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Bassem Loukil : Nouveaux projets et perspectives prometteuses pour les filiales industrielles du groupe

Par Omar El Oudi, le 07/09/2015

Omar El Oudi

Dans la concession automobile, comme dans les télécoms, les services ou l'industrie, Bassem Loukil, patron du groupe familial, fait preuve d'un hyperactivisme pour contribuer à la mise en place des stratégies de développement. Première introduction en Bourse de 2015, l'entrée d'UADH marque aussi la première cotation pour une holding spécialisée.

Bassem Loukil nous a accueilli dans son bureau où il nous a parlé de la situation des AMS, le sort de GIF et les perspectives de la branche auto du groupe familial fondé en 1976. En grand professionnel il enchaine des phrases très construites, où chaque mot est pesé.

Entretien.

 

Les maux du secteur automobile ne cessent de se multiplier ces dernières années. En tant que professionnel du secteur, pourriez-vous identifier les causes ?

Le plus grand souci pour un PDG d'un groupe coté en Bourse c'est, bien évidement, la visibilité. Pour une société cotée, sa valeur est basée sur un business plan, sur le potentiel de croissance qui a été annoncé, et encore sur les futurs bénéfices qui pourraient être dégagés d'un tel business plan.

Aujourd'hui, l'absence de visibilité demeure un grand souci pour tous les concessionnaires automobiles de la place. Nous faisons de notre mieux pour respecter et même dépasser nos objectifs, mais l'absence d'une planification et d'une vision claire sur les prochaines années de la part du gouvernement, nous met une pression supplémentaire pour essayer de deviner l'état de l'économie en 2016 et 2017.

Du côté de notre holding automobile, je pense que, jusque-là, nous avons pu réaliser nos objectifs et les dépasser. Nos équipes ont subi beaucoup de pression pour pouvoir lancer de nouveaux modèles et élargir notre réseau. L'agressivité de nos équipes continuera notamment à faire la différence par rapport aux autres concessionnaires. Et c'est encore beaucoup plus difficile pour les autres sociétés du groupe cotées, essentiellement, celles industrielles, à savoir les AMS et GIF.

Pour GIF, nous essayons aujourd'hui de lier son avenir et sa croissance strictement à l'export et on a jusque-là réussi à le faire puisque les prémisses et les partenaires que nous avons actuellement tel que PSA, qui veut aujourd'hui développer en très grandes vitesse ses exportations de filtres vers l'Europe ou l'Afrique, sont en train de prendre la relève sur l'absence de toute croissance locale.

Concernant les AMS, la société a beaucoup souffert du marché parallèle et de la contrefaçon ce qui s'est directement répercuté sur les réalisations de la société et par conséquent sur le cours boursier. Qu'en pensez-vous de la situation actuelle de la société ?

Les AMS, c'est une autre paire de manches. La société opère à hauteur de 90% sur le marché local. Malgré la notoriété des produits et l'importance du réseau de distribution, le marché se trouve dans une situation de marasme énorme : les grandes surfaces ont réduit leurs achats de 20 à 25%, le marché parallèle continue à prendre le dessus sur tout le monde, un ralentissement du secteur de l'immobilier, même la consommation des ménages en inox a beaucoup régressé en 2015. D'ailleurs, auparavant, durant les périodes de mariages entre juin et juillet, on constatait un rebondissement de 30 à 35% de la demande mais cette année elle est restée flatte. 

En outre, on constate également l'absence totale de la demande du secteur de l'hôtelierie. Habituellement, entre le mois de mars et le mois de juin, les hôteliers placent des commandes et s'approvisionnent pour la saison, mais depuis trois ans ils sont quasiment absents sur le marché.

Comment comptez-vous remédier à ce problème ?

Après la fermeture du marché libyen depuis trois ans, notre plus grand marché à l'export, l'issue pour les AMS aujourd'hui c'est de réduire sa dépendance au marché local et de se focaliser davantage sur le marché de l'export en Afrique Subsaharienne malgré qu'on soit confronté aux produits chinois qui sont beaucoup moins chers pour différentes raisons. Mais, on commence, toutefois, à avoir quelques réussites au Gabon, au Sénégal ou encore en Côte d'Ivoire.

