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Il est temps de repenser le système de sécurité sociale en Tunisie

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Posté le 08/04/2020 14:21:19
Et si comme dans ce crash boursier, la valeur des retraites s’effondre comme du fromage, exemple USA ?
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Posté le 08/04/2020 14:18:14
La retraite par capitalisation comporte quand même des risques: en cas de crash boursier, la valeur des retraites se trouve fortement diminuée. C'est ce qui est arrivé aux USA.
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Posté le 08/04/2020 14:18:14

Par Moez HADIDANE

Les déséquilibres structurels des caisses de sécurité sociale en Tunisie, conjugués aux menaces de licenciements techniques massifs qui peuvent être causés par la pandémie de COVID-19, risquent d'aggraver les injustices qui existent entre les différentes générations dans un sens ou dans l'autre. Le système de sécurité sociale en Tunisie, fonctionnant selon le principe de répartition, risque de s'arrêter complètement si la relation d'équilibre financier du système se trouve déboussolé. Des millions de dinars qui transitent par ces caisses, sont totalement oisifs, dans le sens, qu'ils ne financent point l'économie.

Revoir graduellement notre système de sécurité sociale au profit d'un système de capitalisation ou un mix entre les deux, sans les externaliser des caisses actuelles, donnera plus de justice sociale entre les cotisants et les pensionnés et donnera surtout une bouffée d'oxygène à l'épargne nationale, à l'investissement et aux financements des projets par les mécanismes propres et efficients du marché.

Défaillances du système actuel de sécurité sociale, dit de répartition

Notre marché boursier continue à souffrir de l'affaissement des capitaux échangés mais aussi de la contraction des actifs sous gestion. Toutes les structures chargées de l'allocation optimale des ressources aux projets les plus rentables sont menacées. Le financement de l'économie et la collecte de l'épargne sont plus captés par le secteur bancaire. Même, l'embellie relative que connaît le capital-investissements risque à terme de se bloquer si les structures de Private Equity se trouvent bloquer à réaliser leurs désinvestissements sur un marché secondaire liquide et profond.

Le système de sécurité sociale en Tunisie est un système dit de répartition. C'est-à-dire, ce sont les actifs d'aujourd'hui qui paient les prestations des pensions et des indemnités des bénéficiaires d'aujourd'hui. Ce système affiche deux défaillances majeures l'une d'ordre macro-intergénérationnelle et l'autre intra-générations.

Les régimes de sécurité sociale sous le champ de la CNSS (Caisse Nationale de Sécurité Sociale), comptent (données disponibles jusqu'à 2016) 2.280.373 assurés et 727.802 pensionnés. Le rapport démographique (Nombre des actifs pour un seul bénéficiaire de pension) en Tunisie (tous régimes confondus de la CNSS) est passé de 4,69 en 2010 à 3,55 en 2016 (sources CNSS). Ce rapport est de 2,57 pour le régime le plus important " Salariés non-agricoles " contre 16 en 1980 et 5 en 2002.

Actuellement, l'équilibre financier du système de sécurité sociale sous le champ de la CNSS est structurellement déficitaire. En 2016, les recettes de la CNSS s'élèvent à 2.494 millions de dinars contre des dépenses de 2.789 millions de dinars, dont 2.620 millions au titre des pensions de retraites. On imagine un peu, si les recettes de 2.494 millions de dinars, chaque année, sont investis dans le marché financier, et dégagent en plus une rentabilité positive.

Chaque année, les fonds collectés auprès des adhérents actifs vont directement dans les caisses des bénéficiaires des prestations sociales sans que ces fonds transitent par un système d'investissement. Toutefois, ces fonds sont insuffisants pour couvrir les prestations sociales, en particulier, les retraites (plus grande masse dans les dépenses). Ceci est lié directement à la baisse du nombre des actifs relativement par rapport à celui des pensionnés. La baisse de ce ratio est liée au vieillissement de la population (allongement de l'espérance de vie) mais également à un chômage structurel de 15% en Tunisie. La relation d'équilibre se trouve par conséquent désorientée.

Une baisse significative du nombre de cotisants (Chômage technique de masse) à la suite d'une calamité majeure (comme une pandémie) peut chambarder totalement cet équilibre, déjà précaire. Un tel scénario est synonyme d'incapacité totale de payer les pensions de retraite sous contrainte du principe de solidarité inter-générationnel du système de répartition.

Autre faiblesse du système actuel. Un salarié qui aurait cotisé à la CNSS pendant une quinzaine ou une vingtaine d'années et se trouve inopinément en chômage technique à l'âge, par exemple, de 50 ans, il n'a aucun recours à sa cotisation cumulée et versée pendant des années à la CNSS. Il aura juste droit, sous certaines conditions contraignantes, à une aide sociale équivalente à un salaire annuel plafonné à 12 fois le SMIG. Pourtant sa cotisation durant ses 20 ans de travail dépasse les 100 mille dinars.

