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Les implications de la normalisation de la politique monétaire américaine sur l'économie tunisienne

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Le 16 décembre 2015, la Federal Reserve américaine a démarré son cycle de resserrement monétaire, mettant fin à sept années de politique de taux zéro. Les taux directeurs de la FED (Fed funds rates) qui évoluent entre 0% et 0,25% passeront ainsi à la fourchette de 0,25% à 0,50%.

Pour donner un éclairage sur les retombées de cette décision de la Federal Reserve américaine sur l'économie tunisienne, l'intermédiaire en Bourse MAC SA s'est interrogé dans son billet économique établi par M. Moez Laabidi, Professeur à la Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Mahdia et Conseiller économique auprès de MAC SA, sur les implications de ce resserrement sur l'économie tunisienne.

Certes, les retombées du durcissement de la politique monétaire américaine sur la Tunisie demeurent minimes si nous les comparons aux effets déstabilisateurs affectant certains pays du Golfe, d'Amérique Latine ou d'Asie : des sorti es massives de capitaux et une forte dépréciation du taux de change, … Des pays déjà largement fragilisés par l'effondrement des prix des mati ères premières. Le durcissement de la politique de la FED affecte l'économie tunisienne via plusieurs canaux.

L'appréciation du dollar

Le changement de cap de la politique monétaire de la FED a rapidement déclenché des mouvements de sorti es massives de capitaux du monde émergent et un retour vers les Etats-Unis. Ce positionnement sur le dollar a provoqué la montée des pressions baissières sur les devises émergentes et l'appréciation de la monnaie américaine. Une telle appréciation serait certainement désinflationniste aux Etats-Unis, dans la mesure où elle empêche l'inflation de flamber pour retrouver rapidement son objectif de 2%.

Mais elle serait génératrice de poussées inflationnistes (inflation importée) en Tunisie, empêchant l'inflation de percer à la baisse la barre de 4%. De même, elle serait déstabilisante pour le budget de l'Etat de 2016 qui repose sur un dollar à 1.97 TND alors qu'il a déjà franchi la barre des 2 dinars, avant la décision de la FED.

Renchérissement du cours des produits de base importés

L'appréciation du dollar et le renchérissement de la facture des importations de produits de base pourraient être néfaste aussi bien pour la balance courante que pour le budget de l'Etat.

D'une part, la montée des cours exprimés en dinars renchérit la facture des importations et creuse, de ce fait, le déficit courant. Ainsi, l'effet positif de l'appréciation du dollar sur la compétitivité des produits tunisiens, sera largement absorbé par le renchérissement des importations. D'autre part, le renchérissement du prix des produits importés pèsera sur le budget alloué aux subventions et mettra davantage de pression sur les finances publiques. Fort heureusement, la chute des cours observée sur le marché pétrolier ne pourrait qu'adoucir l'effet négatif provoqué par la hausse du dollar.

Renchérissement de la dette

Avec une dette externe dont le ti ers est libellé en dollar, l'appréciation du billet vert pèsera lourd sur le budget de l'Etat. Rappelons qu'une appréciation du dollar face au dinar de 10 millimes fait supporter à la Tunisie un coût supplémentaire de 20 millions de dinars. Certes, le trend baissier de l'euro et la chute du prix du baril de pétrole arrivent aujourd'hui à neutraliser partiellement l'effet dollar sur les finances publiques. Chose qui n'est pas garanti e pour 2017.

Car si la reprise ferait son apparition en Europe et dans le monde émergent, la normalisation des taux, surtout en Europe, pourrait pousser les taux longs vers des niveaux plus élevés et mettre l'euro sur un trend haussier, compliquant davantage l'équation de la dette tunisienne. Comme le relèvement des taux directeurs américains a une portée planétaire.

L'appréciation du dollar par rapport aux autres devises finira par pousser d'autres banques centrales, surtout celle dont la monnaie est ancrée sur le billet vert, à relever leurs taux directeurs. Ce qui est de nature à durcir les conditions de financement bilatéral pour la Tunisie.

C'est le cas des pays du Golfe qui, à parti r du 17 décembre 2015, ont été forcés de relever leurs taux. Le Koweït a majoré sont taux directeur de 25pb (point de base), pour le ramener à 2.25%. L'Arabie Saoudite a relevé son taux directeur pour la première fois depuis 2009 de 0.25% vers 0.50% ;les Emirats Arabes Unis ont augmenté leur taux des certificats de dépôt de 25 pb pour le ramener à 1,25%; le Bahreïn a aussi relevé son taux de 25pb ; …

Durcissement des conditions de sortie sur le marché international

La transmission des taux courts (du marché monétaire) au taux longs (du marché obligataire) pourrait renchérir les conditions d'emprunt sur le marché international, et du coup, la Tunisie serait forcée d'emprunter à un coût élevé. Car les taux longs américains restent la référence sur le marché obligataire international.

Toutefois, la hausse des taux longs américains largement anticipée par les marchés suite au resserrement des taux de la FED, risque d'être insignifiante en 2016. L'écart de rendement très favorable aux bons du Trésor américain, par rapport aux titres souverains japonais et européens, continue de renforcer les positions acheteuses de titres longs américains, et du coup permettrait de contenir toute pression haussière sur les taux.

Ainsi, pour ses sorties sur le marché international programmées en 2016, la hausse du coût de l'emprunt pour la Tunisie serait plus le résultat de la montée de son spread souverain (étroitement lié aux perspectives de l'économie tunisienne) plutôt que l'effet de la majoration du taux sans risque de référence(Treasury Bond américain).

L'investissement étranger

Les Etats-Unis ainsi que les monnaies ancrées sur le dollar seront les plus attractives pour l'investissement étranger (IDE et IDP). Anticipant l'appréciation du dollar, les bailleurs de fonds internationaux seront de plus en plus tentés de réorienter leurs flux d'investissement vers les actifs en dollars.

De ce fait, dans un environnement marqué par une réallocation des portefeuilles internationaux au profit du dollar et des monnaies ancrées sur le billet vert, la Tunisie ne pourrait pas espérer séduire facilement les bailleurs de fonds étrangers. Un contexte très difficile, même pour ses partenaires du Golfe, où la force de frappe de leurs fonds souverains a été affaiblie par la chute vertigineuse des recettes pétrolières.

Publié le 08/02/16 09:59

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