En 2014 et 2015 on a travaillé énormément sur la réduction des charges pour avoir une structure beaucoup plus flexible. Nous avons également travaillé sur l'introduction de nouveaux produits pour l'élargissement de la gamme Inox ainsi que de nouveaux produits de la gamme robinetterie destinés au marché africain.

Actuellement, nous sommes en train de récolter le fruit de cet effort. Nous avons eu des commandes récurrentes et gagné des appels d'offres en Afrique, chose qui était presque impossible il y a deux ans.

Donc l'assainissement social, l'assainissement financier, la diversification de la gamme et le développement des produits spécifiques aux besoins du marché africain, ont permis aux AMS d'être beaucoup plus compétitifs et concurrentiels avec les produits chinois et turcs.

Et pour ce qui est de l'endettement de l'entreprise?

Lorsqu'on a racheté les AMS en 2008, l'endettement de l'entreprise était aux alentours de 31 millions de dinars dont la grande partie est composée des crédits à moyen terme liés soit à l'assainissement social soit à des découverts mobilisés qui ont été convertis en CMT. En même temps, nous avons hérité d'unités de production quasiment révolues.

D'ailleurs, les augmentations du capital qui ont eu lieu au sein des AMS ont été destinées à la mise à niveau et en partie à la réduction des CMT hérités. A ce titre, nous avons remboursé à la STB en 3 ans 11 millions de dinars et on a investi pour 15 millions de dinars au sein de l'usine pour transformer totalement les outils de production et les ateliers. Rien qu'en éclairage et circuits électriques on a dépensé 1,5 million de dinars.

Par ailleurs, on a du assainir d'une manière progressive les bilans qu'on a hérité avec des balances clients qu'on a du passer au crible fin pour provisionner ce qui a été quasiment carbonisé et passer d'un système d'information archaïque à un ERP. Sans oublier que nous avons eu quelques surprises dans des bilans qui datent de 2003.

Côté réalisations, on a du faire un forcing en 2014 pour changer les cahiers des charges puisqu'en 2013 l'Etat a tout importé. Cette année, on récolte un peu le fruit de la pression exercée sur le gouvernement et sur les entreprises publiques pour acheter sur le marché local en premier lieu.

Maintenant, la vision est claire et si on a déposé une demande pour procéder à une augmentation du capital de 6 millions de dinars c'est, entre autre, pour pallier définitivement à cette problématique d'endettement et donner à l'entreprise l'outil de rembourser ses crédits et par conséquent rééquilibrer ses fonds propres.

Je tiens à souligner, dans ce cadre, que toute l'industrie mécanique souffre actuellement à cause de l'absence des grands projets et d'investissements privés et on paiera la facture double en 2016 puisque la base n'a pas été établie en 2015 et on a refait cette année la même erreur de l'année dernière.

Pour GIF Filter, comment se comporte-t-elle après une année et demie de son acquisition par le groupe Loukil?

Aujourd'hui, la société GIF n'a aucun problème financier ni de marché. Lorsqu'on a racheté l'entreprise, le but était de la transformer à l'export. En un an et demi, nous avons pu se faire référencer auprès de PSA. Heureusement pour GIF que PSA a décidé de focaliser une grande partie de ses achats sur la Tunisie. Actuellement, L'export, qui a été presque absent en 2014, se reprend sur certains marchés africains.

Financièrement, GIF est une société équilibrée qui place plus de 5,8 millions de dinars. Elle a mis tout un programme de mise à niveau qui lui a permis d'avoir la certification du constructeur automobile français.

Mais le sort du titre GIF en Bourse est jusque-là  inconnu pour les actionnaires ?  

GIF souffre aujourd'hui d'une seule chose, c'est qu'elle appartient à UADH. Il semble, ainsi, que les investisseurs en Bourse n'ont pas trouvé de l'intérêt d'investir dans GIF et préfèrent le faire directement dans la holding.

