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Fadhel Abdelkefi : " Il faut réformer la manière de légiférer en Tunisie"

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Tous les experts s'accordent sur la situation inquiètante dans laquelle se trouve l'économie tunisienne et la nécessité de transmettre des signaux clairs à l'investisseur tant à l'intérieur qu'à l'extérieur et aux partenaires de la Tunisie quant à l'existence d'une ferme volonté d'accomplir les changements et les sacrifices nécessaires.

Parmi ces experts, M. Fadhel Abdelkefi, directeur général de l'intermédiaire en Bourse Tunisie Valeurs et ancien président du Conseil d'administration de la Bourse de Tunis, qui nous livre son diagnostic de la situation économique en Tunisie ainsi que les solutions qu'il juge nécessaires afin de sortir du marasme économique qui handicape le pays.

Interview.

I- 2 ans après la finalisation de la transition politique, la situation économique demeure difficile : un chômage persistant, une croissance en dessous des attentes, un déficit et une dette qui ne cessent de se creuser, selon vous la situation actuelle est-elle alarmante ?

Deux ans après la transition politique, le premier constat que je fais personnellement c'est que nous sommes en train de découvrir l'application de la nouvelle constitution. La classe politique ainsi que les agents économiques des secteurs public et privé sont en train de découvrir ce que c'est un régime politique qui, substantiellement, utilise des mécanismes d'un régime parlementaire. D'un point de vue économique, il est clair que nous découvrons une manière de faire qui est un peu plus longue que nous le souhaitions.    

Pour ce qui est de la situation actuelle du pays, on peut dire que la Tunisie a rompu aujourd'hui avec les grands équilibres macroéconomiques. Un pays qui a doublé sa dette en 5 ans, un pays qui a une croissance molle, un pays dont les équilibres extérieurs globaux se sont énormément détériorés notamment la balance commerciale et la balance de paiements avec un début d'inflation conséquente, ne peut être qu'un pays dont les équilibres macroéconomies ont été ébranlés.

Toutefois, la dette publique peut être considérée comme encore soutenable, à condition qu'il y'ait une croissance derrière qui permettrait à terme de rentrer dans un cycle vertueux.

Economiquement parlant, je continue à croire que la Tunisie est un pays qui a énormément de potentiel notamment dans le tourisme résidentiel et médical, la logistique, les investissements subsahariens ... La Tunisie peut donc devenir un réel hub régional.

Toutefois, je suis parmi ceux qui pensent qu'il faut avoir une sorte de refonte générale de la manière de légiférer en Tunisie. Il faut ainsi légiférer plus simplement et plus rapidement. Nous avons besoin d'une réforme qui va décongestionner l'économie.

II- En quoi consiste cette réforme ?

S'il y a un thème sur lequel il faudrait pousser la Tunisie, c'est le pragmatisme au niveau du cash et des devises qui circulent dans le pays, de la réglementation des biens immobiliers pour les étrangers ainsi qu'au niveau du Code d'investissement.

Il faut soulager l'agent économique des contraintes administratives pour laisser parler sa puissance inventive et son sens d'entreprenariat. Aujourd'hui, faire émerger le privé et vendre mieux la Tunisie aux étrangers se sont les deux principaux leviers puisque les marges de manœuvre au niveau des finances publiques sont totalement réduites.

Je suis convaincu de la nécessité d'un courage politique et d'un discours de vérité qui expose la situation réelle du pays. Ensuite, il faudra prendre des décisions courageuses, voir mêmes douloureuses.

Il faut redémarrer rapidement à plein régime les mines de phosphates, trouver des solutions au secteur hôtelier et exposer la situation réelle des banques, il faut également expliquer très clairement aux députés la situation actuelle du pays.

L'urgence aujourd'hui est d'abord de dire la réalité des choses aux partenaires sociaux, aux partis politiques, au parlement et à la population pour que les gens prennent conscience. Ceci facilitera ensuite la mise en place du plan d'urgence.

III- Pour ce qui est du marché financier tunisien, pensez-vous qu'il a besoin d'une réforme puisque sa contribution dans le refinancement de l'économie reste toujours assez faible ?

Actuellement, le marché financier tunisien ne contribue qu'à hauteur de 7% dans le refinancement de l'économie tunisienne ce qui représente un taux extrêmement bas. Cependant, la Bourse de Tunis reste sans aucun doute un levier extraordinaire de développement et peut prétendre à 200 sociétés cotées et à un refinancement de l'économie entre 20% et 25% et à une capitalisation boursière qui peut atteindre 75% du PIB de la Tunisie.

Pour ce faire, la contribution des banques commerciales dans cet effort est primordiale parce que sans leur prise de conscience la Bourse de Tunis ne pourra pas émerger.

Par ailleurs, il faut structurer une demande un peu plus institutionnelle et profonde, celle-ci ne peut se faire que si nos institutionnels investissent davantage et que l'investissement étranger soit plus souple.

En poussant concomitamment ses idées ainsi que d'autres, la Bourse de Tunis pourrait être le showroom du pays dont elle reflète l'état de santé. En revanche, je tiens à signaler que le sujet de la restructuration du marché financier n'a pas atteint le niveau de priorité requise de la part des pouvoirs publics vu la situation politique toujours instable du pays.

Ainsi, la personne qui va prendre en charge le dossier de réforme du marché financier tunisien doit avoir le temps et la main pour pouvoir accomplir cette mission qui doit s'inscrire dans le cadre d'un plan quinquennal. Pour y arriver, toutes les parties prenantes du marché financier tunisien doivent se mettre autour d'une table et se poser les vraies questions et problématiques.

IV- Que pouvez-vous nous dire sur l'association Ifrikiya pour le Dialogue Économique dont vous êtes le vice-président ?

Je peux définir "Ifrikiya pour le Dialogue Économique – IDÉ » comme un carrefour de dialogues, son objectif est de discuter de sujets économiques de manière paisible, décontractée et surtout sans langue de bois.

D'ailleurs, son lancement est venu répondre à un besoin grandissant en matière de débat économique serein sans discours partisan et sans politique politicienne. La première rencontre a vu, entre autres, la participation de Habib Karaouli et Hechmi Alaya.

Le président de l'association est Khelil Chaibi, Neila Ben Zina, Hakim Ben Hamouda et moi-même en sommes les vice-présidents. L'association compte également parmi ses membres des universitaires, des capitaines d'industries, des entrepreneurs mais également de hauts fonctionnaires de l'Etat.

O.E.O

Publié le 23/06/16 13:18

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