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Tunisie : Des réformes de longue haleine face à des priorités à court terme

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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Dans son récent rapport, le FMI a indiqué que la Tunisie fait face à des défis macroéconomiques "redoutables" soulignant que les déséquilibres extérieurs, le climat des affaires et le poids de la masse salariale de la fonction publique présentent les principales sources de vulnérabilité de l'économie tunisienne dont l'accélération du progrès des réformes structurelles est devenue une véritable urgence.

Afin de mettre la lumière sur les enjeux auxquels l'économie tunisienne est confrontée, IlBoursa a interrogé l'ancien ministre de l'Economie et des Finances, M. Hakim Ben Hammouda, et M. Radhi Meddeb, économiste et Président de l'association "Action et Développement Solidaire".

Le recours aux réformes économiques

M. Ben Hammouda a affirmé que les réformes économiques élaborées par le gouvernement tunisien et appuyées par l'accord quadriennal au titre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) sont nécessaires car elles permettent de rendre le système économique plus fluide et plus efficace mais elles ne sont pas suffisantes pour relancer la croissance. "Il faut impérativement accélérer l'investissement afin qu'il puisse remettre la croissance économique sur les rails. Le retour de la croissance nous permettra de régler les problèmes épineux de l'économie tunisienne notamment les grands équilibres macroéconomiques et de relancer l'emploi", a-t-il estimé.

Diversification des sources de financement : Condition nécessaire pour l'indépendance de la décision économique et politique 

Face à la détérioration de la recette des IDE, poursuit l'ancien ministre, les crédits contractés auprès des institutions financières internationales telles que le FMI et l'émission d'emprunt obligataire, présentent les principales sources de financement, permettant à la Tunisie de couvrir les salaires de la fonction publique et les dépenses de subvention .

M. Ben Hammouda a rappelé que la diversification des sources de financement est essentielle pour notre économie. "Nous ne pouvons pas limiter notre financement international aux institutions multilatérales. C'est un schéma de financement qui ne correspond pas à la situation d'une économie émergente. Il faut chercher à diversifier nos sources de financement car c'est une condition essentielle à l'indépendance de notre décision économique et politique". a-t-il souligné

Des priorités à court terme qui nécessitent des réformes 

La rationalisation de la masse salariale, la restructuration des banques publiques et des entreprises de l'Etat dont la situation est vulnérable, et finalement l'amélioration du climat des affaires, présentent d'après le gouvernement tunisien des priorités à court terme, explique M. Ben Hammouda. "Ces priorités nécessitent des réformes de longue haleine qui demandent beaucoup d'énergie et beaucoup de suivi et une action déterminée de la part des pouvoirs publics".

Détournement des emprunts à Moyen et Long terme vers des dépenses courantes au détriment des investissements 

Pour sa part, M. Radhi Meddeb a précisé qu'il serait sévère de parler de détournement de l'affectation des emprunts à moyen et long terme. "Tous les financiers connaissent le principe de non affectation des ressources aux emplois. Les ressources sont fongibles. Elles permettent globalement de financer l'ensemble des emplois".

Cela dit, explique M. Meddeb, une simple comparaison entre le volume des dépenses d'investissement d'une part et celui des emprunts de l'Etat d'autre part, fait apparaître clairement qu'une partie des emprunts à moyen et long terme sert à financer une partie des dépenses courantes à savoir les salaires, le service de la dette ou encore les dépenses de fonctionnement. On peut dès lors parler de détournement.

M. Meddeb a ajouté qu'emprunter à long terme pour financer des dépenses de court terme n'a jamais été un comportement de bon père de famille. Selon lui, une gestion rigoureuse exigerait d'éviter de tels comportements. Il est même souhaitable que le volume des emprunts soit inférieur à celui des dépenses d'investissement afin qu'une partie des projets d'investissements soit financée par l'épargne nationale .

L'un des impératifs majeurs de l'économie Tunisienne est d'accélérer le rythme et le niveau des investissements, qui restent inférieurs aux réalisations passées et aux budgets de l'Etat. "Il faut donc trouver les modalités de relever considérablement le niveau des investissements nationaux et de les orienter vers des projets créateurs de valeur. Nous n'avons plus les moyens de nous permettre de financer des "éléphants blancs".

L'objectif premier de l'Etat tunisien doit être aujourd'hui de favoriser la création d'emplois économiquement viables, un objectif qui passe impérativement par des investissements productifs, relevant essentiellement de la sphère privée, correctement ciblés, économiquement et socialement rentables", a-t-il appelé.

