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Tunisie - Nouvelle loi bancaire : Les modifications apportées au projet de loi

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
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Après plusieurs recours pour inconstitutionnalité de l'examen en plénière de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) et de certaines dispositions du projet de loi relatif aux banques et institutions financières, l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi a jugé constitutionnel ce projet de loi adopté le 9 juin dernier.

Cette nouvelle loi portant le numéro 2016-48 a été promulguée en date du 11 juillet 2016 et publiée au JORT du 15 juillet 2016.

Nous présenterons ici les principales modifications apportées au projet de la loi numéro 09/2016 tel que présenté à l'ARP. Ces modifications viennent suite aux remarques et propositions formulées par les différents organismes en relation (APTBEF, experts comptables, juristes…)

Il est à préciser que les nouveautés apportées par le projet de loi par rapport à la réglementation en vigueur ont été présentées au niveau des articles publiés sur notre site (article 1, article 2article 3article 4).

A- Les opérations bancaires, les banques et les établissements financiers :

Les principales modifications à ce titre concernent les opérations de finance islamique et ce en :

Remplaçant la référence et la conformité aux «Standards charaïques» par la conformité aux "standards de la finance islamique" ;

- Supprimant le "Comité sharia" (ou Sharia board)  et imposant le contrôle par la BCT de la conformité de ces opérations aux normes et standards internationaux (normes de l'AAOIFI Accounting  and  AuditingOrganization  for  Islamic  Financial  Institutions, essentiellement, CIBAFI General Council for Islamic Banks And Financial  Institutions…) ;

Supprimant la version définitive de la loi les articles relatifs à la définition des opérations de "Mudharaba" et de "Mucharaka" tout en citant au niveau de l'article 11 ces deux opérations et les considérant comme opérations de finance islamique. L'article 11 ajoute que ces opérations seront définies par circulaire de la BCT dans un délai de deux mois à partir de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Cette circulaire fixera les règles et conditions d'exercice de ces opérations ;

Supprimant le principe de spécialisation consacré par l'ancienne version de l'article 24 du projet de la loi. Désormais, toutes les banques peuvent distribuer des produits de finance islamique après présentation d'une demande et obtention de l'autorisation de la BCT conformément aux dispositions de l'article 22 de la nouvelle loi.

Les autres modifications et précisions concernent :

- la définition des ressources des banques d'affaires (constituées exclusivement de leurs fonds propres et des crédits obtenus) ainsi que l'autorisation pour ce type d'établissements financiers d'utiliser le terme "banque" dans leurs dénominations sociales, documents et publicités, à condition d'ajouter, dans tous les cas, le terme "banque d'affaires"

- l'exclusion des établissements de paiement de l'application des dispositions relatives à la gouvernance des établissements financiers prévue par le Titre 4 de la nouvelle loi.

B- L'agrément pour l'exercice des opérations bancaires :

Les commentaires de l'APBEFT relatifs à la suppression de l'agrément préalable des cessions d'actifs ou de passifs qui causent un changement  significatif  dans  la  structure  financière  de  la  banque  ou  de l'établissement financier ainsi que sa demande d'être représentée dans la commission d'agrément par son délégué général n'ont pas été prises en considération au niveau de la version définitive de la loi.

Il en est de même de sa recommandation de laisser la possibilité à la BCT d'ajuster le niveau de  capital  minimum  à  travers  des  circulaires  en  fonction  de  la  nature  de  chaque  agrément dans le but de s'adapter à l'évolution de l'environnement financier.

Le niveau de capital minimum pour les banques et établissements financiers n'a pas été modifié par rapport au projet de la loi et ce malgré les multiples débats et propositions à ce sujet.

Les seuls changements à ce titre concernent la consécration du principe de parité pour les quatre membres indépendants de la commission des agréments et la publication du règlement intérieur de cette commission ainsi que les procédures de présentation des demandes d'agrément sur le site web de la BCT et ce en plus de leur publication au JORT.

C- Gouvernance des banques et établissements financiers

Les principales modifications concernent la définition des parties liées, les comités prévus par les articles 49, 50 et 51 de la loi ainsi que les modalités de nomination des administrateurs et dirigeants.

