posté le 26/06/2020 12:58:30
Enfin un expert qui parle , le régulateur doit intervenir pour imposer ces mesures , le point 6 par exemple on ne peut le faire que via l'exigence d'un capital minimum obligatoire pour les banques ( pas moins de 500 millions de dinars ) comme ça les banques vont s'unifier par la force des choses
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Posté le 26/06/2020 12:58:30

Par Ridha MEFTAH Partner | FSSA - Financial Services Leader | Advisory Services

AMC Ernst & Young

 

Il est certain que le secteur bancaire est fortement impacté par les conséquences économiques et sociales de la pandémie de Covid-19. Le rééchelonnement des crédits, la suppression de certaines commissions sur transactions bancaires (monétiques…), le ralentissement d'autres commissions (entre autres dû à la chute des activités de commerce international), la dépréciation des titres des valeurs mobilières, l'augmentation des coûts de ressources, l'augmentation du volume des impayés des entreprises agissant dans les secteurs sinistrés… auront certainement un impact sur la performance du secteur bancaire en 2020 mais fort probablement pour les deux prochaines années aussi.

Néanmoins, cette crise représente également une opportunité pour le secteur bancaire pour sortir plus fort et plus mature et ce, à travers la mise en place des 9 initiatives suivantes :

1- Investir dans le digital pour améliorer le parcours du Client

Avant le digital, les parcours clients étaient relativement linéaires, assez lents et prévisibles… mais surtout imperméables aux acteurs de l'écosystème. En effet, longtemps tournées sur leur organisation et leurs produits, les banques se voient contraintes aujourd'hui, d'adopter des modèles ouverts pour rester dans la course. Et cela est d'autant plus avéré que la révolution digitale est venue complètement bouleverser les parcours clients avec deux grands changements notables :

  • L'aspect mobile et connecté du client qui engendre de nouveaux défis dans les parcours " temps réel "
  • L'aspect social qui amène le consommateur à s'informer, mais également à donner son avis et à collaborer avec d'autres consommateurs, et cela d'une manière assez engageante.

Les banques doivent mieux exploiter leur atout majeur : leur capacité à connaître leurs clients qu'elles accompagnent tout au long de leurs parcours de vie. Quel que soit le cycle de consommation, au cours des parcours clients, il y a trois moments forts situés entre besoins et usages que les banques se doivent de garder en ligne de mire : l'acquisition, la mise à disposition et l'aide à l'usage.

Par conséquent, pour gagner cette course, les banques ont intérêt à s'appuyer sur un écosystème riche de partenaires, fintechs, regtechs, inssuretech etc… qui proposent une interprétation nouvelle du parcours client. C'est en effet, avec ces nouvelles solutions qu'elles pourront améliorer l'expérience de leurs clients pour fidéliser tout en attirant de nouveaux prospects, plus jeunes et plus digitaux.

L'enjeu n'est donc plus de se cantonner à délivrer un service financier, mais à accompagner les clients en amont et en aval de leurs besoins et de surcroit. Le vrai défi n'est pas technologique mais consiste à construire des parcours de " vie " en mettant l'écoute du client au centre de la réflexion continue afin d'identifier le parcours qui correspond à chaque client. Ces parcours doivent être facilement accessibles, en ligne ou sur mobile, mais également des parcours adaptés alliant digital et physique selon le besoin et l'appétence du client. Il est de temps de passer d'une gestion de compte à une gestion dynamique de la relation Client.

2- Réduire sensiblement l'appétence d'investissement en réseau d'agence physique

Les changements en cours et à venir vont s'intensifier pour la banque traditionnelle (digitalisation massive des services bancaires, complémentarité entre services digitaux et physiques), dopés par les nouveaux entrants tels que les banques en ligne et les fintechs marquant l'entrée du secteur dans l'ère de l'Open Banking.

L'idée pour les banques serait de réduire sensiblement l'investissement dans un large réseau d'agences, donc des agences moins nombreuses, mais augmenter sensiblement l'investissement dans l'équipement des agences et donc avoir des agences plus intelligentes.

En effet, ces efforts accrus dans l'automatisation et l'expérience client feront converger les différents canaux bancaires pour assurer au client un parcours homogène et cohérent sur l'ensemble des points de contact avec leur banque. Le challenge pour ces dernières consistera à trouver le juste équilibre entre services en ligne et le " face to face ".

3- Faire confiance à l'intelligence artificielle, elle donne des résultats concrets

Selon l'IDC, les dépenses mondiales consacrées aux systèmes d'intelligence artificielle dépassent les 40 milliards de dollars actuellement. Uniquement 15% de ces dépenses sont initiées par le secteur bancaire et destinées notamment à des systèmes automatisés de veille et d'informations sur les menaces, ainsi que des systèmes d'analyse et d'investigation des fraudes. 

