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Tunisie : Quelles seraient les marges de manœuvre du Gouvernement ?

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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Un rapport technique sur les marges de manœuvre du nouveau Gouvernement d'Union Nationale a été publié récemment par l'Institut arabe des chefs d'entreprise (IACE). Un document qui tient en compte les déficits des finances publiques, les besoins de financement courants en devises et leurs impacts prospectifs sur la dépréciation du taux de change du dinar.

Selon les auteurs du rapport, les marges de manœuvre du Gouvernement d'Union Nationale en matière de conduite des politiques économiques, et surtout pour la mise en œuvre des réformes annoncées, seront extrêmement limitées, voire fragilisées, si un assainissement préalable et opérationnel des finances publiques tardait à être implémenté.

La dépréciation du taux de change

La dépréciation du taux de change n'est que le reflet du décrochage des fondamentaux économiques, et particulièrement de la détérioration du déficit courant, souligne le document. 

Par rapport à la fin de l'année 2015 et jusqu'à fin juin 2016, le cours moyen du marché interbancaire en fin de période du dinar a enregistré une dépréciation vis-à-vis de l'euro de 9% (contre 3,3% au premier trimestre), du dollar américain de 7,3% (contre une appréciation de 0,7% au premier trimestre), du yen japonais (20,9%) et du dirham marocain (8,6%).

C'est certainement au niveau de la détérioration accrue du déficit courant et de son corollaire les besoins de mobilisation des ressources externes de son financement que se situent les sources majeures de risque.

En effet, explique le document, la baisse des exportations de biens (phosphates et dérivés, textiles, outillages mécaniques et électriques) et de services (tourisme) a aggravé les déficits commercial et courant, et s'est aussi accompagnée par une baisse des investissements domestiques et étrangers et par un recours à l'endettement extérieur.

S'agissant des financements extérieurs sous forme de prêts à moyen et long termes pour financer le déficit courant et le service de la dette, ils se sont élevés au terme de la période en question à 7,3 milliards de dinars, ce qui a porté le taux de l'endettement national à 51,1% du PIB. Pour leur part, les investissements étrangers n'ont pas dépassé les 2 milliards de dinars, ce qui a fait chuté les réserves en devises à 109 jours d'importations, à fin mai 2016, contre 121 jours, un an plus tôt et 128 jours, fin 2015

Aussi, pour toute l'année 2016, la BCT prévoit que le déficit courant se stabilisera autour de 7,205 milliards de dinars, soit 7,9% du PIB (contre 7,7% selon les dernières projections du FMI). Néanmoins, en l'absence de réformes adéquates destinées à rationaliser les dépenses d'importations et les transferts en devises, le déficit courant pourrait grimper à 10%, exigeant des financements extérieurs supplémentaires de l'ordre de 2 milliards de dinars, d'autant plus que la tendance des sorties de dividendes et de revenus des IDE s'est inversée depuis 2012 en dépassant largement leurs entrées nettes.

Les contraintes d'équilibre du budget de l'Etat

L'examen de l'évolution des équilibres du budget de l'Etat montre à quel point les précédents gouvernements ont massivement recouru aux emprunts externes dans le financement des dépenses de fonctionnement et de développement dans la période de transition. Depuis 2011, les ressources cumulées d'emprunts externes introduites dans les lois de finances ont atteint 23,235 milliards de dinars.

En particulier, l'impulsion initiale des dérapages qu'ont connus les finances publiques en Tunisie fût l'actionnement depuis le début de la période de transition d'une politique budgétaire expansionniste (médiatisée par le vocable go and stop), agissant essentiellement par l'accroissement des dépenses de fonctionnement (notamment par des hausses salariales).

Aussi, après la récession sans précédent qu'a connue l'économie en 2011 avec un taux de croissance de (-1,9%), une reprise artificielle a été enclenchée par la suite, et portée par une prépondérance plus accrue des services d'administration publique dans les activités non marchandes (16,78% en moyenne entre 2012-2013, contre 15,06% en 2010).

En particulier, les services non marchands d'administration publique ont cru durant cette période à une moyenne de 6,8% contre 4,8% en 2010, et donc contribué artificiellement à la dynamique de croissance en raison des recrutements massifs dans l'administration publique et des augmentations substantielles des traitements et salaires publics.

On relève globalement que le nombre de fonctionnaires est passé de 404.000 en 2010 à 630.000 en 2015, dont 48.000 concernent le programme des amnistiés de la fonction publique.

Déficit budgétaire et dette publique

L'expansionnisme budgétaire s'est aussi traduit par une hausse, à la fois, du déficit budgétaire primaire hors privatisations et dons (5,5% du PIB en 2015 contre 0,6% en 2010), du déficit budgétaire structurel (4,3 du PIB en 2015 contre 1,1% en 2010) et de la dette publique (53,2% du PIB en 2015 contre 40,3% en 2010).

En particulier, outre son accroissement, on note une part plus élevée de la dette publique exposée aux risques de change dès lors que la composante de la dette publique en devises (en % de la dette totale) est passée de 24,5% en 2010 à 62,6% en 2015. Il s'en suit que les mêmes difficultés latentes de mobilisation de fonds externes se révèlent comme les principaux problèmes induits dans le bouclage du budget de l'Etat.