Définition des parties liées : les membres du comité de contrôle de conformité aux normes de la finances islamiques sont désormais considérés comme parties liées aux banques et établissements financiers et ce à l'instar des autres organes de gouvernance et de contrôle (membres du conseil d'administration, Directeurs généraux, Commissaires aux comptes…). Ils sont soumis, de ce fait, aux mêmes procédures et restrictions prévues par la nouvelle loi.

Comités de gouvernance : la nouvelle loi a retenu l'obligation de création des 3 comités(comité d'audit interne, comité des risques et comité de nomination et de rémunération) pour les banques et établissements financiers. L'exception étant la possibilité de regrouper les comités d'audit interne et de risque des établissements financiers de taille réduite et ce sous réserve d'autorisation préalable de la BCT.

Le projet de loi interdisait aux membres d'un comité de faire partie d'un autre comité. Cela impliquait que les Conseils d'Administration ou les Conseils de Surveillance des banques et établissements financiers doivent comporter au minimum 9 membres. Ces dispositions ont été modifiées et l'article 52 de la nouvelle loi n'interdit que le cumul des fonctions de membre du comité de l'audit internet et du comité des risques.

Nomination des administrateurs et dirigeants : le projet de la loi prévoyait une procédure d'information de la BCT un mois au moins avant la date de l'assemblée ou du conseil d'administration ou du conseil de surveillance prévus pour l'approbation de la nomination. Le silence de la BCT pendant un mois à partir de la date d'information (c'est-à-dire jusqu'à la date prévue pour l'organe qui procédera à l'approbation) valait acceptation de la nomination.

Cette procédure a été modifiée par l'article 55 de la nouvelle loi qui exige l'information de la BCT de toute nomination des personnes citées dans un délai de 7 jours à partir de la date de nomination (information a posteriori). La BCT dispose d'un délai de un mois pour s'opposer à cette nomination conformément aux critères prévus par l'article 56. La banque ou l'établissement financier concerné doit suspendre la nomination objet d'une opposition de la BCT.

Les autres modifications apportées au Titre relatif à la Gouvernance des banques et établissements financiers concernent essentiellement :

- la nullité de toute opération de cession par un actionnaire de référence de sa participation dans une banque ou un établissement financier ou ses droits de vote susceptible de lui faire perdre cette qualité si la cession a été réalisée à défaut de l'agrément prévu par l'article 35 ;

- la politique de rémunération adoptée par les banques et établissements financiers qui doit être cohérente avec leurs indicateurs de solidité financière et de rentabilité. Ces dispositions concernaient la politique de rémunération des dirigeants et des employés des banques et établissements financiers. La nouvelle loi a supprimé cette exigence pour les salariés qui ne peuvent pas être lésés en cas de difficultés économiques et financières rencontrées par les établissements concernés ;

- l'ajout de la possibilité de recours auprès de tribunal administratif contre les décisions de retrait des agréments et ce conformément aux procédures en vigueur (Loi numéro 72-40 du 1er juin 1972, relative au Tribunal Administratif).

D- Supervision des banques et établissements financiers et Audit externe

Les modifications apportées concernent essentiellement :

- la possibilité accordée à la BCT en vertu de l'article 66 de mettre en place des règles de gestion prudentielles spécifiques pour les opérations de finance islamique ;

- l'obligation pour la BCT de motiver ses décisions obligeant les banques et établissements financiers de prendre les mesures listées par l'article 68 : constitution de provisions, limitation ou interdiction de distribution des bénéfices, augmentation des fonds propres, changement de membres de la direction générale membres du conseil d'administration, responsables de contrôle…

- la modification du délai de deux mois initialement accordé aux banques et établissements financiers pour formuler leurs remarques sur le rapport préliminaire de contrôle de la BCT. Ce délai a été écourté à 15 jours au lieu de deux mois ;

- l'ajout de la précision que le conseil d'administration de la BCT fixera les règles d'utilisation des fonds provenant des cotisations prévues par l'article 73 de la nouvelle loi et destinés au développement de la supervision bancaire ;

- l'ajout de la précision relative au respect des dispositions de la loi 2004-63 relative la protection des données à caractère personnel pour les opérations d'externalisation.

