ilboursa arabic version ilboursa

BCT : L’intention est bonne, mais la mesure est mauvaise

ISIN : TN0009050014 - Ticker : PX1
La bourse de Tunis Ouvre dans 25h54min

Le 26 avril 2017, le conseil d'administration de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a pris la décision de relever le taux directeur. Visiblement, cette décision émane de ce raisonnement : puisque les Tunisiens vivent au dessus de leurs moyens et qu'ils consomment plus qu'ils produisent et importent plus qu'ils exportent, une augmentation du taux directeur va se répercuter sur les taux d'intérêts débiteurs et créditeurs et corriger ce déséquilibre flagrant.

Plus précisément, la BCT semble croire que l'augmentation du taux créditeur (taux appliqués sur les dépôts) encouragera l'épargne domestique et drainera des ressources financières supplémentaires provenant de l'étranger (tels que les transferts des Tunisiens résidant à l'étranger, les investissements de portefeuille, etc). De même, l'augmentation des taux créditeurs (taux sur les crédits) agira sur le coût d'endettement et permettra une rationalisation de la consommation des biens nationaux et étrangers (importations).

Il va sans dire que, derrière la décision de la BCT, il y a bien la volonté d'agir positivement sur le taux de change mais aussi de maîtriser l'inflation. 

Vraisemblablement, l'institut d'émission s'est basé sur deux fondements théoriques. Le premier est lié à la "théorie de la parité des taux d'intérêt" qui considère que le choix entre des actifs nationaux par rapport à des actifs étrangers (et donc une demande de la monnaie nationale) est expliqué par la différence entre le taux d'intérêt domestique et celui appliqué à l'étranger, plus la variation anticipée du taux de change. A titre d'exemple, un Européen ne préfère acheter des actifs libellés en dollars (et donc demander des billets verts) que si la somme du taux d'intérêt sur les actifs américains plus la variation anticipée du taux de change Euro-Dollar est supérieure au taux d'intérêt appliqué sur les actifs européens.    

Malheureusement, cette théorie ou ce raisonnement ne s'applique pas en Tunisie pour au moins deux raisons. Premièrement, il n'existe pas une libéralisation totale des capitaux et les investissements de portefeuille continuent d'être contraints par la règlementation tunisienne. Sur la même lignée, étant convaincus que le dinar va encore se déprécier, les Tunisiens résidant à l'étranger vont très probablement reporter leurs transferts en devises pour avoir plus tard une rentabilité beaucoup plus élevée.

Deuxièmement, étant toujours à un niveau négatif, le taux d'intérêt réel (différence entre le taux nominal et l'inflation) ne va pas encourager les agents économiques à épargner, surtout que ces derniers souffrent déjà d'un problème de liquidité.

Le deuxième fondement théorique est lié au "canal étroit du crédit" qui stipule que l'augmentation du taux directeur se traduit par un renchérissement du coût de crédit, ce qui affecte négativement la demande et réduit l'inflation. A titre d'exemple, un ménage (ou une entreprise) qui finance ses besoins de consommation (ou d'équipement) essentiellement par le crédit se trouve contraint(e) de faire de la sorte et donc pousser à diminuer sa demande.

Malheureusement, bien que ce canal soit opérationnel dans une économie comme la notre (économie basée sur l'endettement des acteurs économiques), l'augmentation du taux d'intérêt directeur affectera les taux d'intérêt sur les marchés, mais n'aura pas d'effet sur l'inflation. Et pour cause, la pression sur les prix dans notre pays est beaucoup plus liée à des facteurs extra-monétaires tels que les problèmes de circuits de distribution, l'augmentation des coûts de production, etc. Pire encore, il est fort probable que cette augmentation du taux d'intérêt impactera négativement l'investissement et la croissance, surtout que les entreprises souffrent déjà de véritables difficultés financières.

Au final, bien que l'intention de la BCT soit bonne, la mesure de relèvement du taux d'intérêt directeur ne changera pas grand-chose, du moins sur le court terme. Clairement, face à des problèmes structurels (notamment la dépréciation continue du taux de change et l'inflation galopante), il faudrait apporter des réponses structurelles.

Aram Belhadj : Docteur en sciences économiques de l'université d'Orléans et Enseignant-Chercheur à FSEG Nabeul

Publié le 02/05/17 11:04

SOYEZ LE PREMIER A REAGIR A CET ARTICLE

Pour poster un commentaire, merci de vous identifier.

UomCPlxjrhh6MpbTPyaBAro35ii9aoExct0m0_kioDY False