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Mourad Ben Chaabane : "La relance économique nécessite la réconciliation nationale"

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Considéré comme un des piliers du marché financier tunisien, M. Mourad Ben Chaabane, directeur général de l'intermédiaire en Bourse MacSa, nous a accordé une interview pour discuter de la conjoncture économique difficile que traverse le pays et nous exposer sa vision sur la relance économique économique et le développement régional. Des sujets qui nécessitent des propositions concrètes et réalistes.

Interview.

I . Comment pouvez-vous analyser la situation économique actuelle du pays ?

L'économie tunisienne passe par une crise profonde avec une croissance nulle du PIB en 2015, une production industrielle en recul, un investissement en nette baisse et un chômage qui ne cesse d'augmenter. A tout cela, s'ajoute un déficit extérieur élevé qui aggrave l'endettement et pousse encore à la dépréciation du dinar.

On n'est pas sans savoir que l'année 2016 est une année difficile suite au recul de l'agriculture et la baisse du tourisme et on ne voit pas comment remplacer les 2 milliards de dinars d'exportations d'huile d'olive de l'année dernière combinée à la dépréciation du dinar  ce qui alourdit la caisse de compensation, augmente le coût de la dette tunisienne et limite notre capacité de remboursement des crédits extérieurs devant les échéances importantes qui tomberont en 2017 et estimées à 7 milliards de dinars.

La question qui se pose donc est-ce que l'état pourra boucler son budget pour l'année 2017 ? 

II.  A court terme, en quoi consiste la solution adéquate ?

Le plus urgent serait de relancer l'investissement pour accélérer la production et la création d'emplois. Cette reprise permettra de redynamiser les exportations et d'attirer des financements stables intérieurs et extérieurs. Toutefois, ce redémarrage du circuit économique nécessite la réconciliation nationale proposée par le président de la république pour pouvoir sortir de la crise actuelle.

En revanche, la création d'emploi à court terme ne peut pas attendre les nouveaux projets qui exigent du temps pour leur mise en place. A cet effet, je suggère de développer le statut de l'auto-entrepreneur. Un régime ayant pour but de simplifier fortement les formalités de création, d'interruption et de cessation d'une activité professionnelle individuelle à but lucratif, notamment en permettant de s'inscrire directement en ligne pour créer son entreprise, mais aussi en simplifiant le paiement des cotisations sociales, des impôts et des taxes qui sont regroupés dans une cotisation unique proportionnelle au chiffre d'affaires. Il s'adresse à tout porteur de projet d'entreprise individuelle qui souhaite créer son activité sans pour autant créer une société.

Par ailleurs, il faut encourager l'initiative personnelle encadrée et la création des microprojets. Pour ce faire, une enveloppe additionnelle de microcrédits doit être mise en place dans le cadre d'un fonds pour jeunes promoteurs en vue de boucler le schéma de financement de demandes actuellement en cours auprès de la BTS et autres organismes de microcrédits. Cela permettra également de répondre à des demandes non satisfaites par les mécanismes actuels et susciter de nouvelles demandes identifiées dans les différentes rencontres organisées dans les régions.   

D'après une étude élaborée par nos analystes sur la relance économique et le développement régional, cette enveloppe peut viser la création de 2.000 microprojets à l'intérieur du pays à raison de 15.000 dinars en moyenne par projet soit 300 millions de dinars au total. Ces microprojets créeraient 60.000 emplois à raison de deux salariés avec chaque promoteur. Les secteurs d'activité visés sont les TIC, l'environnement, les services de maintenance, l'agriculture, et l'alimentation-commerce.

A cela s'ajoute l'incitation à la formation professionnelle, même pour les diplômés, ainsi que l'incitation, sur proposition personnelle du président de la république, des hommes d'affaires tunisiens à investir à l'intérieur du pays afin de créer l'équilibre régional et par conséquent rétablir la sécurité.

III.  La note sur la relance économique élaborée par MAC SA a-telle suggéré des solutions à moyen et long terme ?

A moyen terme, soit pour la période 2017-2020, des pôles de développement doivent être créés dans les régions de l'intérieur en implantant de grands projets pouvant constituer un noyau qui générera de l'activité sur toute la région par ses effets d'entrainement suite à la sous-traitance de quelques activités sur place et à la distribution des revenus dépensés dans la région.

Ces grands projets seront identifiés dans chaque région à partir des dotations en ressources mais aussi par une volonté politique de décentralisation de l'activité économique. Les fonds propres de ces projets se basent sur un modèle de financement mixte où l'Etat crée un méga-fonds qui financera 20% du capital et le reste à partager entre la population de la région (10%), des privés nationaux (30%) et des fonds d'investissement (40%).