M. Meddeb a mis la lumière sur trois secteurs pour lesquels la Tunisie dispose d'un avantage compétitif. Il s'agit d'abord du secteur des technologies de l'information et de la communication (la production de logiciels à l'exportation, la numérisation de la société tunisienne y compris l'administration). Le deuxième secteur est celui de l'éducation et de l'enseignement supérieur qui recèle des gisements de développement considérables, notamment en direction du continent africain.

M. Meddeb a précisé que le développement d'universités privées permettrait de contribuer à l'exportation des services d'éducation vers des pays tiers n'ayant pas encore atteint le niveau de développement et la capacité des ressources humaines de la Tunisie. Cela devrait attirer un contingent d'étudiants venant des pays émergents, tels que les pays francophones d'Afrique sub-saharienne, à condition que le développement de ce secteur se fasse dans le respect des standards internationaux et en association avec de grandes universités européennes ou américaines.

Le troisième secteur qui permettrait d'offrir des débouchés importants aux jeunes diplômés de l'enseignement supérieur est celui de la santé. M. Meddeb a souligné le rôle des établissements de santé offrant des services  orientés vers l'exportation et visant les patients de la classe moyenne émergente de pays tiers. "Plusieurs établissements de santé, privés, ont fait la preuve de la pertinence de ce modèle. Ils l'ont souvent fait seuls et en l'absence d'une stratégie nationale. Il serait temps d'industrialiser ce process", a-t-il préconisé.

Loi bancaire 48-2016 et privatisation des banques publiques 

M. Meddeb a précisé que la loi bancaire 48-2016 allait contribuer à moderniser le cadre réglementaire d'exercice de la profession bancaire en définissant de nouvelles règles du jeu qui vont permettre d'aligner l'ensemble du secteur bancaire sur normes dites de BALE II à l'horizon de 2020. "Notre système bancaire n'est toujours pas en adéquation avec les exigences de BALE II alors que le monde réfléchit déjà à l'après Bâle III. Dans le meilleur des cas, si nous respectons le rythme envisagé des réformes, dans le secteur bancaire, nous pourrions être à BALE II fin 2020", a-t-il ajouté .

M. Meddeb a également  souligné que la question de la privatisation peut se poser si l'Etat estime que les banques gérées de manière publique ne sont pas suffisamment compétitives et ne jouent pas suffisamment leurs rôles dans le financement de l'économie, et qu'associer du capital privé pourrait conduire vers plus d'efficacité opérationnelle.

"La privatisation en elle-même ne règlera pas nécessairement les problèmes du secteur bancaire. Si, menée de manière inconsidérée, elle pourrait même induire de nouveaux problèmes pour lesquels il faut être préparé et avoir des réponses préalables pour éviter que l'on aille vers des problèmes plus compliqués" a-t-il ajouté.

La STB et la BNA, souligne notre interlocuteur, sont deux banques publiques qui portent à bouts de bras deux secteurs essentiels pour l'économie tunisienne. La STB est aujourd'hui lourdement handicapée par les créances douteuses du secteur touristique qui s'élèvent autour de 1,8 milliard de dinars. Quant à la BNA, elle est responsable du financement du secteur agricole qui pèse 12% du PIB et emploie 18% de la main d'œuvre tunisienne.

"La simple évocation de leur privatisation doit d'abord être précédée par la définition d'une stratégie opérationnelle du financement de ces deux secteurs clés dont elles ont aujourd'hui la responsabilité. La privatisation de la BH est envisageable à condition que cela se fasse dans la transparence et le respect des procédures et que le revenu du désengagement de l'État puisse servir soit à diminuer l'endettement public, soit à alimenter un fonds d'investissement dédié au développement régional ou au financement de l'innovation et de l'entrepreneuriat".

Le recours aux marchés extérieurs et la dégradation de la notation

La dégradation de la note souveraine de la Tunisie par les différentes institutions de notation relève d'une chronique annoncée depuis longtemps, elle ne fait que traduire la dégradation de l'économie et des finances publiques en Tunisie et cela depuis 2011, a déclaré M. Meddeb, en ajoutant que "puisque le redressement de l'économie est sans cesse annoncé, mais toujours retardé par les annonces de résultats, il y a une forte probabilité que cette tendance à la dégradation de la note souveraine se perpétue encore à l'avenir".

Cette dégradation aura incontestablement un impact négatif non seulement sur le coût et le volume des emprunts mais surtout sur l'appétit du marché international à contracter de la dette Tunisienne. M. Meddeb a précisé que les conditions d'obtention des emprunts (en 2015 et en  février 2017) peuvent être qualifiées de sévères surtout en prenant en compte le taux d'intérêt réel (y inclus les commissions), le risque de change (dévaluation rampante du dinar) et le très faible niveau de croissance qui a, à peine, dépassé 1% l'an, en moyenne, depuis 2011.

Marwa Souissi

Publié le 27/03/17 12:02

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