En ce qui concerne l'audit externe des banques et établissements financiers, la seule modification apportée concerne la limitation du nombre de missions supplémentaires susceptibles d'être demandées au(x) commissaire(s) aux comptes par la BCT à une seule mission par année.

Les règles de limitation des mandats de(s) commissaire(s) aux comptes (l'interdiction pour les CAC d'auditer plus que deux banques et deux établissements financiers et un délai minimum de 3 ans avant de pouvoir être de nouveau désigné en tant que CAC après fin du mandat initial) ainsi que les critères pour leur nomination ont été maintenus par la nouvelle loi promulguée.

E- Redressement des banques et établissements financiers en difficulté 

Des modifications de forme ainsi que certaines précisions ont été apportées au titre de la nouvelle loi consacré au redressement des banques et établissements financiers en difficulté.

La principale modification de fonds concerne l'ordre de distribution du produit net de liquidation entre les créanciers de la banque ou de l'établissement financier. En effet, les déposants personnes physiques et non professionnels sont privilégiés par rapport aux autres créanciers dits "super privilégiés» (Trésor public et caisses sociales) ou hypothécaires. Ces personnes physiques viennent juste après les salariés de la banque ou de l'établissement financier dans l'ordre de distribution du produit net de liquidation.

Les autres modifications concernent :

- l'obligation de dresser un procès-verbal après audition du représentant de la banque ou de l'établissement financier afin de prendre une décision, par la BCT, de désigner un administrateur provisoire ;

- la possibilité de prolongation de 15 jours du délai prévu par l'article 111 (délai d'un mois) pour l'examen de la demande de sauvetage par la commission de sauvetage ;

- la définition des critères requis pour les experts que la commission de sauvetage pourrait engager dans le cadre de sa mission (intégrité, compétence, indépendance et expérience professionnelle) ;

- la suppression du cas d'arrêt d'activité de la banque ou de l'établissement financier depuis 6 mois de la liste des cas prévus par l'article 130 et qui peuvent justifier une décision judiciaire de liquidation d'une banque ou d'un établissement financier ;

- l'ajout de la précision que la décision de liquidation a pour conséquence la suspension des droits des actionnaires à l'exception de leur droit dans le produit net de liquidation ;

- l'obligation d'élaboration des états financiers par le liquidateur à la date de début de la liquidation de la banque ou de l'établissement financier ;

- l'obligation à la charge du liquidateur d'adresser une copie de ses rapports prévus par l'article 140 (inventaire des actifs et passifs, états financiers à la date de début de la liquidation, plan d'actions, rapports trimestriels d'avancement et rapport définitif)au(x) commissaire(s) aux comptes de la banque ou de l'établissement financier ;

- la suppression de l'obligation à la charge du liquidateur d'informer tous les créanciers de la banque ou de l'établissement financier de la décision de liquidation et ce par lettre recommandée avec accusés de réception. Obligation lourde et coûteuse dans certains cas ;

- l'exclusion des déposants de l'obligation de présenter leurs documents et autres justificatifs prouvant leurs droits sur la banque ou l'établissement financier prévue par l'article 142 ainsi que des procédures prévues par l'article 143 ;

F- Les sanctions 

Enfin, deux principales modifications ont été apportées au titre relatif aux sanctions et concernent :

- la suppression des infractions relatives à

    o  l'acquisition de participations dans une banque ou un établissement financier ou sa cession ainsi que

    o  la cession de parts dans le capital ou des droits de vote par un actionnaire de référence sans autorisation préalable de la liste des infractions sanctionnées en vertu des dispositions de l'article 173 (ces actes sont désormais frappés de nullité en vertu des dispositions de l'article 38 de la nouvelle loi promulguée).

- la possibilité de recours auprès du tribunal administratif contre les décisions de la commission des sanctions et la suppression de la procédure prévue initialement avec la possibilité d'appel auprès de la cour d'appel et de la cassation auprès du tribunal administratif.

 

Sofiène WERIEMI

Expert Comptable

Associé Auxilium Consulting

Publié le 26/07/16 09:05

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