Par ailleurs, l'Etat tunisien et les Etats étrangers, qui seront sollicités dans le cadre du recyclage de la dette ancienne ou/ et participation dans ce fonds, devront mobiliser des ressources pour allouer au minimum 1 milliard de dinars à ce méga fonds des régions. La part de l'Etat tunisien peut provenir des recettes sur les biens confisqués. Cette dotation permettra de collecter des fonds propres de 5 milliards de dinars pour les grands projets régionaux.

Le recours à l'endettement pour ces projets se ferait sur la base de la parité 50-50 entre fonds propres et emprunts. L'enveloppe globale des grands projets régionaux est donc de 10 milliards de dinars entre fonds propres et dettes représentant 8% de l'enveloppe de financements prévus dans le cadre du Plan.

Les emplois directs et indirects liés à ces grands projets sont estimés à 135.000 personnes, auquel il faudra ajouter les 60.000 emplois des microprojets et extensions. Le nombre total d'emplois créés serait donc de 200.000 personnes.

Cela permettra de résorber 60% des chômeurs existants et de la population active additionnelle d'ici 2020. Cela fera également baisser le taux de chômage de 40%  du taux actuel soit au moins de 10% de chômage pour les gouvernorats dont le taux actuel moyen est supérieur à 25% en particulier Kasserine, Sidi Bouzid, Gafsa, Tozeur et Tataouine.

Pour le long terme, dans une conjoncture actuelle aussi difficile, et surtout le pessimisme qui règne chez la majorité des Tunisiens, il faut essayer de leur donner de l'espoir pour une Tunisie nouvelle à l'horizon 2030 leur permettant de se projeter et de bâtir leur avenir.

La planification de l'activité économique à long terme doit s'insérer dans une vision optimiste des évènements où les potentialités de la Tunisie seront exploitées au mieu pour améliorer le bien être dans toutes les régions. L'objectif primordial est d'atteindre l'équilibre régional à l'horizon 2030 par la réalisation des projets régionaux et l'exécution du programme d'infrastructure de l'Etat.

Pour cela, l'Etat devra s'assurer de la réalisation de projets d'infrastructure, soit par financement direct du budget ou par l'activation du partenariat public-privé.

IV. Quels sont ces projets prioritaires ?

Tout d'abord, la création d'un grand campus universitaire dans la région de Kasserine permettant de regrouper 50.000 (et plus) jeunes étudiants, et bâtir dans la région d'Enfidha à l'horizon de 2030-2040 une grande ville industrielle (industrie mécanique ou/ et aéronautique).

La nouvelle ville atteindrait 200.000 habitants et couvrira toute la région d'Enfidha à Sidi Bouzid, en passant par Kairouan, dans le but de réduire au maximum le taux de chômage exorbitant sur ces zones, et assurer un avenir meilleur.

Cela nécessite, bien évidemment la construction du port en eaux profondes d'Enfidha, les autoroutes reliant toutes ces région, et surtout la stratégie marketing visant à promouvoir l'attractivité de cette "grande ville".

Par ailleurs, il faut une restructuration de tout le secteur touristique, et ce par la réduction progressive du low-cost et la mise en place d'une nouvelle stratégie, à long terme, visant à promouvoir trois régions tunisiennes, à savoir Tozeur, Korbous et Tabarka.

Dans ce même secteur, et parallèlement au développement de ces régions, un programme de reconversion des unités hôtelières surendettées doit être engagé en vue de transformer certaines d'entre elles en projets de services urbains (santé, résidence hôtelière) et d'assainir les autres moyennant une reprise par des professionnels du secteur.

V. Pour conclure ? 

La mobilisation de ressources diverses, provenant du secteur privé national et étranger, de l'Etat, d'institutions étrangères ou de la solidarité de tous, permettra de résorber plus de la moitié du chômage élevé dans les gouvernorats de l'intérieur. Les projets qui seront réalisés couplés avec l'effort de l'Etat en terme d'infrastructure assureront un équilibre régional garant de la paix sociale et de la stabilité politique dans le pays.

Les actions proposées reposent sur l'adoption de la réconciliation nationale qui assurera la réussite de cette mobilisation qui aboutira à la création d'un fonds pour microcrédits aux jeunes promoteurs et d'un méga-fonds pour les grands projets dans les régions. Ces ressources seront appuyées par des emprunts et aides étrangères.   

O.E.O

Publié le 28/06/16 15:55

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