En conséquence, il est prévu par les instances multilatérales la poursuite des fragilités externes liées à l'ampleur de la dette externe, et notamment son compartiment de la dette publique.

Besoins de financements externes des budgets économiques

Alors que les ressources d'emprunts externes du budget de l'Etat sont estimées à hauteur de 4.155 MDT pour 2016 (contre 4.268 MDT en 2015), les besoins de financements externes du budget économique le sont beaucoup plus (11.244 Millions de dollars, soit près de 24.738 MDT à fin 2016).

En fait, outre le poste d'amortissement spécifique du principal de la dette externe (qui est inclus dans la rubrique d'amortissement de la dette publique interne et externe dans le budget de l'Etat), le budget économique tient compte en plus des besoins de financement du déficit courant et du stock de l'encours de la dette à court terme.

Cette programmation est d'autant plus nécessaire face à l'aggravation du déficit courant et son corollaire, la dégradation de la position des réserves de change auprès de la BCT.

A cela s'ajoute d'autres besoins de financement : d'abord, ceux des déficits cumulés des caisses de sécurité sociale (CNRPS, CNSS et CNAM) estimé à hauteur de 3.000 MDT, ainsi que les déficits sur base consolidée des entreprises publiques non financières (STEG, STIR, Office des Céréales, Tunis-air, Régie Nationale des Tabacs, Transtu, Groupe chimique, ect…..), qui ont atteint 3.400 MDT en cumulé depuis 2011.

Ensuite, un besoin de financement additionnel du budget de l'Etat, à hauteur de 2.305 MDT, par suite de la présentation d'un projet de loi de finance complémentaire (LFC) pour 2016.

Au total, les besoins réels de financement additionnels liés au déficit courant et à la dette publique interne et externe sont estimés à hauteur de 7.305 MDT.

Politiques de réponses gouvernementales

La lecture des mesures proposées dans le projet de la loi de finance de 2017, récemment discutées en conseil des ministres, révèle un faible degré d'efficience et surtout une faible portée de réponse aux problèmes structurels du gap de financement estimé précédemment.

En effet, on y relève seulement des mesures fiscales, avec trois scénarii de révision du barème de l'impôt sur le revenu des personnes physiques qui généreraient en moyenne une économie budgétaire de 380 MDT, l'accroissement des recouvrements des recettes fiscales et des économies de dépenses globalement de 720 MDT en reportant notamment les élections municipales ou en réduisant les interventions du trésor, entre autres.

Dans le même temps, la proposition de report à 2019 des augmentations salariales permettrait d'économiser 1.600 MDT.
En l'absence de réformes radicales, ces mesures permettront certes de générer une économie budgétaire considérable minimale escomptée à 2.700 MDT, ce qui réduirait le besoin à 4.605 MDT (4,6 Milliards de dinars ou près de 2,1 Milliards de dollars), mais demeurent en l'état insuffisantes et disproportionnées par rapport au gap de financement des déficits publics et courant, ce qui laisse présager la poursuite de la dépréciation du dinar.

En absence de réformes radicales, les tendances futures du taux de change du dinar accuseront une dépréciation plus alarmante

La BCT a reformulé en 2012 le cadre opérationnel de la politique de détermination du taux de change du dinar tunisien, avec une gestion active plus flexible du taux de change, en calibrant le taux de change de référence sur la base du taux de change moyen sur le marché interbancaire et non en fonction d'un panier fixe de monnaies.

En d'autres termes, la BCT n'interviendrait sur le marché de change à travers des transactions bilatérales que lorsque les cotations de marché subiraient des déviations substantielles par rapport à un fixing quotidien ce qui amené concrètement à réduire la marge bid/ask de 1% à 0,2%.

Ce système a récemment été abandonné du fait qu'il était conditionné par la disponibilité de ressources en devises suffisantes dont ne pourrait disposer la BCT pour intervenir régulièrement sur le marché des changes en guise de défense de la parité en cas d'écarts des cotations interbancaires de celle du fixing.

En effet, et conformément aux accords conclus avec le FMI, qu'il s'agisse du stand by antérieur ou du présent accord de facilité de crédit élargi, un nouveau dispositif de change a été introduit. Il consiste depuis, le mois de mai 2013, à déprécier le dinar en terme effectif (panier euro-dollar) selon un régime de parité mobile dans une bande de 2% en moyenne par an, et ce tant que la monnaie nationale demeurera surévaluée en termes réels.

Cette dépréciation sera facilitée par le fait que le nouveau système impose à la BCT de réduire ses interventions sur le marché des changes à moins de 20% contre 40% auparavant.

Compte tenu du cours moyen actuel du dinar par rapport à l'euro en 2016 sur le marché de change interbancaire (2,47), et en l'absence de mesures urgentes pour limiter l'ampleur des déficits, courant et public, et de leurs impacts sur le cours du dinar, la correction technique ou mécanique de sa surévaluation en termes réels conduirait inéluctablement à maintenir une pression baissière de dépréciation du taux de change nominal par rapport à l'euro dont le cours pourrait frôler une barre fatidique de 3, avec en moyenne 2,56 en 2017, 2,67 en 2018, 2,78 en 2019 et 2,86 en 2020.

Publié le 26/10/16 12:52

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