Système de sécurité sociale par capitalisation

Dans le système de sécurité sociale qui fonctionne selon le principe de capitalisation, une épargne est constituée progressivement au cours de la vie active et elle permet, à terme, le versement des pensions de retraite.

Pour éviter que certains actifs ne se constituent aucune épargne, un niveau minimal d'épargne retraite est obligatoire dans la plupart des pays. Pour éviter aussi les comportements non optimaux des agents à rationalité limitée, cette épargne peut être fiscalement encouragée. Une partie des revenus du futur retraité est épargnée dans le but de constituer un capital au moment où il décidera de ne plus être actif. La forme de cette épargne peut prendre différents aspects :

1- Patrimoine géré par l'individu : dépôts bancaires, placements boursiers, biens immobiliers (logement), etc…

2- Épargne confiée à des gestionnaires :

  • Assurance vie ;
  • Fonds de placement ;
  • Fonds de pension. 

Le mode de gestion du patrimoine recherche une rentabilité de long terme et peut donc se permettre de prendre des risques de court terme. Les placements les plus rentables, actions, biens immobiliers et obligations, sont privilégiés. À mesure que l'âge de retraite approche, les risques de moyen et court termes doivent être réduits et l'épargne est déplacée vers des placements plus sûrs mais moins rentables.

Lorsque le travailleur prend sa retraite, deux possibilités principales sont offertes : 

  1. Le retraité reçoit les revenus de son capital et rachète (désépargne) progressivement son capital pour faire face à ses besoins. Dans ce cas, si la mort intervient avant l'épuisement du capital, le capital restant sera reversé à ses héritiers. Dans le cas contraire, (le capital est épuisé et le retraité est toujours en vie) le retraité se retrouve sans ressource et devra être secouru par la solidarité familiale ou pris en charge a minima par l'État ; 
  1. Le capital (ou une partie de ce capital) est transformé en rente viagère : un revenu fixe est versé au retraité jusqu'à son décès. Ce mécanisme donne plus de sécurité au retraité, car il lui assure de bénéficier d'un revenu jusqu'à la fin de ses jours, quel que soit l'âge de ce décès. Dans ce cas, le capital utilisé pour mettre en place la rente viagère n'est pas reversé aux héritiers. Ce système de mutualisation des risques permet de faire face efficacement à l'incertitude sur l'espérance de vie.

Au-delà, un système par capitalisation permet d'augmenter la quantité d'épargne d'un pays et donc de financer davantage d'investissements ce qui augmente la productivité et donc les revenus totaux. Cette épargne doit être placée sur des produits sûrs. Les gestionnaires des fonds de retraite placent généralement les fonds en diversifiant leurs placements et en investissant sur des produits à rendement et risque élevés pour les jeunes salariés, et des produits de moins en moins risqués et volatiles au fur et à mesure que la date de la retraite se rapproche (gestion inter temporelle optimisée)

Mettre en place tout une organisation, des structures et des organes de surveillance pour développer des fonds de pensions dans un modèle de sécurité sociale mixte aura des vertus partagées entre tous les acteurs économiques. Les caisses de retraites actuelles gardent leur rôle de centrales de collecte des cotisations et de gestion du système d'assurance sociale vue la logistique qu'ils ont développée.

Ces caisses délèguent et canalisent progressivement une partie des cotisations des adhérents vers des méga-fonds, ad hoc, de placement (fonds de pension) qui prennent en charge l'investissement de ces fonds sur des horizons longs (marché financiers, fonds des fonds du capital investissement, Biens Immobiliers, OPCI (Organisme de Placement Collectif Immobilier). Ces derniers ont eu du succès dans plusieurs pays. Leur rôle est d'acquérir des biens immobiliers professionnels ou résidentiels destinés à la location, ce qui résout d'ailleurs la crise de l'immobilier en Tunisie.

Ces fonds constitueront une force de frappe sur les marchés boursiers, contribueront à assurer une valorisation correcte des titres (investissement long terme) et permettront d'éviter une volatilité excessive du marché. Surtout que la Bourse de Tunis est de plus en plus boudée par les investisseurs et perd de son éclat.

Ce système doit prévoir la possibilité au cotisant de procéder à un appel de ses fonds en cas de besoin (chômage technique) et sous certaines conditions (retraits partiels et étalés dans le temps). Par ailleurs, les assurés continuent à cotiser dans un système minimum obligatoire destiné à couvrir les risques de maladie, d'invalidité temporaire ou permanente, accidents de travail, d'origine professionnelles ou non.

Newsletter AIB / Avril 2020


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