L'intelligence artificielle appliquée à la Relation Client, et particulièrement l'analyse des verbatims s'est avéré être une solution innovante pour améliorer l'expérience client, et pour permettre de placer le client au cœur de sa stratégie. En effet, l'IA permet ainsi de mieux prendre en compte la voix et les attentes du client dans chaque décision et action d'innovation.

De nombreuses banques ont déployé des robots avant la crise, ce qui leur a permis d'atteindre leurs objectifs pendant la crise COVID-19 et jusqu'à présent, avec une intervention humaine limitée.

En plus de la réduction des coûts et de l‘efficacité, pendant la crise, les robots ont continué à traiter des milliers de transactions par cartes, paiements et autres opérations bancaires quotidiennes. En effet, les robots ont continué à fonctionner comme d'habitude et ont également généré des revenus.

Il est temps d'accélérer l'investissement dans l'automatisation intelligente et d'aller au-delà de l'automatisation des processus robotiques pour passer à des formes avancées d'Intelligence Artificielle.

4- Rationaliser l'investissement dans les systèmes d'information classique (Legacy system) et s'orienter davantage vers les modèles " As A Service " et " Pay-As You Go "

Les banques fonctionnent actuellement en utilisant des structures de coûts informatiques fixes et des systèmes d'information (Global Banking) très coûteux. D'après notre expérience, la plupart des banques ayant de tels modèles d'exploitation informatique ont trouvé plus de difficulté à répondre à la crise que leurs pairs qui se trouvent avec une infrastructure informatique plus flexible. Selon une récente enquête d'EY, plus de 80 % des banques interrogées estiment que les services Cloud permettent une meilleure optimisation des coûts et représentent un avantage important notamment en termes de " Time to Market ".

Les DSI doivent s'orienter vers de nouveaux outils/modèles modernes et émergents tels que le Cloud (Pay as you go), le RPA et l'AI pour maîtriser les coûts en réduisant l'infrastructure existante et la dette technique des " Legacy System " en se débarrassant de contrats coûteux, en faisant la chasse aux processus inefficaces, mais, notamment, pour pouvoir déployer la technologie à la vitesse à laquelle leurs clients et employés en ont besoin plutôt que aussi vite que leurs " Legacy System " le permettront. De telles dispositions permettent de réduire de 20 à 30% les coûts existants.

5- Mettre en place un dispositif interbancaire de Services partagés sur des activités non compétitives pour ainsi optimiser et mutualiser les structures de back Office

Les banques doivent entamer leur industrialisation en s'appuyant sur des modèles coopératifs qui permettent de mutualiser les moyens de production. Ces alliances devront venir à la suite d'une réflexion sur la valeur ajoutée et le caractère différenciateur des différents métiers de la banque pour ainsi convenir de la mutualisation des activités non compétitives, dans une logique de consolidation des volumes pour réduire les coûts de traitement unitaire des opérations. Cette dernière permet aux banques de maintenir leur présence sur un métier très compétitif, tout en partageant les coûts d'exploitation et en bénéficiant des expertises complémentaires des partenaires.

A titre d'exemple, le processus de " KYC " ; les banques dans le monde consacrent en moyenne chacune jusqu'à 88 millions de dollars par an à collecter et à stocker des informations sur les entreprises clientes. Pourtant, à ce stade, cette activité ne leur apporte aucun avantage concurrentiel, et répond uniquement aux obligations réglementaires de lutte anti-blanchiment et de financement du terrorisme et d'identification des clients (Know Your Customer).

Les banques concurrentes auraient donc intérêt à travailler ensemble pour centraliser leurs informations clients au sein d'un unique "gestionnaire de données" (KYC Utility) avec des habilitations spécifiques pour l'accès à la donnée client de chacune des banques membres. Dans un contexte où les banques peinent à améliorer leurs marges, elles pourraient ainsi réduire les coûts et délais liés à la collecte, au stockage et à la gestion de ces informations clients.

6- Réorienter la force commerciale vers le métier de consulting et d'accompagnement des clients notamment le segment TPME

Les banques sont encore au début du chemin en la matière d'accompagnement et de conseil, surtout qu'il s'agit de répondre à des attentes qui dépassent le métier bancaire. Réinventer la force commerciale vers le métier du consulting et d'accompagnement consisterait à ce que l'agence bancaire devienne une plateforme dédiée à l'accompagnement des clients notamment le segment TPME dont les besoins dépassent généralement le simple soutien financier.

Donner, pour ce segment en l'occurrence, accès à diverses informations liées à l'entrepreneuriat et proposer également des formations thématiques liées aux compétences managériales (marketing, comptabilité, communication, etc.), mettre à disposition des conseillers sur place pour apporter des éclairages et un accompagnement sur le processus de création de l'entreprise, les études de marché, la mise en relation avec les opérateurs, l'orientation et l'inscription aux mécanismes de l'Etat, etc.