On a soupçonné cette tendance au moment de l'introduction d'UADH et c'était difficile de proposer aux actionnaires de GIF un SWAP au sein d'UADH puisque cette proposition aurait posé un problème sur la valeur d'introduction du titre UADH et certains banquiers auraient dit hautement dans ce cas qu'il s'agit de l'arnaque du siècle.

Pour la moins-value qui a été constatée sur le titre GIF depuis quelques années par certains clients, elle concerne également le groupe qui détient 65% de l'entreprise. Ceci dit, que s'il y aura une décision sur le sort de la société GIF, il faut qu'elle soit équitable pour tout le monde.

En effet, on disait qu'on a un business plan annoncé et qu'on continuera à le réaliser et on laisse le marché juger de la valeur réelle du titre UADH et on se donne un délai bien précis pour voir comment les deux titres vont se comporter. Et à un moment donné on va se décider sur le sort final du titre GIF.

Y'aura-t-il un retrait ou bien un rachat par UADH ?

Toutes les options existent même une OPA ou SWAP. Notre souci c'est qu'on ne veut pas laisser un goût amer chez les actionnaires de GIF. Quelle que soit la proposition, il faut qu'ils se sentent convaincus et satisfaits du choix.

Nous ne sommes pas responsables d'une valeur de 6 ou 8 ou 10 dinars du titre. On a racheté GIF à 2,280 dinars l'action et non pas à 4 ou 5 dinars.

Aujourd'hui, nous sommes conscients de notre responsabilité morale vis à vis de ceux qui ont acheté le titre à 4 ou 5 dinars et le jour où nous proposons l'une des solutions à nos chers actionnaires de GIF elle sera sans aucun doute équitable et la perte de certains actionnaires sur le titre GIF, si elle y est, sera notamment minimisée.

Je vous garantis qu'à la fin de l'année 2015, GIF réalisera largement ses objectifs en matière de chiffre d'affaires et des bénéfices et il n'y aura aucune raison que ça ne se fasse pas. Tout ce qui a été mis en place en 2014 et au début de 2015 est en train d'être réalisé et les chiffres et les partenariats conclus l'en témoignent.

Leader du marché automobile à fin juillet, UADH voudrait-elle aller encore plus vite et plus loin ? Quelles sont alors ses ambitions ?

Après les chiffres qui nous positionnent en tête du classement des concessionnaires automobiles en matière de ventes de véhicules sur les sept premiers mois de 2015, on espère garder cette position pour le reste de l'année et ce, par le biais d'intégration de nouvelles cartes.

On sait tous que Suzuki va sortir sur le marché d'ici fin septembre suivie par Ford et Hyundai. Et en tant qu'opérateur majeur du secteur de l'automobile en Tunisie, nous gardons toutes nos chances pour arracher du moins la concession de l'une de ces marques.

En parallèle, on se penche actuellement sur d'autres dossiers de concessions avec des constructeurs asiatiques ainsi que d'autres activités annexes pour faire évoluer d'une manière régulière le chiffre d'affaires du groupe UADH.

Pour tout le groupe, notre souci actuel est de renforcer les sociétés industrielles du groupe, continuer à investir dans le secteur de l'automobile par le biais de la fabrication des pièces pour le compte de PAS, mais surtout évoluer à l'échelle internationale et plus précisément sur le marché africain.

Nous sommes en train de prospecter des pays africains ciblés pour vraiment s'y installer et offrir l'opportunité aux filiales du groupe de se développer sur certains marchés clés du continent. Nous travaillons la main dans la main avec notre partenaire le Groupe Attijariwafa Bank sur certains marchés ainsi qu'avec la COTUNACE qui a montré une certaine agressivité en faveur des sociétés tunisiennes.

Pour 2016 et 2017, on compte s'implanter et développer au maximum les opportunités offertes par le marché africain en espérant de meilleurs jours pour l'économie tunisienne pour laquelle nous gardons beaucoup d’espoir.



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