7- Revisiter les compétences du capital humain… Une fonction RH " Business Partner " au service de la Banque

Les RH d'aujourd'hui se doivent d'être plus opérationnelles, en étant alignées directement à la stratégie globale de la banque. S'occuper non seulement du recrutement et de la paie mais aussi en accompagner les changements structurels, anticiper les évolutions des emplois, mesurer la valeur ajoutée des collaborateurs de l'entreprise et remonter les frustrations de ces derniers. Le rôle des RH est également de renforcer la marque employeur de la banque afin d'attirer plus et mieux, notamment dans un contexte qui perd de plus en plus en attractivité.

En effet, les banques qui sont les plus centrées sur l'humain et qui ont le plus grand engagement à la fois avec leurs clients et leurs employés, se verront marquer une croissance plus rapide, plus forte mais surtout plus durable. Pour les employés, il s'agit de la profondeur à laquelle ils se sentent pris en charge et que le leadership pense à leur santé, à leur bien-être et la productivité. Les employés les plus connectés et les plus engagés guideront toujours leurs banques vers un avenir meilleur.

8- Mettre en place un dispositif adéquat de gestion des risques et de la liquidité

La majorité des banques ont engagé des efforts significatifs en vue de renforcer leurs fonds propres et leurs réserves de liquidité. Néanmoins, les dispositifs de pilotage des risques en place ne reflètent pas complètement le niveau de risque réel, n'intègre pas les nouveaux risques (cyber, CatNat, pandémie...) et, surtout, ne permettent pas aux dirigeants de disposer de tous les éléments d'anticipation requis.

En effet, et à titre d'illustration, les banques dans leur majorité, recourent à des impasses ou gaps "statiques" dans leur gestion de la liquidité quotidienne, c'est-à-dire sans faire l'hypothèse de création de nouveaux éléments d'actif ou de passif. Toutefois, les impasses dynamiques, qui ajoutent à la vision statique des scénarios possibles sur l'évolution de l'activité, permettraient par exemple de mieux anticiper les besoins en liquidité de la banque et donc d'optimiser les coûts liés, de mieux valider les budgets prévisionnels de la banque, ou alors de visualiser comment le bilan de la banque résisterait à des situations de "stress" sur le marché (augmentation des retraits, dégradation de la liquidité…)

Par conséquent, dans ce contexte de plus en plus exigeant, l'efficacité du pilotage des risques s'affirme comme un levier majeur de la performance des établissements financiers, en complément des éléments constitutifs de la rentabilité. Pour progresser vers cet objectif, le pilotage des risques doit avant tout répondre à deux enjeux :

  • S'inscrire dans la stratégie globale de l'établissement,
  • Refléter le plus fidèlement possible les risques inhérents aux activités.

En effet, un dispositif de pilotage optimisé fournit au top management les moyens pour mieux évaluer le profil de risque courant de l'établissement et une capacité d'anticipation des difficultés. Il devient ainsi possible d'adapter le business model non plus en réaction au passé mais à la lumière des risques anticipés, facteur indéniable d'agilité stratégique.

9- Oser pour une consolidation du secteur bancaire via des initiatives de fusion et de rapprochement

La majorité des banques tunisiennes ont, individuellement, de faibles chances d'être compétitives tant à l'échelle régionale que continentale. Elles souffrent d'une sous-capitalisation, d'une faible capacité de financement des grands projets, de l'inadéquation des systèmes d'information et d'un coefficient d'exploitation trop élevé.

Les revenus des banques tunisiennes sont principalement tirés de la marge d'intérêt et plus particulièrement sur les activités de banque de détails. De surcroit, les banques sont très peu, sinon pas positionnées sur les métiers de banque d'investissement, découragées par la taille restreinte du marché financier et l'attitude peu audacieuse des acteurs de la place.

Par conséquent, la forte croissance des crédits corrélée à une progression moins accentuée des fonds propres a affecté la solvabilité de certaines banques de la place.

Face à ces constats et les difficultés que connait l'économie tunisienne, la restructuration du secteur bancaire tunisien devient impérative pour remédier à ces insuffisances. L'objectif de la restructuration de ce système est de lui permettre de bénéficier d'une meilleure efficience et d'acquérir une taille critique pour être réellement compétitif face à la montée en puissance de la concurrence.

L'atomicité, la faible capitalisation et l'éclatement du secteur bancaire tunisien nécessite l'assainissement d'abord et le rapprochement ensuite, entre les banques afin d'avoir une taille critique leurs permettant d'être plus efficaces sur le plan local et plus compétitives sur le plan régional et international.

Avoir des banques de grandes tailles permettrait surtout de financer les projets de grande envergure, nécessaire pour la relance de l'économie tunisienne et d'accompagner les entreprises tunisiennes désirant de conquérir le marché régional et international et ce en plus des synergies de coûts et de revenus et des perspectives de synergie de capital. Toutefois, l'euphorie qui accompagne généralement les annonces de regroupement ne doit pas passer sous silence les défis considérables qui rencontrent de telles opérations.


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